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11/06/2024 | FRANCE | N°23BX02040

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 11 juin 2024, 23BX02040


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme P... O... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2021 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2200111 du 8 juin 2023, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 juillet 2023

, Mme O..., représentée par Me Balima, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du 8...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme P... O... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2021 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2200111 du 8 juin 2023, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 juillet 2023, Mme O..., représentée par Me Balima, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 juin 2023 du tribunal administratif de la Guyane ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 15 novembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer un titre de séjour à raison de son état de santé, à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- compte tenu de sa demande d'aide juridictionnelle, sa requête d'appel est recevable ;

- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence, à défaut pour le préfet de justifier d'une délégation de signature au profit de son signataire ;

- l'arrêté n'est pas motivé conformément aux exigences des articles L. 211-1 à L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et L. 511-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la motivation est sommaire et stéréotypée et se borne essentiellement à se référer à l'avis du collège de médecins de l'OFII dont elle n'a pas eu connaissance ; au surplus, la seule circonstance qu'un traitement adapté existe dans son pays d'origine ne signifie pas qu'elle puisse y accéder ; compte tenu de la situation en Haïti, elle ne pourra accéder à un traitement adapté ; le caractère laconique de la motivation quant à sa vie privée et familiale traduit une absence d'examen réel et sérieux de sa situation ; la motivation de la décision fixant le pays de renvoi ne prend pas en compte la situation en Haïti ;

- l'arrêté est entaché d'erreur de fait ; en effet, son état de santé, au titre duquel elle a antérieurement obtenu un titre de séjour, s'est aggravé et nécessite un suivi et un traitement médical et elle a à sa charge ses trois enfants nés en 2003, 2007 et 2010, scolarisés sur le territoire français ;

- la mesure d'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à son état de santé et à sa situation familiale, et qu'elle méconnaît les articles L. 425-9 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ; si elle devait être expulsée, il en résulterait des conséquences manifestement excessives ; le préfet a manifestement méconnu l'étendue de sa compétence dès lors qu'il aurait dû faire application de son pouvoir discrétionnaire de régularisation s'il estimait que les conditions de délivrance d'un titre de séjour prévues par les textes n'étaient pas remplies ; rien ne faisait obstacle à ce que préfet lui délivre un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à titre exceptionnel ; sa situation médicale et familiale justifiaient que le préfet fasse application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de séjour qui lui a été opposée porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, dont un est né d'un père français, tel que protégé par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'arrêté méconnaît également les articles 9-1 et 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et l'article 24-2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Par une décision du 21 septembre 2023, Mme O... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par une ordonnance du 5 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 décembre 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et su séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Elisabeth Jayat a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme O..., ressortissante haïtienne née en 1972, est entrée en France en 2017. Elle a été titulaire de titres de séjour à raison de son état de santé. Le 15 avril 2021, elle a demandé la délivrance d'un nouveau titre de séjour, la validité de son dernier titre de séjour ayant expiré le 23 janvier 2020. Le 15 novembre 2021, le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme O... fait appel du jugement du 8 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Par un arrêté n° 2021110 du 9 novembre 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 10 novembre 2021, le préfet de la Guyane a donné délégation à M. G... H..., directeur général de la sécurité, de la réglementation et des contrôles, à l'effet de signer les actes et décisions dans toutes les matières relevant de l'immigration et de la citoyenneté. L'article 4 de cet arrêté vise plus particulièrement les actes en matière d'accueil au séjour des étrangers, et notamment, d'instruction des titres de séjour et d'éloignement et de contentieux. L'article 14 de cet arrêté autorise M. H... à subdéléguer sa signature aux agents placés sous son autorité.

3. Par un arrêté n° 20211110 du 10 novembre 2021, également publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Guyane du 10 novembre 2021, M. H... a donné délégation à M. C... I..., directeur général adjoint de la sécurité, de la réglementation et des contrôles et directeur de l'immigration et de la citoyenneté à l'effet de signer les actes relatifs à l'activité de la direction de l'immigration et de la citoyenneté tels que définis aux articles 4, 5 et 10 de l'arrêté du 9 novembre 2021. En cas d'absence ou d'empêchement de M. C... I..., l'article 2 de cet arrêté donne délégation, d'une part, à M. B... D..., chef du bureau accueil séjour et asile, en matière d'accueil au séjour des étrangers et en matière d'asile, de deuxième part, à M. L... Q..., chef de la plateforme d'instruction des titres de séjour, en matière d'instruction des titres de séjour et, de troisième part, à Mme A... M..., cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux, en matière d'éloignement et de contentieux. En cas d'absence ou d'empêchement de M. B... D..., délégation est donnée par cet arrêté, à Mme E... J... ou, à défaut, à Mme N... K... et, en cas d'absence ou d'empêchement de M. L... Q..., délégation est donnée, par ce même arrêté, à Mme R... F.... Il résulte de ces délégations et subdélégations que Mme A... M..., signataire de l'arrêté contesté, n'avait pas compétence pour signer les refus de titres de séjour.

4. Il résulte ce qui précède que Mme O... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 15 novembre 2021 et, par voie de conséquence, des décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, prises sur son fondement.

5. L'annulation de l'arrêté contesté pour le motif retenu ci-dessus, seul fondé en l'état de l'instruction dès lors que la légalité de la décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, implique nécessairement non que le préfet délivre un titre de séjour à Mme O... mais seulement qu'il réexamine la demande de titre de séjour de l'intéressée, au regard notamment de la situation de violence aveugle en Haïti qui fait actuellement obstacle à ce que l'intéressée soit éloignée à destination de ce pays, conformément à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, et sans préjudice des démarches que Mme O... peut engager auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, d'enjoindre au préfet de procéder à ce réexamen et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. En application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Mme O... sera par ailleurs mise en possession d'une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la nouvelle décision. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

6. Mme O... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut ainsi se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Balima, avocat de Mme O..., en application de ces dispositions et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 8 juin 2023 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Guyane du 15 novembre 2021 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Guyane de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme O..., de prendre une nouvelle décision dans le délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mme O..., dans l'attente de la nouvelle décision.

Article 4 : L'Etat versera à Me Balima, avocat de Mme O..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme P... O..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente assesseure,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.

La présidente assesseure,

Karine ButériLa présidente-rapporteure,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX02040


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02040
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : BALIMA CHRIST ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;23bx02040 ?
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