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18/06/2024 | FRANCE | N°22BX01492

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 18 juin 2024, 22BX01492


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 31 décembre 2020 par la commune de Saint-Georges-du-Bois pour un montant de 7 684,80 euros.



Par un jugement n° 2100731 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 30 mai 2022, Mme C..., représentée par M

e Rosier, demande au tribunal :



1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 24 mars 2022 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 31 décembre 2020 par la commune de Saint-Georges-du-Bois pour un montant de 7 684,80 euros.

Par un jugement n° 2100731 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 mai 2022, Mme C..., représentée par Me Rosier, demande au tribunal :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 24 mars 2022 ;

2°) d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 31 décembre 2020 par la commune de Saint-Georges-du-Bois pour un montant de 7 684,80 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Georges-du-Bois la somme de 3 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle soutient que :

- le titre exécutoire litigieux ne contient pas les bases de liquidation ;

- la commune ne dispose d'aucune créance à son encontre sur le fondement des dispositions des articles L. 511-17 et L. 511-19 du code de la construction et de l'habitation.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 juillet 2023, la commune de Saint-Georges-du Bois, représentée par Me Dumas, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C... une somme de 3 000 euros.

Elle soutient que la requête est tardive et que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu :

- Le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... est propriétaire du château de Poléon situé sur le territoire de la commune de Saint-Georges-du-Bois. A la suite d'intempéries, certaines parties du mur d'enceinte du parc du château se sont fragilisées, générant un risque d'effondrement sur la voie publique. Par une ordonnance du 20 décembre 2019, le président du tribunal administratif de Poitiers a désigné un expert pour constater les dégâts et évaluer les risques. Il ressort du rapport rendu par cet expert que la construction présentait un risque de péril grave et imminent pour la voie publique. En conséquence, le maire a fait installer un dispositif de signalétique sur la voie publique et a pris un arrêté de péril imminent le 15 janvier 2020. Des travaux de confortement du mur concerné ont été réalisés du 4 janvier au 5 mars 2021. Le 31 décembre 2020, la commune a émis à l'encontre de Mme C... un titre exécutoire d'un montant de 7 684,80 euros correspondant aux frais exposés par la commune au titre de la signalétique mise en place de janvier à avril 2020. Mme C... relève appel du jugement du 24 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre exécutoire.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. " Les dispositions de l'article R. 751-3 du même code prévoient que : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ".

3. Il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d'une action introduite devant une juridiction administrative, d'établir la date à laquelle la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l'intéressé. En cas de retour à l'administration, au terme du délai de mise en instance, du pli recommandé contenant la décision, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l'adresse de l'intéressé, dès lors du moins qu'il résulte soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve, que le préposé a, conformément à la réglementation en vigueur, déposé un avis d'instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste.

4. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet "avis de réception" sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.

5. Il résulte de l'instruction que le jugement attaqué a été adressé par le tribunal à Mme C... par pli recommandé. Si, sur le volet de recommandé remis au tribunal, la case " pli avisé et non réclamé " correspondant au motif de non-distribution a été cochée, ni l'avis de réception, ni ce volet, ni aucun autre document produit à l'instance ne mentionnent la date à laquelle cette lettre a été vainement présentée à l'intéressée. Dans ces conditions, la commune de Saint-Georges-du-Bois n'est pas fondée à soutenir que la requête présentée par Mme C... à l'encontre de ce jugement, enregistrée au greffe de la cour le 30 mai 2022 était tardive.

Sur le moyen retenu par les premiers juges :

6. Le destinataire d'un ordre de versement est recevable à contester, à l'appui de son recours contre cet ordre de versement, et dans un délai de deux mois suivant la notification de ce dernier, le bien-fondé de la créance correspondante, alors même que la décision initiale constatant et liquidant cette créance est devenue définitive, comme le prévoient au demeurant, pour les dépenses de l'Etat, les articles 117 et 118 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ou, pour les dépenses des collectivités locales, l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont considéré que le caractère définitif de l'arrêté de péril du 15 janvier 2020 sur le fondement duquel a été émis le titre exécutoire en litige faisait obstacle à ce qu'elle conteste le bien-fondé de la créance correspondante.

8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif de Poitiers et devant la cour.

Sur le bien-fondé de la créance :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, applicable à la date de l'arrêté de péril du 15 janvier 2020 : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais. ". L'article L. 511-4 du même code dans sa version applicable prévoit que : " Les frais de toute nature, avancés par la commune lorsqu'elle s'est substituée aux propriétaires ou copropriétaires défaillants, en application des dispositions des articles L. 511-2 et L. 511-3, sont recouvrés comme en matière de contributions directes. Si l'immeuble relève du statut de la copropriété, le titre de recouvrement est adressé à chaque copropriétaire pour la fraction de créance dont il est redevable. " Enfin, l'article R. 511-5 u même code, dans sa version applicable au litige, précise que : " La créance de la commune sur les propriétaires ou exploitants née de l'exécution d'office des travaux prescrits en application des articles L. 511-2 et L. 511-3 comprend le coût de l'ensemble des mesures que cette exécution a rendu nécessaires, notamment celui des travaux destinés à assurer la sécurité de l'ouvrage ou celle des bâtiments mitoyens, les frais exposés par la commune agissant en qualité de maître d'ouvrage public et, le cas échéant, la rémunération de l'expert nommé par le juge administratif. "

10. L'arrêté de péril du 15 janvier 2020 prévoit la mise en place, par la commune, d'une signalétique et de barrières de protection et précise que, lorsque ces " mesures provisoires indispensables pour mettre fin à l'imminence du péril " auront été prises, " la situation sera transformée en péril ordinaire ", et que les propriétaires du bien concerné devront alors réaliser, dans un délai de trois mois, des travaux de dépose et de reconstruction du mur d'enceinte de la propriété sur la zone en péril.

11. Or, le titre exécutoire en litige ne concerne pas des travaux ordonnés aux propriétaires par l'arrêté du 15 janvier 2020 et qui n'auraient pas exécutés dans le délai imparti, mais les frais exposés par la commune pour des mesures de sécurisation de la voie publique, lesquelles relèvent des pouvoirs de police généraux du maire en matière de circulation publique et ont été réalisées en majeure partie avant même l'édiction de cet arrêté. De tels frais n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation et ne peuvent donc donner lieu à recouvrement sur le fondement de ces dispositions.

12. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire en litige. Par suite, elle est également fondée à demander l'annulation de ce jugement et de ce titre exécutoire.

Sur les frais exposés pour l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande la commune de Saint-Georges-du-Bois soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Saint-Georges-du-Bois une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance par la requérante.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 24 mars 2022 est annulé.

Article 2 : Le titre exécutoire émis par la commune de Saint-Georges-du-Bois le 31 décembre 2020 pour un montant de 7 684,80 euros est annulé.

Article 3 : La commune de Saint-Georges-du-Bois versera à Mme C... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Saint-Georges-du-Bois sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... ainsi qu'à la commune de Saint-Georges-du-Bois.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juin 2024.

Le rapporteur,

Manuel B...

Le président,

Laurent PougetLe greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22BX01492 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01492
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : PHILIPPE PETIT & ASSOCIES CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;22bx01492 ?
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