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11/06/2024 | FRANCE | N°22BX02668

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 11 juin 2024, 22BX02668


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane de prononcer la décharge totale des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2016 et 2017 ainsi que des intérêts et pénalités correspondants.

Par un jugement n° 2200030 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 13 octobre

2022, M. A... B..., représenté par Me Chaia, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200030 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane de prononcer la décharge totale des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2016 et 2017 ainsi que des intérêts et pénalités correspondants.

Par un jugement n° 2200030 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 octobre 2022, M. A... B..., représenté par Me Chaia, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200030 du tribunal administratif de la Guyane du 13 juillet 2022 ;

2°) de prononcer la décharge totale des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2016 et 2017 ainsi que des intérêts et pénalités correspondants ;

3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens.

Il soutient que :

Sur la procédure d'imposition :

- la procédure de taxation d'office ne pouvait lui être appliquée dès lors que l'administration n'établit pas lui avoir notifié une mise en demeure de régulariser sa situation en méconnaissance des dispositions de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales ;

- la procédure est irrégulière dés lors que l'administration ne lui a pas proposé de saisir la commission compétente tel que le prévoit l'article R. 59-1 du livre des procédures fiscales ;

- il n'est pas imposable au titre des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), comme le mentionnent les avis, mais au titre des bénéfices non commerciaux (BNC) ; cette erreur justifie la décharge de l'imposition en litige et des pénalités correspondantes ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

- contrairement à ce qu'ont retenu l'administration et les premiers juges, il est éligible à l'abattement sur les bénéfices prévu par les dispositions de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts dès lors qu'il exerce une activité de sous-traitant ainsi que de formation dans le domaine du BTP (activité de services rendus à des entreprises du secteur BTP) ;

Sur les pénalités :

- il a tenté de régulariser par deux fois sa situation fiscale, ainsi la majoration de 40% doit être écartée à défaut de mauvaise foi de sa part.

Par un mémoire enregistré le 17 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens développés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Ellie, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... exerce, sous l'enseigne IFOIP, une activité de formation continue d'adultes en Guyane. Par deux propositions de rectification, datées des 21 juin et 10 septembre 2019, qui ont fait suite à un contrôle sur pièces, l'administration l'a informé de ce qu'elle comptait rehausser ses bénéfices non commerciaux déclarés au titre de cette activité pour les années 2016 et 2017 dès lors qu'il n'était pas éligible à l'abattement des zones franches d'activité des départements d'outre-mer prévu par l'article 44 quaterdecies du code général des impôts, qu'il avait pratiqué, et mettre ainsi à sa charge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu au titre des années 2016 et 2017, assorties d'intérêts de retard et de pénalités, pour un montant total de 863 923 euros. Ces impositions ont été mise en recouvrement le 31 octobre 2020. Par une réclamation préalable du 22 juillet 2021, M. A... B... a contesté ces impositions. Par un courrier du 25 octobre 2021, le service a fait partiellement droit à sa demande, à hauteur de 100 928 euros. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 13 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande de décharge des impositions restantes.

Sur la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : 1° à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus ou qui n'ont pas déclaré, en application des articles 150-0 E et 150 VG du code général des impôts, les gains nets et les plus-values imposables qu'ils ont réalisés, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 67 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 67 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. (...) ". Aux termes de l'article 170 du code général des impôts : " 1. En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices, de ses charges de famille et des autres éléments nécessaires au calcul de l'impôt sur le revenu, (...) ".

3. Il est constant que M. B... n'a pas souscrit, dans le délai légal, ses déclarations de revenus pour les années 2016 et 2017. S'il soutient les avoir transmises le 20 octobre 2018, après s'être aperçu de cette omission, le bordereau qu'il produit, à l'entête de sa société, ne permet aucunement d'établir, à lui seul, cette transmission. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'administration lui a adressé, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales, deux mises en demeure datées des 7 novembre 2017 et 6 décembre 2018, régulièrement notifiées les 13 novembre 2017 et 29 décembre 2018. S'il établit avoir finalement déposé ses déclarations le 25 mars 2019, cette régularisation n'est ainsi pas intervenue dans les trente jours suivant la notification desdites mises en demeure. Enfin, si le requérant se prévaut d'une agression qu'il aurait subie en janvier 2016, qui l'aurait conduit à une dépression, ce qui justifierait qu'il n'ait pas déclaré ses revenus pour les années 2016 et 2017, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que cet évènement aurait constitué un cas de force majeure pour le contribuable. Par suite, c'est à juste titre que l'administration a taxé d'office, en application de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, M. B... à l'impôt sur le revenu au titre des années 2016 et 2017.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, soit de la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 H du même code, soit du comité consultatif prévu à l'article 1653 F du même code, soit de la commission départementale de conciliation prévue à l'article 667 du même code. Les commissions peuvent également être saisies à l'initiative de l'administration. ".

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... a été régulièrement taxé d'office à l'impôt sur les revenus au titre des années 2016 et 2017 en application des articles L. 66 et L. 67 du livre des procédures fiscales. Par suite, il ne peut utilement se prévaloir du bénéfice des dispositions citées au point précédent qui sont applicables dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire.

6. En dernier lieu, les irrégularités dont sont, le cas échéant, entachés les avis d'imposition relatifs aux impôts recouvrés par voie de rôle sont sans incidence sur la régularité ou le bien-fondé de l'imposition. Par suite, M. B... ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la régularité de la procédure d'imposition en litige, comme d'ailleurs du bien-fondé de cette imposition, du fait que les avis d'imposition des 31 octobre 2020 comportent une inversion quant à la catégorie d'imposition à laquelle se rattachent les sommes en litige (inversion de lignes entre bénéfices industriels et commerciaux et bénéfices non commerciaux).

Sur le bien-fondé de l'imposition :

7. Aux termes de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts dans leur version applicable au litige : " I. Les bénéfices des entreprises provenant d'exploitations situées en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte ou à La Réunion peuvent faire l'objet d'un abattement dans les conditions prévues aux II ou III lorsque ces entreprises respectent les conditions suivantes : (...) 2° L'activité principale de l'exploitation relève de l'un des secteurs d'activité éligibles à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B ou correspond à l'une des activités suivantes : comptabilité, conseil aux entreprises, ingénierie ou études techniques à destination des entreprises ; (...) Les conditions prévues aux 1° et 2° s'apprécient à la clôture de chaque exercice au titre duquel l'abattement prévu au premier alinéa est pratiqué. (...) II.-Les bénéfices mentionnés au I, réalisés et déclarés selon les modalités prévues aux articles 50-0,53 A, 72,74 à 74 B, 96 à 100,102 ter et 103 par les entreprises répondant aux conditions prévues au I, à l'exception des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actifs, font l'objet, dans la limite de 150 000 €, d'un abattement au titre de chaque exercice ouvert à compter du 1er janvier 2008 (...) ". Aux termes de l'article 199 undecies B du même code : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer, (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. (...) Toutefois, n'ouvrent pas droit à la réduction d'impôt les investissements réalisés, dans les secteurs d'activité suivants : (...) e) Education, santé et action sociale ; (...) i) Les services fournis aux entreprises, à l'exception de la maintenance, des activités de nettoyage et de conditionnement à façon et des centres d'appel ; (...) ". Aux termes de l'article 34 du même code : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale. (...) ".

8. M. B... soutient pouvoir bénéficier de l'avantage fiscal prévu à l'article 44 quaterdecies du code général des impôts dès lors qu'il exercerait une double activité, d'une part, une activité de sous-traitant dans le domaine des bâtiments et travaux publics (BTP) et, d'autre part, une activité de formation dans le domaine du BTP sous l'enseigne IFOIP. Toutefois, il résulte de l'instruction que si M. B... exerçait sous le nom de " D... de bâtiment ", une activité relevant des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), cette dernière a cessé depuis le 31 décembre 2013, ce qui a d'ailleurs justifié l'abandon par l'administration du rehaussement en matière de BIC. Ainsi, la seule activité exercée par M. B..., dans le cadre du contrôle en litige, est celle exercée sous l'enseigne IFOIP, qui relève des bénéfices non commerciaux (BNC) et ne peut être regardée comme annexe à une activité industrielle et commerciale. En l'absence de tout élément produit par le requérant relatif au contenu des formations dispensées et au public concerné, son activité, qui consiste à délivrer des formations professionnelles continues, doit être regardée comme relevant du secteur de l'éducation ou du secteur des services fournis aux entreprises, activités expressément exclues du bénéfice de la réduction prévue à l'article 199 undecies B. Il n'est, par ailleurs, pas allégué que cette activité de formation puisse correspondre à l'une des activités listées par le 2° de l'article 44 quaterdecies et notamment à celle de conseil en entreprise. Par suite, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir, au titre de son activité de formation exercée sous l'enseigne IFOIP, de l'abattement prévu à l'article 44 quaterdecies du code général des impôts.

9. Au surplus, il résulte des dispositions précitées de l'article 44 quaterdecies et notamment du II de cet article, que les bénéfices éligibles peuvent faire l'objet de l'abattement prévu à la condition d'avoir été déclarés selon les modalités prévues aux articles 50-0,53 A, 72, 74 à 74 B, 96 à 100,102 ter et 103 par les entreprises répondant aux conditions prévues au I et qu'ainsi, le manquement aux obligations déclaratives qui s'imposent aux contribuables entraîne de ce seul fait l'exclusion du bénéfice du régime de faveur prévu au I de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts. Cet abattement n'est, ainsi, pas applicable aux bénéfices que le contribuable a omis de déclarer dans les conditions et délais légaux, quels que soient les motifs de cette omission.

10. Comme le soutient à juste titre l'administration, il résulte de ce qui précède, et notamment de ce qui a été dit au point 3, que M. B... n'a pas souscrit ses déclarations dans les délais légaux et ne pouvait donc bénéficier du régime prévu à l'article 44 quaterdecies du code général des impôts.

Sur les pénalités :

11. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; (...) ".

12. Dans les circonstances détaillées au point 3, il résulte de l'instruction que M. B... n'a pas déposé ses déclarations de revenus pour les années 2016 et 2017 dans les trente jours suivants la réception des mises en demeure notifiées par pli recommandé, d'avoir à les produire dans ce délai. Si le requérant se prévaut de l'agression qu'il aurait subie, cet évènement, comme déjà indiqué, est à le supposer établi, antérieur de deux et trois ans aux mises en demeure des 7 novembre 2017 et 6 décembre 2018 et il ne résulte d'aucun élément de l'instruction qu'il aurait constitué un cas de force majeure pour le contribuable. En outre, il ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre des pénalités qui lui ont été appliquées sur le fondement du b du I de l'article 1728, de sa bonne foi dès lors que les pénalités prévues pour défaut ou retard de déclaration sont exclusives de toute appréciation de la bonne foi ou des manquements délibérés du contribuable ou de l'existence de manœuvres frauduleuses. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a appliqué la majoration de 40% prévue par les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande de décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2016 et 2017, ainsi que des pénalités correspondantes. Par suite, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente assesseure,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.

La rapporteure,

Héloïse C...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02668


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02668
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CHAIA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;22bx02668 ?
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