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11/06/2024 | FRANCE | N°22BX02492

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 11 juin 2024, 22BX02492


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane à titre principal de le décharger de l'obligation de payer les sommes dont la direction régionale des finances publiques de la Guyane a poursuivi le recouvrement par l'émission de huit saisies administratives à tiers détenteur du 17 janvier 2020 à hauteur de la somme de 405 626,60 euros correspondant à l'ensemble des impositions mises à sa charge au titre des années 2000 à 2015.



Par un jugem

ent n° 2000538, 2000681 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté ses deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane à titre principal de le décharger de l'obligation de payer les sommes dont la direction régionale des finances publiques de la Guyane a poursuivi le recouvrement par l'émission de huit saisies administratives à tiers détenteur du 17 janvier 2020 à hauteur de la somme de 405 626,60 euros correspondant à l'ensemble des impositions mises à sa charge au titre des années 2000 à 2015.

Par un jugement n° 2000538, 2000681 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 15 septembre 2022, 23 juin, 7 juillet et 28 septembre 2023, M. A... puis ses ayants droit, représentés Me Benois et Me Cayrel, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 16 juin 2022 ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes ayant fait l'objet de mises en demeure de payer datées du 21 octobre 2019, réclamant le paiement de droits à hauteur de 419 680,07 euros, dont le recouvrement a été poursuivi par l'émission de saisies administratives à tiers détenteur en date du 17 janvier 2020 ;

3°) de prononcer la restitution de l'intégralité des sommes indûment saisies ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux éventuels dépens.

Ils soutiennent que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, M. A... n'a pas tardivement invoqué la prescription de l'action en recouvrement dès lors que l'acte de poursuite n'a pas, en l'absence de notification régulière, ouvert le délai de recours à la date qui a été retenue ; il n'a pas eu connaissance de l'acte de poursuite avant que ne soient adressées au notaire le 17 janvier 2020 les saisies administratives à tiers détenteur dès lors qu'il n'a jamais reçu le pli du 26 octobre 2019 ;

- la prescription de l'action en recouvrement du service est acquise en ce qui concerne l'ensemble des impositions émises au titre des années 2000 à 2015 y compris donc la taxe d'habitation et la contribution audiovisuelle dues au titre de l'année 2015.

Par des mémoires enregistrés les 9 juin, 11 août et 12 octobre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens développés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 28 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 octobre 2023.

Par un courrier du 11 avril 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'incompétence de la cour pour statuer sur les conclusions de la requête relatives à la taxe foncière, à la taxe d'habitation et à la contribution à l'audiovisuel public, conformément à l'article R. 811-1 du code de justice administrative.

Un mémoire en réponse à cette information a été enregistré pour les ayants droit de M. A... le 19 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Ellie, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Sager, représentant les ayants droit de M. A....

Une note en délibéré a été enregistrée le 24 mai 2024, présentée par Me Benois et Me Cayrel pour les ayants droit de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. L'administration fiscale a émis le 17 janvier 2020 huit saisies administratives à tiers détenteur pour une somme totale de 419 680,07 euros, dont elle considère M. A... redevable, correspondant, en droits en principal, pénalités et frais accessoires, à la taxe foncière afférente aux périodes s'étendant de 2000 à 2009 et de 2013 à 2017, à la taxe d'habitation et contribution à l'audiovisuel public afférentes aux périodes s'étendant de 2000 à 2008 et de 2014 à 2017, à la taxe professionnelle afférente aux périodes s'étendant de 2001 à 2009 et à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux afférents aux périodes s'étendant de 2000 à 2002 et de 2007 à 2012. Par un courrier du 12 mars 2020, M. A... a formé opposition à poursuite en considérant que les créances afférentes aux années 2000 à 2015, pour un montant total de 405 626,60 euros, étaient prescrites en l'absence d'action de la part du comptable du pôle recouvrement. Par la présente requête, les ayants droit de M. A..., décédé, relèvent appel du jugement du 16 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande de décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes.

Sur la taxe professionnelle afférente aux périodes s'étendant de 2001 à 2009 et l'impôt sur le revenu et prélèvements sociaux afférents aux périodes s'étendant de 2000 à 2002 et de 2007 à 2012 :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 281-1 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L. 281 peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne solidaire. Elles font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, en premier lieu, au chef du service du département ou de la région dans lesquels est effectuée la poursuite (....) ". Aux termes de l'article R. 281-3-1 du même livre : " La demande prévue à l'article R. 281-1 doit, sous peine d'irrecevabilité, être présentée dans un délai de deux mois à partir de la notification : (...) c) A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, du premier acte de poursuite permettant de contester l'exigibilité de la somme réclamée. ". Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. (...) ".

3. Lorsque le redevable d'une imposition se prévaut de la prescription de l'action en recouvrement, il soulève une contestation qui ne porte pas sur l'obligation de payer mais qui a trait à l'exigibilité de l'impôt. La prescription de l'action en recouvrement doit, en application du c de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales, être invoquée à l'appui de la réclamation préalable adressée à l'administration compétente dans un délai de deux mois à partir de la notification du premier acte de poursuite permettant de s'en prévaloir.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 257-0 A du livre des procédures fiscales : " 1. A défaut de paiement de l'acompte mentionné à l'article 1663 C du code général des impôts ou des sommes mentionnées sur l'avis d'imposition à la date limite de paiement ou de celles mentionnées sur l'avis de mise en recouvrement et en l'absence d'une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement formulée dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 277, le comptable public compétent adresse au contribuable une mise en demeure de payer (...) 3. La mise en demeure de payer interrompt la prescription de l'action en recouvrement. Elle peut être contestée dans les conditions prévues à l'article L. 281. ". Aux termes de l'article R. 257-0 A-1 du même livre applicable à l'espèce : " Lorsque la mise en demeure de payer est notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, cette notification est effectuée selon la procédure prévue à l'article R. 256-6 et produit ses effets dans les conditions prévues à l'article R. 256-7. ". Aux termes de l'article R. 256-7 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement est réputé avoir été notifié : a) Dans le cas où l'" ampliation " a été effectivement remise par les services postaux au redevable ou à son fondé de pouvoir, le jour même de cette remise ; b) Lorsque la lettre recommandée n'a pu être distribuée du fait du redevable, le jour où en a été faite la première présentation. ".

5. Lorsque le contribuable soutient qu'il n'a pas signé l'avis d'accusé de réception du pli recommandé, c'est à lui qu'il appartient d'établir que le signataire de l'avis n'avait pas qualité pour recevoir le pli dont il s'agit. A défaut, la notification est regardée comme régulière.

6. Il résulte de l'instruction que préalablement à l'émission des huit saisies administratives à tiers détenteur du 17 janvier 2020, l'administration a émis dix-huit mises en demeure de payer datées du 21 octobre 2019, recouvrant les mêmes impositions que celles apparaissant dans lesdites saisies et relatives à des taxes foncières, taxes d'habitation, taxes professionnelles, impôts sur le revenu et prélèvements sociaux réclamés au titre des années 2000 à 2017 pour un montant total de 406 660,19 euros. Il résulte de l'avis d'accusé de réception du pli recommandé contenant ces dix-huit mises en demeure de payer que ce dernier a été délivré par les services postaux à l'adresse postale dont se prévaut M. A... et remis contre signature le 26 octobre 2019. Si les requérants contestent l'authenticité de cette signature, ils n'établissent pas, par les simples allégations relatives à la différence de signature entre le pli et le passeport de M. A..., qu'il n'était pas le signataire de l'avis ou que le signataire n'avait pas qualité pour recevoir le pli dont il s'agit. Par suite, et tandis que les mises en demeure comportaient les voies et délais de recours, la notification doit être regardée comme ayant été régulière.

7. Par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'à l'exception de la taxe d'habitation et de la contribution audiovisuelle due au titre de l'année 2015, les dates de mise en recouvrement des autres impositions étaient antérieures de quatre ans à la notification des mises en demeure le 26 octobre 2019. Dès lors, ces mises en demeures constituaient le premier acte de poursuite permettant à M. A... de contester l'exigibilité de ces sommes. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal de la Guyane a retenu l'irrecevabilité sur ce point de son opposition formée le 12 mars 2020, soit postérieurement au délai de deux mois qui a commencé de courir le 26 octobre 2019.

Sur la taxe d'habitation et la contribution à l'audiovisuel public dues au titre de l'année 2015 et la taxe foncière afférente aux périodes s'étendant de 2000 à 2009 et de 2013 à 2018 :

8. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale (...). Par dérogation aux dispositions qui précèdent, en cas de connexité avec un litige susceptible d'appel, les décisions portant sur les actions mentionnées au 8° peuvent elles-mêmes faire l'objet d'un appel. Il en va de même pour les décisions statuant sur les recours en matière de taxe foncière lorsqu'elles statuent également sur des conclusions relatives à cotisation foncière des entreprises, à la demande du même contribuable, et que les deux impositions reposent, en tout ou partie, sur la valeur des mêmes biens appréciée la même année (...) ". L'article R. 351-2 du même code dispose que : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire (...) ".

9. Il résulte des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative citées au point précédent que le tribunal administratif de la Guyane a statué en premier et dernier ressort en ce qui concerne les créances en litige de taxe foncière, de taxe d'habitation et de contribution à l'audiovisuel public. S'agissant plus spécifiquement de la taxe foncière, les questions en litige relatives à son recouvrement ne présentent aucun lien de connexité avec les questions en litige relatives au recouvrement de la taxe professionnelle. Par suite, pour ce qui concerne les conclusions relatives à la taxe foncière, à la taxe d'habitation et à la contribution à l'audiovisuel public, qui ne relèvent pas des exceptions prévues par l'article R. 811-1 du code de justice administratives, il y a lieu de transmettre le dossier au Conseil d'Etat.

10. Il résulte de tout ce qui précède que s'agissant des sommes relevant de la compétence de la cour, les ayants droit de M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande en décharge de l'obligation de payer les sommes ayant fait l'objet de mises en demeure de payer datées du 21 octobre 2019, et relatives aux impositions dues au titre des années 2000 à 2015, dont le recouvrement a été poursuivi par l'émission de saisies administratives à tiers détenteur en date du 17 janvier 2020. Par suite, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Enfin, alors que l'instance n'a pas donné lieu à de quelconque dépens, leurs conclusions sur la charge des dépens doivent être également rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le dossier de la requête de M. A... est transmis au Conseil d'Etat pour ce qui concerne les conclusions de la requête relatives aux sommes dues au titre de la taxe foncière, de la taxe d'habitation et de la contribution à l'audiovisuel public.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux héritiers de B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente assesseure,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.

La rapporteure,

Héloïse C...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02492


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02492
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Contentieux fiscal

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;22bx02492 ?
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