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13/06/2024 | FRANCE | N°22BX01265

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 13 juin 2024, 22BX01265


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... D..., agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur, B... A..., a demandé au tribunal administratif de G... d'ordonner avant dire droit une expertise médicale afin de déterminer les causes des handicaps de son enfant et d'évaluer ses préjudices, et de condamner le centre hospitalier universitaire (F...) de G... à lui verser une provision de 100 000 euros.



Par un jugement n° 2001802 du 22 mars 2022, le tribunal administratif de G

... a rejeté ses demandes.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D..., agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur, B... A..., a demandé au tribunal administratif de G... d'ordonner avant dire droit une expertise médicale afin de déterminer les causes des handicaps de son enfant et d'évaluer ses préjudices, et de condamner le centre hospitalier universitaire (F...) de G... à lui verser une provision de 100 000 euros.

Par un jugement n° 2001802 du 22 mars 2022, le tribunal administratif de G... a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mai 2022, Mme D..., représentée par la SELARL Cabinet d'avocat Raffaillac, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer les causes des handicaps de son enfant, les responsabilités médicales et les préjudices subis ;

3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de G... à lui verser une provision de 100 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ces préjudices ;

4°) de mettre à la charge du F... de G... une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- le F... de G... a commis, lors de l'accouchement, différentes fautes à l'origine directe des préjudices de B... ; aucune cause génétique n'a été identifiée pour expliquer les handicaps de son fils ; le F... de G... ne lui a pas transmis le dossier d'anesthésie, ni le compte-rendu de la césarienne ; le score d'Apgar a été modifié, et le transfert de l'enfant dans le service de néonatalité pour le placer sous inhalation montre qu'il n'allait pas bien ; le suivi médical dans ce service interroge puisqu'on ne trouve pas trace des constantes respiratoires ou cardiaques, ni des résultats des bilans sanguins, et qu'aucun test neurologique n'a été réalisé ; malgré le fait que le praticien obstétricien lui a injecté de la morphine puis lui a fait subir une anesthésie générale, l'allaitement maternel a été maintenu alors même que les conséquences de la morphine sur le nouveau-né sont délétères ;

- le montant des préjudices subis justifie le versement d'une provision de 100 000 euros dans l'attente d'une expertise médicale.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 septembre 2023, le centre hospitalier universitaire de G..., représenté par le cabinet Le Prado, Gilbert, conclut au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) présentées en première instance.

Il fait valoir que :

- le F... n'a commis aucune faute lors de l'accouchement ; les examens réalisés sur l'enfant B... A... se sont révélés normaux, et les différents spécialistes consultés n'ont constaté aucune anomalie et ont écarté toute souffrance fœtale lors de l'accouchement ; B... présente un tableau d'anomalie génétique, alors même que la cause génétique n'a, pour l'heure, pas pu être précisément déterminée ;

- il n'est pas utile d'ordonner une expertise médicale compte tenu des conclusions suffisamment claires, précises et concordantes des trois médecins conseils sollicités par Mme D..., écartant tout manquement fautif de la part du F... de G..., comme l'a également fait la commission des usagers de l'établissement ;

- si une expertise devait être ordonnée, elle devrait préciser si une faute médicale a été commise et, le cas échéant, les préjudices strictement imputables à cette faute, en les distinguant de ceux provenant d'une pathologie initiale ;

- la demande de provision n'est fondée ni dans son principe, ni dans son quantum, dès lors qu'aucun élément au dossier ne permet de suspecter l'existence d'une faute qui serait à l'origine des séquelles de l'enfant B....

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Cotte,

- les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., alors âgée de vingt-huit ans, est entrée à la maternité du centre hospitalier universitaire de G... le 12 mars 2008, à trente-neuf semaines d'aménorrhée et a donné naissance, le jour même, à un enfant prénommé B.... L'accouchement a été réalisé par césarienne sous rachianesthésie en semi-urgence au début du travail, à raison d'une présentation de l'enfant par le siège et d'une suspicion de macrosomie. Pris en charge dans le service de néonatalogie durant quelques heures après l'accouchement, le nouveau-né est sorti de la maternité le 19 mars 2008, avant d'être à nouveau hospitalisé du 10 au 29 avril 2008 pour des difficultés alimentaires associées à une symptomatologie de crises convulsives apparues à dix jours de vie. Dans les mois qui ont suivi la naissance, des examens médicaux ont mis en lumière plusieurs troubles du développement, et à l'âge de deux ans ont été constatés un retard sévère des acquisitions, une hypotonie et une épilepsie.

2. Estimant que les conditions dans lesquelles s'est déroulée la naissance de B... révèleraient des fautes médicales de la part du F... de G..., à l'origine des handicaps dont il souffre, Mme D... a recherché la responsabilité de l'établissement. Une première requête a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de G... du 2 mai 2017, confirmé par un arrêt de la cour du 25 juin 2019, pour défaut de liaison du contentieux. Mme D... a alors formé auprès de cet établissement hospitalier une demande indemnitaire préalable le 6 janvier 2020, qui est demeurée sans réponse. Elle a alors demandé au tribunal administratif de G..., en qualité de représentante légale de son fils mineur, la désignation d'un expert afin de déterminer les conditions de sa prise en charge et d'évaluer les responsabilités et les préjudices, et la condamnation du F... de G... à lui verser, dans l'attente, une provision de 100 000 euros. Mme D... relève appel du jugement du

22 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de G... a rejeté ses demandes.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) ". D'autre part, aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. (...) ".

4. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue d'une grossesse ayant fait l'objet d'une surveillance habituelle, Mme D... a accouché le 12 mars 2008 par césarienne, à raison d'une présentation de l'enfant par siège décomplété et d'une suspicion de macrosomie, de son fils B.... Du fait des difficultés de la rachianesthésie, qui n'a pas correctement fait effet, provoquant une anesthésie en mosaïque, elle a ressenti de vives douleurs lors de l'acte obstétrical. Afin de préserver la santé de l'enfant, elle n'a été placée sous anesthésie générale qu'après l'extraction du bébé. Celui-ci est né à 15h25 avec un score d'Apgar de 5 à une minute, de 8 à trois minutes, de 9 à cinq minutes et de 9 à dix minutes. Des signes de détresse respiratoire à l'effort dans les heures qui ont suivi l'accouchement ont conduit à sa prise en charge dans le service de néonatalogie afin de bénéficier d'une oxygénothérapie au masque, avant qu'il soit renvoyé à la maternité jusqu'au 19 mars. Si Mme D... soutient que les troubles psychomoteurs dont souffre son enfant sont dus à sa prise en charge lors de son accouchement et à la prise en charge du nouveau-né dans les suites de la naissance, il résulte pourtant de l'instruction, et notamment de l'avis de tous les médecins que Mme D... a consultés, qu'il n'a été constaté aucune souffrance fœtale ou néo-natale qui pourrait expliquer les problèmes de développement. Si les composantes du score d'Apgar à une minute ont été modifiées, dans le dossier médical, pour porter celui-ci de 3 à 5, le médecin conseil de la requérante a lui-même précisé que, pour regrettable qu'elle soit, cette correction est sans incidence sur la prise en charge ultérieure, dès lors que, dans le même temps, la mesure du pH à 7,38 permet d'exclure la souffrance fœtale et que le score d'Apgar à trois minutes était de 8. Bien que l'expert de l'assureur de Mme D... ait pu déplorer, dans un premier temps, dans un avis du 8 juin 2010, l'incomplétude du dossier médical qui lui était soumis en l'absence du monitoring du rythme cardiaque de l'enfant, il a émis un second avis, le 6 octobre 2010, dans lequel il conclut que la symptomatologie (notamment un retard d'âge osseux, une macrocéphalie marquée, un retard d'éruption dentaire, des plaques d'alopécie, une atrophie cérébrale et un retard de la maturation de la substance blanche) évoque un tableau d'anomalie de développement manifestement d'ordre génétique " ne pouvant de toute façon être liée à une anoxie lors de la grossesse ou lors de l'accouchement ". Le monitoring cardiaque figure dans les pièces produites par Mme D..., de même, contrairement à ce qu'elle soutient, que le compte-rendu de césarienne. Dans ces conditions, la circonstance que le dossier d'anesthésie n'aurait pas été remis à Mme D... n'est pas, à la supposer établie, de nature à créer un doute sur l'existence d'une faute du F.... En outre, aucun des médecins consultés n'a émis la moindre observation sur l'allaitement maternel dans les heures qui ont suivi l'accouchement, alors que l'anesthésiste avait administré de la morphine à Mme D... pour soulager ses souffrances. Enfin, la circonstance que le Professeur C..., directeur du centre de référence Anomalies du développement à l'INSERM a fait état de ce que les analyses génétiques sur le jeune B..., à la date du 31 mars 2022, n'ont fait apparaître aucune anomalie génétique connue ne suffit pas à susciter un doute sur l'existence d'une faute du F..., d'autant que l'expert de l'assurance de Mme D... a relevé que de nombreuses maladies génétiques n'étaient pas identifiables. Par suite, sa demande tendant à ce que soit ordonnée une expertise médicale afin de déterminer la responsabilité du F... de G... ne peut être que rejetée.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de G... a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant au versement d'une provision dans l'attente de la réalisation d'une expertise ne peuvent, pour les mêmes raisons, qu'être rejetées, de même que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D..., au centre hospitalier universitaire de G... et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président,

Mme Catherine Girault, présidente,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juin 2024.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

Le président,

Luc Derepas

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX01265


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01265
Date de la décision : 13/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : SARL LE PRADO - GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-13;22bx01265 ?
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