Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 avril 2023 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2304689 du 11 octobre 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a prononcé l'annulation de l'arrêté préfectoral du 20 avril 2023, a enjoint au préfet de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 novembre 2023, le préfet de la Gironde demande à la cour d'annuler ce jugement du 11 octobre 2023 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il fait droit aux conclusions de M. A....
Il soutient que :
- les services de la préfecture sont habilités à consulter le traitement des antécédents judiciaires dans le cadre de l'instruction d'une demande de titre de séjour ainsi que le prévoit l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ; en application de l'article R. 40-29 5° du code de procédure pénale, la saisine des autorités judiciaires pour connaître les suites données à une affaire figurant au TAJ doit certes précéder une décision défavorable mais le refus de titre de séjour opposé en l'espèce était fondé sur des circonstances autres que les faits mentionnés au TAJ ; la menace à l'ordre public n'était destinée à justifier que de la décision d'interdiction de retour durant deux ans ; cette mesure pouvait aussi légalement être justifiée par les autres critères pris en compte ; M. A... s'est soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement, il est deux fois divorcé, il est père d'un enfant français à l'entretien et à l'éducation duquel il ne justifie pas participer et n'a pas démontré être dépourvu d'attaches au Gabon ; il n'a sollicité un titre de séjour qu'au titre de l'asile alors qu'il n'a pas démontré remplir les conditions pour obtenir un tel titre ; ainsi, en application de la jurisprudence Danthony, le vice de procédure retenu par le tribunal tiré de l'absence de consultation des autorités judiciaires n'a exercé aucun influence sur le sens de la décision prise ;
- contrairement à ce qu'a également retenu le tribunal, la décision ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale ; il s'est maintenu en situation irrégulière ces six dernières années malgré deux mesures d'éloignement qu'il n'a pas exécutées ; les titres de séjour qui lui avaient été délivrés précédemment ne lui donnaient pas vocation à demeurer en France ; il n'entretient que des relations irrégulières avec ses enfants envers lesquels il s'est montré violent ; ses relations avec sa mère et sa sœur, présentes en France, ne suffisent pas à traduire un gage d'insertion, alors qu'il n'a ni situation professionnelle ni revenus.
Par un mémoire enregistré le 2 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Jourdain de Muizon, conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce qu'il soit enjoint au préfet de réexaminer sa situation dans le mois suivant la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de renouveler son récépissé portant autorisation de travail, très subsidiairement, d'annuler la décision portant interdiction de retour et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son avocat en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 s'il obtient l'aide juridictionnelle ou à lui-même en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'il ne l'obtient pas.
Il soutient que :
- le tribunal a retenu à juste titre l'absence de consultation des autorités judiciaires sur les suites données aux faits figurant au TAJ ;
- il a également retenu à bon droit l'atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ; il est entré en France régulièrement en 2008 et y a vécu 10 ans en situation régulière ; il est vrai qu'à compter de 2017, des problèmes médicaux ont conduit à la suspension de son droit de visite à l'égard de son fils français, à la réduction de son droit de visite à l'égard de ses deux autres enfants et à un refus de titre de séjour et une obligation de quitter le territoire français ; mais aucun fait répréhensible n'est à déplorer depuis de nombreuses années et il a engagé des démarches pour faire rétablir ses droits parentaux ; en l'absence de titre de séjour, il ne peut pas travailler ; il n'a plus aucune attache au Gabon ; sa présence auprès de son père est nécessaire compte tenu de l'état de santé de celui-ci ;
- le refus de séjour est entaché d'une insuffisance de motivation
- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux ;
- la décision a été précédée de la consultation sans base légale de fichiers comportant des données à caractère personnel ;
- il aurait dû être informé de l'enquête administrative conduite à son sujet en application de l'article R. 114-6 du code de la sécurité intérieure ;
- l'agent qui a procédé à la consultation du TAJ n'était pas compétent ;
- le refus de séjour est également entaché d'une erreur de droit au regard de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses liens avec son pays d'origine et quant à une menace à l'ordre public ;
- il porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants en violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la mesure d'obligation de quitter le territoire français est également entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle a été prise sans examen sérieux de sa situation ;
- les vices invoqués à l'encontre de la consultation du TAJ entachent aussi la mesure portant obligation de quitter le territoire français ;
- cette mesure a été prise en méconnaissance de l'article L. 611-3 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et de violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants en violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence des illégalités qui entachent l'obligation de quitter le territoire français ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;
- les vices invoqués à l'encontre de la consultation du TAJ entachent aussi l'interdiction de retour ;
- cette mesure est illégale par voie de conséquence des illégalités qui entachent l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et de méconnaissance des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants en violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par une décision du 16 janvier 2024, M. A... a été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Par un mémoire enregistré le 7 mai 2024, M. A... a produit de nouvelles pièces.
Par un courrier du 13 mai 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête dès lors qu'un titre de séjour a été délivré à M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et su séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Elisabeth Jayat
- et les observations de Me Jourdain de Muizon représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 5 mars 1988 et de nationalité gabonaise, est entré en France, selon ses déclarations, le 1er juin 2008. Il a bénéficié de titres de séjour en qualité d'étudiant, puis de conjoint d'une ressortissante française et de parent d'enfant français. Si le préfet de la Gironde a pris un premier arrêté en date du 11 septembre 2015 portant à son encontre refus de renouvellement de son titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision par un jugement du 16 février 2016, en exécution duquel l'intéressé s'est vu délivrer un nouveau titre de séjour valable jusqu'au 13 mars 2017. Le préfet a pris un nouvel arrêté en date du 15 mars 2018 refusant de renouveler son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Le recours formé par l'intéressé contre cette décision a été rejeté par un jugement du tribunal du 6 juillet 2018 et un arrêt de la cour du 20 février 2019. La préfète de la Gironde a pris un nouvel arrêté en date du 14 septembre 2021 portant à son encontre refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, décision fixant le pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans. Le recours formé par l'intéressé contre cette décision a été rejeté par un jugement du tribunal du 6 décembre 2021. Parallèlement, le 8 janvier 2020, l'intéressé a sollicité l'enregistrement d'une demande d'asile et l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris une décision de clôture d'examen de cette demande le 13 février 2023, ce qui a mis fin à son droit de se maintenir sur le territoire français en application du e du 1° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Gironde a alors pris un nouvel arrêté en date du 20 avril 2023 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans. Par jugement du 11 octobre 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a prononcé l'annulation de l'arrêté préfectoral du 20 avril 2023 et a enjoint au préfet de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le préfet de la Gironde fait appel de ce jugement.
2. Postérieurement à la présentation de la requête, le préfet de la Gironde a délivré une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " à M. A..., valable du 8 décembre 2023 au 7 décembre 2024. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette délivrance serait intervenue pour la seule exécution du jugement du tribunal, cette décision prive d'objet le présent litige portant sur la légalité du refus de titre de séjour antérieurement opposé à M. A... ainsi que sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, de la décision fixant le pays de renvoi et de l'interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans.
3. M. A... a été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Son avocat peut, ainsi, se prévaloir de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat à ce titre le versement de la somme de 1 200 euros à Me Jourdain de Muizon, avocat de M. A....
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête présentée par le préfet de la Gironde.
Article 2 : L'Etat versera à Me Jourdain de Muizon la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....
Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Karine Butéri, présidente assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.
La présidente assesseure,
Karine ButériLa présidente-rapporteure,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX02798