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30/05/2024 | FRANCE | N°23BX02920

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 30 mai 2024, 23BX02920


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... A... a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin d'annuler l'arrêté du 19 mai 2022 par lequel le préfet délégué auprès du représentant de l'Etat dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, ainsi que l'arrêté du même jour

l'assignant à résidence pour une durée de 45 jours.



Par un jugement n° 2200054 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... A... a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin d'annuler l'arrêté du 19 mai 2022 par lequel le préfet délégué auprès du représentant de l'Etat dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 2200054 du 28 septembre 2023, le tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2023, M. A... A..., représenté par la SELARL Durimel et Bangou, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Saint-Martin du 28 septembre 2023 ;

2°) d'annuler les deux arrêtés préfectoraux du 19 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet délégué auprès du représentant de l'Etat dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa demande, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur de fait lorsqu'il indique que la reconnaissance de l'enfant a eu lieu en République dominicaine alors qu'elle a été faite en France ;

- l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français a méconnu l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que seul son séjour irrégulier a été pris en considération, et non ses attaches familiales et sa situation professionnelle ;

- il méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, dès lors qu'il est marié à une compatriote en situation régulière depuis le 4 septembre 2021 et qu'ils ont un enfant né le 29 mai 2018 qui est atteint d'un autisme sévère nécessitant la présence de ses deux parents ; il bénéficie par ailleurs d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée en tant que manœuvre ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il n'est pas établi qu'il entendait se soustraire à une décision d'éloignement et qu'il n'avait pas fait l'objet d'un précédent refus de titre de séjour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Olivier Cotte a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... A..., ressortissant de République dominicaine, né le 1er décembre 1982, est entré sur le territoire de l'île de Saint-Martin, selon ses déclarations, en mai 2019. A l'occasion d'un contrôle routier le 18 mai 2022, il a été constaté qu'il se maintenait irrégulièrement sur le territoire français. Par deux arrêtés du 19 mai 2022, le préfet délégué auprès du représentant de l'Etat dans les collectivités de de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, et, d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours. Par un jugement du 28 septembre 2023 dont l'intéressé relève appel, le tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande d'annulation de ces deux arrêtés.

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".

3. M. A... A... ne justifie ni d'une entrée régulière sur le territoire français, ni d'avoir sollicité un titre de séjour. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions précitées de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

5. D'une part, M. A... A... soutient être entré en France en mai 2019, mais ne démontre pas sa présence sur le territoire français avant septembre 2021. A la date des décisions en litige, son ancienneté de séjour était de huit mois. Il a épousé, le 4 septembre 2021, une compatriote, résidant régulièrement sur le territoire français sous couvert d'une carte de résident, avec laquelle il a eu un enfant, B..., né le 29 mai 2018, qu'il a reconnu à Saint-Martin le 1er août 2019. Si M. A... A... fait valoir que son fils est atteint d'un autisme sévère nécessitant sa présence à ses côtés, il n'établit pas avoir participé à son éducation et à son entretien avant septembre 2021. La vie de famille, incluant les enfants de son épouse nés d'une précédente union en 1996, 2002 et 2006 est récente, et la seule production de photographies et de documents relatifs au suivi socio-éducatif de l'enfant ne sont pas de nature à démontrer des liens familiaux d'une intensité telle que la décision faisant obligation à M. A... A... de quitter le territoire français y porterait une atteinte disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

6. D'autre part, alors qu'ainsi qu'il a été dit, l'investissement de M. A... A... auprès de son fils est récent et que ce dernier est pris en charge depuis sa naissance par sa mère qui, en raison de sa nationalité dominicaine, peut se rendre régulièrement dans le pays d'origine de son époux, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

7. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ".

8. Ainsi qu'il a été dit, M. A... A... n'établit pas résider régulièrement en France, ni avoir sollicité son admission au séjour. Par suite, alors même que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il ne s'est pas soustrait à une précédente mesure d'éloignement, la décision lui refusant un délai de départ volontaire pour exécuter la mesure d'éloignement ne méconnaît pas les dispositions précitées.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, dès lors, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet délégué auprès du représentant de l'Etat dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mai 2024.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne à la ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23BX02920


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02920
Date de la décision : 30/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS DURIMEL & BANGOU

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-30;23bx02920 ?
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