La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2024 | FRANCE | N°22BX02916

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 20 juin 2024, 22BX02916


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Maransin Éole et les communes de Bayas, Lagorce, Lapouyade et Laruscade ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 mars 2016 par lequel le préfet de la Gironde a délivré à la société Ferme éolienne de la Petite Valade une autorisation de défrichement pour permettre l'implantation d'un parc de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Maransin.



Par un jugement n° 1603860 du 1er mars 2018,

le tribunal a annulé l'arrêté du 10 mars 2016.



Procédure devant la cour avant cassation :


...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Maransin Éole et les communes de Bayas, Lagorce, Lapouyade et Laruscade ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 mars 2016 par lequel le préfet de la Gironde a délivré à la société Ferme éolienne de la Petite Valade une autorisation de défrichement pour permettre l'implantation d'un parc de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Maransin.

Par un jugement n° 1603860 du 1er mars 2018, le tribunal a annulé l'arrêté du 10 mars 2016.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 avril 2018, le 16 septembre 2019 et le 19 novembre 2019, la société Ferme Eolienne de la Petite Valade, représentée par Me Gelas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1603860 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de rejeter la demande présentée devant ce tribunal ;

3°) à défaut, de surseoir à statuer afin de permettre la régularisation de l'avis de l'autorité environnementale ;

4°) subsidiairement, de limiter l'annulation de l'arrêté du 10 mars 2016 à l'avis de l'autorité environnementale et d'ordonner la reprise de l'instruction de la demande à cette phase de la procédure ;

5°) de mettre à la charge des requérantes de première instance la somme de 1 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé, le tribunal n'ayant pas indiqué les raisons pour lesquelles il a estimé que l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale avait nui à l'information du public et exercé une influence sur le sens de la décision contestée ; le tribunal n'a pas non plus indiqué les motifs qui l'ont conduit à juger qu'il n'y avait pas d'autonomie entre l'autorité environnementale et l'autorité décisionnaire ;

- eu égard à son objet social, l'association Maransin Eole ne justifiait pas d'un intérêt suffisant à contester l'autorisation de défrichement en litige ; les communes ne justifiaient pas non plus de leur intérêt à agir comme l'a reconnu le tribunal ;

- la règle selon laquelle l'autorité environnementale doit être autonome vis-à-vis de l'autorité décisionnaire est fixée par la directive 2001/42/CEE et non par la directive 2011/02/UE ;

- les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement ont disposé d'une autonomie vis-à-vis du signataire de la décision en litige ; si la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement a émis un avis sur l'étude d'impact jointe à la demande, celle-ci a été instruite par la direction départementale des territoires et de la mer de la Gironde, ces deux entités étant indépendantes l'une de l'autre ; de plus, l'avis de l'autorité environnementale et l'autorisation de défrichement ont été signés par deux personnes différentes ;

- il aurait appartenu au tribunal de moduler les effets dans le temps de l'annulation prononcée compte tenu des conséquences de sa décision sur l'organisation des préfectures ; cette modulation s'imposait également au regard des conséquences sur l'environnement de l'annulation prononcée ;

- il appartient enfin à la cour de surseoir à statuer sur la demande d'annulation de l'autorisation de défrichement en litige afin de permettre la régularisation du vice retenu, qui ne concerne qu'une phase de l'instruction suivie.

Par un mémoire enregistré le 23 juillet 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation indique s'en remettre à la sagesse de la cour.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 juillet 2019 et le 16 octobre 2019, l'association Maransin Éole et les communes de Bayas, Lagorce, Lapouyade et Laruscade, représentées par Me Cadro, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société requérante une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;

- la décision litigieuse méconnaît, en outre, les articles L. 341-5 du code forestier et L. 411-1 du code de l'environnement.

Par un arrêt n° 18BX01702 du 30 juin 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement n° 1603860 du 1er mars 2018 du tribunal administratif de Bordeaux et rejeté la demande présentée par l'association Maransin Éole et les communes de Bayas, Lagorce, Lapouyade et Laruscade devant ce tribunal.

Par une décision n° 443497 du 23 novembre 2022, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour après cassation :

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2022, l'association Maransin Éole et les communes de Bayas, Lagorce, Lapouyade et Laruscade concluent, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté du préfet de la région Aquitaine du 10 mars 2016 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux ainsi que, en toute hypothèse, à ce que soit mis à la charge de la société Ferme éolienne de la Petite Valade une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale doit conduire à l'annulation de l'arrêté litigieux ;

- elles renvoient, pour le surplus, a leurs précédentes écritures devant le tribunal et la cour.

Par un mémoire récapitulatif produit en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative le 2 février 2023, la société Ferme éolienne de la Petite Valade, représentée par Me Gelas, conclut :

1°) à l'annulation du jugement du 1er mars 2018 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) au rejet de la demande présentée par l'association Maransin Éole et les communes de Bayas, Lagorce, Lapouyade et Laruscade devant ce tribunal ;

3°) subsidiairement, à ce qu'il soit sursis à statuer le temps de régulariser l'avis de l'autorité environnementale ;

4°) en toute hypothèse, à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de chacune des requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier faute d'expliciter les raisons pour lesquelles l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale retenue aurait effectivement nui à l'information du public et exercé une influence sur la décision du préfet ;

- la séparation fonctionnelle entre l'autorité décisionnelle et l'autorité environnementale, quand bien même elle ne résulte pas de l'article R. 122-6 du code de l'environnement dans sa version applicable au litige, était avérée en l'espèce ; l'avis de l'autorité environnementale a été émis par le service du développement durable de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement alors que l'arrêté litigieux a été délivré après instruction de la direction départementale des territoires et de la mer, ces deux services étant complètements distincts ; l'avis et l'arrêté ont d'ailleurs été signés par des personnes différentes ;

- subsidiairement, il y a lieu pour la cour de surseoir à statuer le temps de la régularisation de l'avis de l'autorité environnementale ; c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté du 10 mars 2016 sans faire usage de cette faculté ;

- la demande de l'association Maransin Eole était irrecevable, l'objet de cette association, trop général, et son ressort géographique, trop vaste, n'étant pas de nature à lui conférer un intérêt pour agir ;

- les communes de Bayas, Lagorce, Lapouyade et Laruscade étaient également irrecevables faute de démonter leur intérêt à agir qui ne se présume pas ;

- les autres moyens soulevés par les demandeuses devant le tribunal sont infondés ou inopérants.

Par un mémoire enregistré le 14 février 2023, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation indique s'en remettre à la sagesse de la cour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 du Parlement européen et du Conseil ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le code de l'environnement ;

- le code forestier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kolia Gallier,

- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,

- et les observations de Me Kerjean-Gauducheau, représentant la société Ferme éolienne de la Petite Valade, et de Me Cadro, représentant l'association Maransin Éole et les communes de Bayas, Lagorce, Lapouyade et Laruscade.

Une note en délibéré présentée par Me Gelas, pour la société Ferme éolienne de la Petite Valade a été enregistrée le 31 mai 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 10 mars 2016, le préfet de la Gironde a autorisé la société Ferme éolienne de la Petite Valade à défricher 2,4314 ha de surfaces pour l'implantation d'un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Maransin. L'association Maransin Éole et les communes de Bayas, Lagorce, Lapouyade et Laruscade ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de cet arrêté. Le tribunal a fait droit à leur demande, par un jugement du 1er mars 2018 dont la société Ferme éolienne de la Petite Valade a relevé appel devant la cour administrative d'appel de Bordeaux. Par un arrêt du 30 juin 2020, la cour a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée devant le tribunal. Saisi d'un pourvoi contre cette décision par l'association Maransin Eole et les communes de Bayas, Lagorce, Lapouyade et Laruscade, le Conseil d'Etat a, par une décision du 23 novembre 2022, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur la régularité du jugement :

2. En indiquant au point 11 du jugement que le vice affectant les conditions dans lesquelles a été recueilli l'avis de l'autorité environnementale a été de nature tant à nuire à l'information complète de la population qu'à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative, le tribunal administratif de Bordeaux, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré du vice de procédure dont l'arrêté du 10 mars 2016 était entaché. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement doit, par suite, être écarté.

Sur la recevabilité de la demande :

3. Il ressort des statuts de l'association Maransin Eole produits devant les premiers juges que cette association a notamment pour objet de " défendre la population contre toute atteinte à la sécurité ou à la santé des personnes exposées aux énergies renouvelables, en particulier aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent (éolien industriel) " et que son action s'exerce " principalement sur la commune de Maransin (33230) ainsi que sur les communes limitrophes ". Dans ces conditions, ainsi que l'a retenu le tribunal, l'association Maransin Eole justifie, eu égard à son objet et à son ressort géographique, d'un intérêt pour demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 10 mars 2016.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

4. Aux termes du paragraphe 1er de l'article 6 de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d'ouvrage et sur la demande d'autorisation. À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d'une manière générale ou au cas par cas. (...) ". L'article L. 122-1 du code de l'environnement pris pour la transposition de cette directive, dispose, dans sa rédaction alors applicable, que : " I. - Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. (...) / III. - Dans le cas d'un projet relevant des catégories d'opérations soumises à étude d'impact, le dossier présentant le projet, comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation, est transmis pour avis à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement. (...). / IV.- La décision de l'autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage à réaliser le projet prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public (...) ". Aux termes du III de l'article R. 122-6 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Dans les cas ne relevant pas du I ou du II, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1 est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement doit être réalisé. (...) ".

5. La directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics ou privés sur l'environnement a pour finalité de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'évaluation environnementale des plans et programmes ou sur l'étude d'impact des projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Les dispositions de l'article 6 de cette directive, citées au point précédent, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d'ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu'une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné.

6. Il résulte de l'instruction que l'avis du 29 décembre 2015 émis par le préfet de la région Aquitaine en sa qualité d'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement a été signé par le préfet de région, M. A... C..., et élaboré avec l'appui de la mission " connaissance et évaluation " de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement d'Aquitaine. Il ne ressort d'aucun des éléments au dossier que ce service aurait bénéficié d'une autonomie effective garantissant son impartialité et son objectivité à l'égard du préfet de la région Aquitaine, qui est aussi préfet du département de la Gironde, auteur de l'autorisation de défrichement en litige. Les circonstances que l'autorisation de défrichement litigieuse a été instruite par les services de la direction départementale des territoires et de la mer, qui est un service dépendant de l'autorité du préfet de département, et qu'elle n'a pas été signée par le préfet lui-même mais, par délégation, par le secrétaire général de la préfecture de Gironde, M. D... B..., sont sans incidence sur l'irrégularité de l'avis émis le 29 décembre 2015 au regard des objectifs fixés par la directive du 13 décembre 2011. Cette irrégularité est susceptible, nonobstant l'absence de caractère contraignant de cet avis, d'avoir privé le public de la garantie consistant à ce qu'un avis objectif soit émis sur un projet susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement par une autorité disposant d'une autonomie réelle et d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision en litige. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que l'autorisation de défrichement en litige a été édictée au terme d'une procédure irrégulière entachant l'arrêté du préfet de la Gironde du 10 mars 2016 d'illégalité.

Sur l'application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :

7. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, qui fixe les dispositions transitoires : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, ainsi que les permis de construire en cours de validité à cette même date autorisant les projets d'installation d'éoliennes terrestres sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; (...) ".

8. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Gironde a délivré à la société Ferme éolienne de la Petite Valade le 10 mars 2016 un permis de construire pour le projet concerné de parc éolien, le recours contre ce permis de construire a été rejeté par un jugement n° 1603859 du tribunal administratif de Bordeaux du 1er mars 2018, jugement confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 18BX01696 du 30 juin 2020. En revanche, l'autorisation d'exploiter et la demande de dérogation à la destruction d'espèces protégées prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement sollicitées par la société pétitionnaire auprès de la préfète de la Gironde ont, toutes deux, été refusées par des arrêtés du 26 juin 2019. Par un arrêt nos 19BX03528 et 19BX03529 du 28 juin 2022, la cour a, d'une part, rejeté le recours formé par la société pétitionnaire contre le refus de dérogation à la destruction d'espèces protégées et, d'autre part, annulé le refus d'autorisation d'exploiter et enjoint à la préfète de la Gironde de réexaminer la demande correspondante. Le pourvoi formé par la société pétitionnaire contre cet arrêt en tant qu'il a rejeté son recours contre le refus de dérogation à la destruction d'espèces protégées qui lui a été opposé n'a pas été admis. En application des dispositions précitées, le permis de construire accordé le 10 mars 2016, l'autorisation de défrichement litigieuse délivrée le même jour, le refus de la dérogation au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement du 26 juin 2019 et la décision qu'édictera le préfet de la Gironde pour se conformer à l'injonction de réexamen de la demande d'autorisation d'exploiter qui lui a été faite par la cour, doivent être regardés comme autant de composantes d'une décision relative à une autorisation environnementale.

9. L'article L. 181-18 du code de l'environnement dispose, dans sa version applicable à l'espèce : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...) ".

10. La société pétitionnaire demandant à la cour de surseoir à statuer, en application des dispositions précitées, pour lui permettre de faire procéder à la régularisation du vice retenu au point 6 ci-dessus, il y a lieu d'examiner les autres moyens soulevés par l'association Maransin Eole et les communes de Bayas, Lagorce, Lapouyade et Laruscade dans le cadre de l'effet dévolutif.

11. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; / 4° La destruction, l'altération ou la dégradation des sites d'intérêt géologique, notamment les cavités souterraines naturelles ou artificielles, ainsi que le prélèvement, la destruction ou la dégradation de fossiles, minéraux et concrétions présents sur ces sites ; (...) ". L'article L. 411-2 du code de l'environnement dispose, dans sa version applicable au litige : " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) / 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : / a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...) ".

12. Ainsi qu'il a été indiqué au point 8 ci-dessus, la société pétitionnaire s'est vu opposer un refus de dérogation au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement par une décision de la préfète de la Gironde du 26 juin 2019. Ce refus, devenu définitif, fait perdre toute finalité à l'autre composante de l'autorisation environnementale relative à l'autorisation de défrichement, qui doit ainsi être regardée comme nécessairement viciée par l'illégalité qui l'entache. Cette circonstance fait obstacle à ce que la cour fasse usage des pouvoirs qui lui sont conférés par les dispositions précitées de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ferme éolienne de la Petite Valade n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'autorisation de défrichement qui lui avait été délivrée par le préfet de la Gironde le 10 mars 2016 et que ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer le temps de régulariser le vice dont est entaché la décision litigieuse ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit accordée à la société Ferme éolienne de la Petite Valade la somme qu'elle demande au titre des frais exposés pour les besoins du litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société une somme de 1 500 euros à verser à l'association Maransin Eole sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société de la Ferme éolienne Petite Valade est rejetée.

Article 2 : La société de la Ferme éolienne de la Petite Valade versera à l'association Maransin Eole la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme Eolienne de la Petite Valade, à l'association Maransin Éole, aux communes de Bayas, Lagorce, Lapouyade et Laruscade, au préfet de la Gironde, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

La rapporteure,

Kolia GallierLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX02916 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02916
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : CABINET JEANTET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;22bx02916 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award