Vu la procédure suivante :
I. - Par une requête enregistrée le 11 mars 2022 sous le n° 22BX00829, et un mémoire en réplique, enregistré le 6 mai 2024, la société par actions simplifiée (SAS) Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2022 par lequel le maire de Floirac a délivré à la société en nom collectif (SNC) Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour le projet de démolition/reconstruction d'un supermarché à dominante alimentaire d'une surface totale de vente après extension de 1 443 mètres carrés sur les parcelles cadastrées section BM nos 6 et 13 à 18 au niveau de la rue Salvador Allende à Floirac ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Floirac et de l'État la somme de 1 500 euros chacun en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son intérêt pour agir est certain dès lors que l'extension d'un magasin concurrent situé à moins de deux kilomètres aura nécessairement un impact sur son activité ; à cet égard le périmètre de la zone de chalandise a été artificiellement réduit, sans justification objective, notamment au Nord-Est afin d'en exclure le magasin qu'elle exploite implanté en limite extérieure de la zone de chalandise sur la commune de Cenon, ce que n'a d'ailleurs pas manqué de relever la Commission nationale d'aménagement commercial en jugeant son recours recevable ;
- l'avis de la Commission nationale est insuffisamment motivé au regard de l'article
R. 752-16 du code de commerce dès lors qu'elle ne s'est pas prononcée sur les éléments soulevés dans son recours tirés de l'insuffisante insertion du projet dans son environnement et de la dangerosité de l'accès au site pour les véhicules de livraison ;
- la Commission ne pouvait se prononcer en toute connaissance de cause sur le projet qui lui était soumis dès lors que le dossier de demande d'autorisation était incomplet ; il ne comprend pas une analyse de l'impact du projet global incluant, outre la reconstruction du magasin en cause seule objet du dossier, celle d'une galerie marchande adjacente porteuse d'une offre commerciale nouvelle ni de données fiables s'agissant des flux supplémentaires de véhicules générés par le projet, alors que les données dont elle dispose révèle une saturation du trafic existant, notamment le vendredi ; il ne comporte pas d'évaluation environnementale portant notamment sur les émissions de gaz à effet de serre induites par cette démolition reconstruction, et sur le devenir des déchets liés à l'opération de démolition et à l'activité du bâti ; enfin, le dossier ne comprend pas d'éléments suffisants permettant d'apprécier la future insertion du projet par rapport à son environnement, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ;
- ce projet, dont l'impact de la nouvelle offre commerciale proposée par la galerie marchande n'est d'ailleurs pas pris en compte, compromet, dans la zone de chalandise intéressée, le maintien des autres activités en centre-ville et l'équilibre commercial existant ;
- s'agissant de l'impact du projet sur la circulation, outre la saturation actuelle du trafic dans la zone, la Commission ne s'est pas prononcée sur la question de la dangerosité des accès pour les véhicules de livraison, dont l'accès à la zone de déchargement nécessite une manœuvre sur le parking réservé aux clients ;
- la Commission a commis une erreur d'appréciation en considérant que le projet était vertueux en termes de développement durable dès lors qu'une telle opération de démolition/reconstruction a nécessairement un impact environnemental très important qu'il convient de quantifier ;
- la qualité architecturale et l'insertion paysagère du projet apparaissent également très insuffisantes, en l'absence de végétalisation et d'adaptation d'un modèle architectural standard à son environnement urbain ; par ailleurs, aucune vue du projet global de restructuration du magasin LIDL et de la galerie marchande accolée, n'est proposée par le demandeur.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 novembre 2023, la SNC Lidl, représentée par Me Bozzi, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société Distribution Casino France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 décembre 2023, la commune de Floirac, représentée par Me Hounieu, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Distribution Casino France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable en l'absence de notification au pétitionnaire et dans les conditions prévues à l'article R. 752-32 du code de commerce, du recours administratif préalable introduit devant la CNAC ;
- la société requérante ne dispose pas d'un intérêt à agir en l'absence de démonstration d'un impact significatif du projet sur son activité ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 janvier 2024, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
II. - Par une requête enregistrée le 11 mars 2022 sous n° 22BX00831 et deux mémoires enregistrés les 13 décembre 2023 et 15 janvier 2024, la société par actions simplifiée Auchan Hypermarché, représentée par Me Le Fouler, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2022 par lequel le maire de Floirac a délivré à la
SNC Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour le projet de démolition/reconstruction d'un supermarché à dominante alimentaire d'une surface totale de vente après extension de 1 443 mètres carrés sur les parcelles cadastrées section BM nos 6 et 13 à 18 au niveau de la rue Salvador Allende à Floirac ;
2°) de mettre à la charge de la SNC Lidl et de la commune de Floirac la somme de
5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les formalités de notification du recours prévu par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ont bien été accomplies ;
- contrairement à ce qu'a estimé la Commission qui a déclaré son recours irrecevable, elle dispose d'un intérêt à contester l'avis favorable rendu par la commission départementale d'aménagement commercial ; la limitation " géographique " retenue par la Commission n'est pas justifiée dès lors que les communes de Floirac et de Bouliac sont limitrophes ; les zones de chalandise des deux magasins dans le même secteur alimentaire se recoupent en partie, ce qui induit un impact potentiel important sur l'activité de son magasin ;
- l'avis de la Commission est irrégulier en l'absence de démonstration que la procédure d'envoi des convocations des membres à la séance durant laquelle a été examiné le projet aurait respecté les dispositions de l'article R. 752-35 du code de commerce ;
- la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale devait porter sur la totalité de l'ensemble commercial de Dravemont et non sur la seule partie sud ; l'appréciation des critères de l'article L. 752-6 s'en est donc trouvé manifestement faussée, en ce qui concerne notamment le degré d'imperméabilisation du terrain d'assiette, sa végétalisation ou son insertion paysagère ;
- le projet aura des effets négatifs sur l'animation de la vie urbaine, aucun élément du dossier de demande ne permettant pas de considérer que le projet s'articulerait en cohérence avec l'opération de renouvellement urbain prévue dans le quartier de Dravemont tel que pris en compte par la CNAC ;
- dès lors que le projet ne porte que sur la construction d'un supermarché et de son parc de stationnement, là où des logements ou des bureaux auraient pu prendre place dans les étages supérieurs, le critère de compacité ne paraît en aucun cas satisfait ;
- l'insertion paysagère du projet est notoirement insuffisante dès lors que la hauteur du bâtiment projeté est presque deux fois plus élevée que le bâtiment existant, en venant ainsi obstruer la vue des habitants des immeubles situés au nord du terrain d'assiette, lesquels souffriront d'une perte d'ensoleillement et d'une vue renforcée sur la toiture, dont il ne ressort pas du dossier qu'elle bénéficiera d'un soin particulier en la matière ; l'insertion paysagère du projet sur la rue Salvador Allende ne contribue pas à réduire l'impact visuel du futur bâtiment ;
- la circulation sur l'aire de stationnement du projet présente des risques pour la sécurité des usagers en raison des risques de conflit d'usage avec les véhicules de livraison, il n'existe aucune garantie sur la réalité des livraisons en dehors des heures d'ouverture.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 17 novembre 2023 et 17 janvier 2024, et un mémoire non communiqué enregistré le 13 mai 2024, la SNC Lidl, représentée par Me Bozzi, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société Auchan Hypermarché au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société requérante ne démontre pas que le projet aura une incidence suffisamment négative sur son activité commerciale, située en dehors de la zone de chalandise ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 décembre 2023, la commune de Floirac, représentée par Me Hounieu, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Auchan Hypermarché au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société requérante ne dispose pas d'un intérêt à agir en l'absence de démonstration d'un impact significatif du projet sur son magasin d'une surface de vente près de dix fois plus importante ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 janvier 2024, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,
- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,
- les observations de Me Girard, représentant la société Casino France, de Me Le Fouler, représentant la société Auchan Hypermarché, de Me Caijeo représentant la commune de Floirac et de Me Effa, représentant la société Lidl.
Considérant ce qui suit :
1. La SNC Lidl a déposé le 23 décembre 2020 à la mairie de Floirac une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour le projet d'extension après démolition/reconstruction d'un supermarché à dominante alimentaire d'une surface de vente passant de 693 mètres carrés à 1 443 mètres carrés qu'elle exploite sur les parcelles cadastrées section BM nos 6 et 13 à 18 situées rue Salvador Allende à Floirac. Le 4 mai 2021, la commission départementale d'aménagement commercial de la Gironde a donné un avis favorable au projet. Les sociétés Casino Distribution France et Auchan Hypermarché ont formé chacune un recours contre cet avis devant la Commission nationale d'aménagement commercial qui a rejeté ces recours et émis un avis favorable au projet dans sa séance du 16 septembre 2021. Par un arrêté du 12 avril 2022, le maire de Floirac a délivré le permis de construire sollicité. Par deux requêtes distinctes, la société Casino Distribution France et la société Auchan Hypermarché demandent à la cour d'annuler ce permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.
Sur la jonction :
2. Les requêtes enregistrées sous les n° 22BX00829 et 22BX00831 concernent le même projet et les mêmes parties. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
Sur la procédure suivie devant la Commission nationale d'aménagement commercial :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code du commerce dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : (...) 2° L'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet. (...) ; 5° L'extension de la surface de vente d'un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet ;(...) ". Aux termes de l'article L. 752-3 de ce code " I.- Sont regardés comme faisant partie d'un même ensemble commercial, qu'ils soient ou non situés dans des bâtiments distincts et qu'une même personne en soit ou non le propriétaire ou l'exploitant, les magasins qui sont réunis sur un même site et qui : 1° Soit ont été conçus dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier, que celle-ci soit réalisée en une ou en plusieurs tranches ; 2° Soit bénéficient d'aménagements conçus pour permettre à une même clientèle l'accès des divers établissements ; (..) ".
4. La demande de reconstruction avec extension de la surface commerciale déposée par la société Lidl et le projet de destruction-déplacement de la galerie commerciale actuellement attenante dans des locaux à construire situés en quinconce de l'autre côté de l'avenue Salvador Allende peuvent être regardés comme concernant un même ensemble commercial, au sens des dispositions citées au point 3. Il ressort des pièces du dossier que la demande présentée par la société Lidl faisait état de la galerie existante et des commerces qu'elle comporte ainsi que de son transfert porté par un établissement public national dans le cadre du projet de renouvellement urbain du quartier de Dravemont. Elle a dans ce cadre, à la demande du service instructeur, produit des éléments complémentaires précis sur la surface commerciale future, sa localisation et les commerces envisagés. En outre, cette question a été spécifiquement évoquée dans le rapport d'instruction, lors de l'examen du dossier devant la Commission nationale d'aménagement commercial et est mentionné dans l'avis du 16 septembre 2021. Ainsi le moyen tiré de ce que la Commission n'aurait pas été en mesure de porter une appréciation globale sur ces projets doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction alors applicable : " I.- La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments mentionnés ci-après ainsi que, en annexe, l'analyse d'impact définie au III de l'article
L. 752-6. (...) 2° Cartes ou plans relatifs au projet : a) Un plan de masse faisant apparaître la surface de vente des magasins de commerce de détail, ensembles commerciaux ou points permanents de retrait ; b) Un plan faisant apparaître l'organisation du projet sur la ou les parcelles de terrain concernées : emplacements et superficies des bâtiments, des espaces destinés au stationnement et à la manœuvre des véhicules de livraison et des véhicules de la clientèle et au stockage des produits, des espaces verts ; c) Une carte ou un plan de la desserte du lieu d'implantation du projet par les transports collectifs, voies piétonnes et pistes cyclables ; d) Une carte ou un plan des principales voies et aménagements routiers desservant le projet ainsi que les aménagements projetés dans le cadre du projet ; e) En cas de projet situé dans ou à proximité d'une zone commerciale : le plan ou la carte de cette zone ; 3° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : a) Prise en compte de l'objectif de compacité des bâtiments et aires de stationnement ; b) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ; d) Indication de la distance du projet par rapport aux arrêts des moyens de transports collectifs, de la fréquence et de l'amplitude horaire de la desserte de ces arrêts ; e) Analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise, tous modes de transport confondus, selon les catégories de clients ; f) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial pour les aménagements pris en charge au moins pour partie par les collectivités territoriales, la mention des principales caractéristiques de ces aménagements, une estimation des coûts indirects liés aux transports supportés par les collectivités comprenant la desserte en transports en commun, ainsi qu'une présentation des avantages, économiques et autres, que ces aménagements procureront aux collectivités ; 4° Effets du projet en matière de développement durable. /Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de développement durable, incluant les éléments suivants : a) Présentation des mesures, autres que celles résultant d'obligations réglementaires, destinées à réduire la consommation énergétique des bâtiments ; b) Le cas échéant, description des énergies renouvelables intégrées au projet et de leur contribution à la performance énergétique des bâtiments, et fourniture d'une liste descriptive des produits, équipements et matériaux de construction utilisés dans le cadre du projet et dont l'impact environnemental et sanitaire a été évalué sur l'ensemble de leur cycle de vie ; c) Le cas échéant, dans les limites fixées aux articles L. 229-25 et R. 229-47 du code de l'environnement, description des émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre que le projet est susceptible de générer et les mesures envisagées pour les limiter ; d) Description des mesures propres à limiter l'imperméabilisation des sols ; e) Description des mesures propres à limiter les pollutions associées à l'activité, notamment en matière de gestion des eaux pluviales et de traitement des déchets ; f) Description des nuisances visuelles, lumineuses, olfactives et sonores générées par le projet et des mesures propres à en limiter l'ampleur ; g) Le cas échéant, si le projet n'est pas soumis à étude d'impact, description des zones de protection de la faune et de la flore sur le site du projet et des mesures de compensation envisagées (...) "
4. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
5. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation d'exploitation commerciale déposée par la SNC Lidl contenait des plans et des photographies permettant d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement, en tenant compte notamment du projet de déplacement de la galerie commerciale, ainsi que des éléments de comptage des flux de circulation existants sur le réseau viaire aux abords du projet et d'évaluation de l'incidence du flux supplémentaire estimé. En outre, le dossier soumis à l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial comprenait une description des dispositifs prévus pour limiter la consommation d'énergie et renforcer l'isolation thermique du bâtiment, pour le recours aux énergies renouvelables et la valorisation des déchets d'activité, Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société Casino, et alors que le dossier de demande comporte le bilan des émissions de gaz à effet de serre générées par l'activité du bâtiment tel que prévu par le I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, ces dispositions n'imposaient pas que le dossier comporte une évaluation des émissions de gaz à effet de serre induites par l'opération de démolition-reconstruction, ni du devenir des déchets liés à l'opération de démolition. Ainsi, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les membres de la Commission n'auraient pas été mis en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause sur le projet en cause en raison du caractère incomplet du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque
dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que les membres de la CNAC ont été destinataires simultanément le 31 août 2021 à 16 heures 31, par l'application www.e-convocations.com, d'une convocation en vue de la séance de la commission du 16 septembre 2021, au cours de laquelle celle-ci devait examiner le projet en litige. Cette convocation était assortie de l'ordre du jour de cette séance et précisait que les documents visés à l'article R. 752-35 du code de commerce seraient disponibles, au moins cinq jours avant la tenue de la séance, sur la plateforme de téléchargement. La société gestionnaire de l'application www.e-convocations.com certifie en outre que les convocations ont bien été transmises de façon simultanée à l'ensemble des destinataires et le secrétariat de la Commission a produit une copie d'écran de la plate-forme d'échanges SOFIE indiquant que l'ensemble du dossier était accessible aux membres via cette application à partir du 9 septembre 2021, ce qu'atteste également la secrétaire de la CNAC. Contrairement à ce que prétend la société Auchan Hypermarché, l'ensemble de ces documents permettent de justifier que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été régulièrement convoqués à la séance du 16 septembre 2021 au moins cinq jours avant celle-ci et qu'ils ont reçu l'ensemble des éléments de dossiers pour la séance en cause conformément à l'article R. 732-35 du code de commerce. Il est constant qu'aucun membre de la commission nationale d'aménagement commercial ne s'est plaint de ne pas avoir été destinataire de la convocation et/ou des documents nécessaires à l'examen des dossiers. Par suite, en l'absence d'éléments circonstanciés de nature à remettre en cause les pièces justificatives fournies par la CNAC, le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation des membres devant la CNAC doit être écarté.
Sur l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement commercial :
8. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I. - L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre (...) / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés écoresponsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales (...) /3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; (...) d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs (...) ". Aux termes de l'article R. 752-38 du code du commerce : " (...) L'avis ou la décision est motivé, signé par le président et indique le nombre de votes favorables et défavorables ainsi que le nombre d'abstentions. "
9. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752- 6 du code de commerce. Le recours formé devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre une décision d'une commission départementale d'aménagement commercial constitue un recours préalable obligatoire. En conséquence, il appartient à la Commission nationale de se prononcer sur le projet d'aménagement commercial qui lui est soumis en fonction des circonstances de droit et de fait à la date de sa décision.
10. En premier lieu, l'obligation de motivation prévue par l'article R. 752-38 du code de commerce cité au point précédent n'implique pas que la Commission nationale soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables. La Commission nationale, dans son avis du 16 septembre 2021, a mentionné les textes applicables, en particulier l'article L. 752-6 du code de commerce, et a énoncé les considérations de fait qui, au regard des critères d'appréciation définis par cet article, l'ont conduite à se prononcer en faveur du projet. Elle a ainsi suffisamment motivé son avis. Celui-ci ne saurait être insuffisamment motivé pour la seule circonstance qu'il ne fait pas état de certains des griefs soulevés à l'occasion du recours devant la Commission, laquelle n'est pas tenue de répondre à l'ensemble des griefs formulés à l'encontre d'un projet. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial doit être écarté.
11. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet de la SNC Lidl consiste en l'extension, après démolition et reconstruction sur le même site, d'un magasin à dominante alimentaire situé dans une zone d'aménagement commercial, en continuité du tissu urbain central en relation avec les commerces déjà établis et à proximité immédiate de zones résidentielles et du centre-ville de la commune de Floirac. Le projet, qui s'inscrit dans le cadre du projet de rénovation urbaine du quartier de Dravemont et comporte une surface de vente relativement modeste, constitue ainsi une offre de proximité en adéquation avec l'évolution démographique de la zone de chalandise dont la population a augmenté de plus de 6 % entre 2007 et 2017. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le projet de déplacement de la galerie commerciale comporte une réduction de la surface et du nombre des commerces, dont la majeure partie constituent des transferts des activités existantes. Ainsi, alors que l'étude d'impact évalue l'effet de l'extension à 2% maximum du chiffre d'affaires des commerces de centre-ville, que le taux de vacance des locaux commerciaux est très faible à Floirac et dans les communes limitrophes, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet aurait un impact négatif sur l'équilibre commercial dans la zone de chalandise ou sur l'animation du centre-ville de Floirac ou des communes limitrophes.
12. En troisième lieu, il ressort du dossier de demande, et notamment des schémas de flux de circulation, que l'accès au site s'effectuera par la seule rue Salvador Allende. L'étude des conditions de circulation, établie sur la base de comptages récents réalisés par un cabinet spécialisé, évalue le trafic supplémentaire généré par le projet à moins de 1% et l'impact sur les carrefours proches à 1,5% et 0,5%, ce qui permet de considérer que les conditions de trafic ne seront pas dégradées par ce projet. En outre, au vu de ce qui a été dit au point précédent, le projet de déplacement de la galerie commerciale n'est pas susceptible d'augmenter le trafic. Si la société Casino Distribution France conteste ces données, elle n'apporte aucun élément probant permettant de remettre en cause les hypothèses d'augmentation de la clientèle retenues et les modalités de calcul de ces flux de circulations.
13. En quatrième lieu, la circonstance qu'il aurait été possible d'envisager des bureaux ou des logements en lieu et place de ce projet n'est pas de nature à le faire regarder comme ne respectant pas le critère de consommation économe de l'espace et de compacité des bâtiments, alors au demeurant que le projet est réalisé sur la même parcelle que le magasin initial, qu'il prévoit des stationnements en rez-de-chaussée ainsi qu'une augmentation des espaces verts.
14. Par suite, il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le projet compromettrait l'objectif d'aménagement du territoire.
S'agissant du développement durable :
15. Il ressort des pièces du dossier que le projet autorisé entraîne une diminution des surfaces imperméabilisées et une augmentation des espaces verts et en pleine terre à l'échelle aussi bien du projet que de l'ensemble commercial et prévoit notamment la mise en place de dispositifs permettant l'isolation du bâtiment au-delà des normes de la règlementation thermique 2012, la réduction des consommations d'énergie et l'installation de panneaux photovoltaïques en toiture. De plus, le projet, situé en centre-ville, s'intègre dans son environnement urbain et participe à la politique de renouvellement des quartiers de la commune en apportant un aménagement qualitatif, notamment du point de vue du traitement paysager, la surface traitée en espaces verts représentant près de 30 % du terrain d'assiette du projet. Ainsi, si le nouveau bâtiment, sur deux étages, est plus haut que le précédent, son insertion est améliorée par la présence d'espaces verts et d'arbres sur tout son pourtour, et notamment sur les façades les plus proches des immeubles résidentiels. En outre, la façade modernisée s'inscrit dans le projet de requalification du quartier. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce n'impliquent pas la prise en compte de l'impact environnemental de l'opération de démolition/reconstruction s'agissant de l'objectif de développement durable. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que la Commission nationale d'aménagement commercial aurait inexactement apprécié les caractéristiques du projet au regard de l'objectif de développement durable.
S'agissant de la protection des consommateurs :
16. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, le plan de circulation ne prévoit aucune manœuvre des camions sur le parking réservé à la clientèle et le dossier de demande précise que les livraisons du magasin seront assurées en dehors des heures d'ouverture, permettant ainsi de ne pas créer de conflits d'usage avec les clients du fait de l'utilisation de la sortie du parking située sur l'avenue Salvador Allende. En outre, la circonstance que la société Lidl pourrait ne pas respecter cette organisation lors de l'exploitation du bâtiment est sans incidence sur la légalité de l'autorisation d'exploitation commerciale. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet méconnaîtrait les objectifs en matière de protection des consommateurs en matière de sécurité routière.
17. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que les sociétés Casino Distribution France et Auchan Hypermarché ne sont pas fondées à demander l'annulation du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en litige.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Floirac ou la société Lidl, qui ne sont pas parties perdantes dans cette instance, versent une quelconque somme aux sociétés Casino Distribution France et Auchan Hypermarché en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de ces sociétés le versement de sommes de 1 500 euros chacune, d'une part, à la commune de Floirac et, d'autre part, à la société Lidl, au titre des frais exposés par elles dans cette instance.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes des sociétés Casino Distribution France et Auchan Hypermarché sont rejetées.
Article 2 : La société Casino Distribution France versera la somme de 1 500 euros d'une part à la commune de Floirac et, d'autre part, à la société Lidl.
Article 3 : La société Auchan Hypermarché versera la somme de 1 500 euros d'une part à la commune de Floirac et, d'autre part, à la société Lidl.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Casino Distribution France, à la société Auchan Hypermarché, à la société Lidl, à la commune de Floirac et à la Commission nationale d'aménagement commercial.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Edwige Michaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.
La rapporteure,
Christelle Brouard-LucasLe président,
Jean-Claude PauzièsLa greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX00829, 22BX00831