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30/05/2024 | FRANCE | N°22BX01266

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 30 mai 2024, 22BX01266


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... D... et M. E... F... ont demandé au tribunal administratif

de la Guadeloupe, à titre principal d'ordonner une expertise médicale afin d'évaluer les préjudices de leur fils mineur A... et de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser, en leur qualité de représentants légaux, une provision de 100 000 euros dans l'attente de l'expertise, et à titre subsidiai

re de condamner l'ONIAM à leur verser une indemnité de 1 105 477,85 euros en réparation des ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... et M. E... F... ont demandé au tribunal administratif

de la Guadeloupe, à titre principal d'ordonner une expertise médicale afin d'évaluer les préjudices de leur fils mineur A... et de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser, en leur qualité de représentants légaux, une provision de 100 000 euros dans l'attente de l'expertise, et à titre subsidiaire de condamner l'ONIAM à leur verser une indemnité de 1 105 477,85 euros en réparation des préjudices après consolidation.

Par un jugement n° 2001006 du 3 mars 2022, le tribunal a condamné l'ONIAM à leur verser des indemnités de 7 916 euros au titre des frais divers échus et du préjudice esthétique temporaire et de 34 300 euros au titre des frais échus d'assistance par une tierce personne, ainsi qu'une rente semestrielle de 2 320 euros de la date du jugement à la consolidation de l'état de santé A... après déduction de la prestation de compensation du handicap ou de toute allocation ayant le même objet, et à rembourser les frais de déplacement futurs sur présentation de justificatifs, et a rejeté le surplus de la demande en réservant les préjudices permanents jusqu'à leur évaluation à la majorité A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 mai 2022 et un mémoire enregistré le 22 juin 2023, Mme D... et M. F..., représentés par la SELARL Cabinet Rémy Le Bonnois, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement pour irrégularité, à titre subsidiaire de le réformer en ordonnant une expertise afin d'évaluer les préjudices de leur fils et en condamnant l'ONIAM à leur verser une provision de 100 000 euros, et à titre infiniment subsidiaire de condamner l'ONIAM à leur verser une indemnité de 1 673 630,81 euros avec intérêts au taux légal à compter de leur demande préalable et capitalisation à compter de leur requête ;

2°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 6 000 euros (2 000 euros chacun) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Ils soutiennent que :

A titre principal :

- la minute du jugement n'est pas signée, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- ils ont demandé à titre principal une provision compte tenu de l'absence de consolidation, et à titre subsidiaire une indemnisation définitive sur la base des rapports d'expertise produits ; en se bornant à relever qu'il statuait sur les conclusions indemnitaires, alors que celles-ci n'étaient présentées qu'à titre subsidiaire, le tribunal a entaché son jugement d'une insuffisance de motivation ;

A titre subsidiaire :

- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la paralysie du plexus brachial résulte d'un accident médical non fautif et ouvre droit à réparation par l'ONIAM ;

- l'utilité d'une nouvelle mesure d'expertise repose sur la contestation de la date de consolidation au 22 novembre 2013 retenue par les experts et sur la nécessaire actualisation des préjudices ;

- A... présente des séquelles évaluées par les deux expertises à un déficit fonctionnel permanent de 40 %, et sa prise en charge nécessite des déplacements en métropole ainsi que l'assistance par une tierce personne ; c'est ainsi à tort que le tribunal a rejeté la demande de provision présentée à titre principal et a prononcé la liquidation définitive de certains préjudices, avec une possible sous-évaluation car ils sont susceptibles d'évoluer ; dès lors qu'il n'est pas possible d'évaluer avec certitude les préjudices avant et après consolidation, il y a lieu de condamner l'ONIAM à leur verser une provision de 100 000 euros dans l'attente de l'évaluation définitive des préjudices A..., cette somme n'étant pas sérieusement contestable ;

A titre infiniment subsidiaire :

- si la cour estimait que la consolidation à l'âge de trois ans retenue par les experts désignés par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI) peut être admise et qu'il n'est pas nécessaire de procéder à une nouvelle évaluation à la majorité A..., il est demandé de liquider définitivement les préjudices comme suit, sur la base du barème de la Gazette du Palais de 2022 avec un taux de - 1 % :

* les frais de déplacement en métropole jusqu'en 2023 sont justifiés par les comptes-rendus de consultation produits et s'élèvent à 25 586,12 euros ;

* la prestation de compensation du handicap (PCH) et l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) n'ont pas à être déduites de l'indemnité allouée au titre de l'assistance par une tierce personne, et sur la base d'un taux horaire de 24 euros, l'indemnité correspondant aux besoins d'assistance par une tierce personne retenus par les experts s'élève

à 1 065 216,36 euros ;

* lorsqu'Evan conduira à partir de l'âge de 18 ans, son véhicule devra être adapté à son handicap avec une boule au volant et une boîte automatique, pour un surcoût de 3 393,86 euros renouvelé tous les 5 ans, soit un capital de 69 778,33 euros ;

* il est demandé 50 000 euros au titre de l'incidence scolaire et 200 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

* dès lors que ce préjudice s'est aggravé depuis le protocole transactionnel

du 17 novembre 2015, ils sont recevables à solliciter une somme complémentaire

de 10 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

* le préjudice esthétique temporaire peut être évalué à 3 000 euros comme l'a retenu le jugement ;

* la demande relative à l'aggravation des souffrances endurées est recevable, et une somme complémentaire de 14 400 euros est sollicitée ;

* le préjudice esthétique permanent de 3 sur 7 peut être évalué à 8 000 euros ;

* il est demandé 192 400 euros au titre du déficit fonctionnel permanent de 40 % à l'âge de 3 ans, 15 000 euros au titre du préjudice d'agrément et 20 000 euros au titre du préjudice sexuel.

Par des mémoires en défense enregistrés le 28 juillet 2022 et le 26 juin 2023, l'ONIAM, représenté par la SELARL Birot, Ravaut et Associés, conclut à titre principal au rejet de la requête, et à titre subsidiaire à ce que l'allocation provisionnelle sollicitée par les requérants soit limitée à la somme de 17 316,96 euros ou subsidiairement de 23 984,36 euros, sous déduction des indemnités de toute nature, reçues ou à recevoir.

Il fait valoir que :

A titre principal :

- la consolidation de l'état de santé fixée à l'âge de trois ans était prématurée, et c'est à bon droit que le tribunal a jugé qu'elle ne pourrait être envisagée qu'à la majorité A...;

- il y a lieu de confirmer la somme de 4 916 euros allouée au titre des frais divers jusqu'à la date du jugement, et pour la période postérieure, seul le remboursement sur production de justificatifs permettra de liquider ce poste de préjudice sans contrevenir au principe

de réparation intégrale ; il n'est pas démontré que les frais de transport en métropole exposés

en 2014, 2016, 2018, 2020 et 2023, qui ont pu être pris en charge par l'assurance maladie, seraient restés à la charge des requérants ;

- dès lors que l'assistance par une tierce personne a été assurée par les parents, le taux horaire de 14,35 euros a été à bon droit retenu par le tribunal, et afin d'éviter une double indemnisation, il convenait de prévoir la déduction des sommes versées par les organismes sociaux au titre des prestations ayant pour objet la réparation du même préjudice, telles que la PCH et l'AEEH ;

- la somme de 3 000 euros allouée au titre du préjudice esthétique temporaire n'est pas contestée ;

- les demandes relatives au déficit fonctionnel temporaire et aux souffrances endurées sont nouvelles en appel et doivent être rejetées en l'absence de preuve d'une dégradation de l'état de santé de l'enfant ;

- dès lors que l'état de santé A... n'est pas consolidé, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande présentée au titre des préjudices permanents ;

A titre subsidiaire, si la cour décidait d'allouer une provision :

- en l'absence de consolidation, le montant alloué ne pourra être évalué qu'au regard des préjudices temporaires ;

- la provision au titre des frais divers ne pourra excéder 4 916,96 euros, ou subsidiairement 11 584,36 euros si la cour estime que les requérants établissent s'être déplacés en métropole pour raisons médicales en 2014, 2016, 2018, 2020 et 2023 ;

- dès lors que les requérants n'apportent aucune précision ni sur l'AEEH dont bénéficie A... depuis le 1er avril 2013, ni sur la perception ou non de la PCH, aucune provision ne pourra être accordée au titre de l'assistance par une tierce personne ;

- une somme de 17 766 euros pourrait être allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire du 23 novembre 2013 au 31 décembre 2021, mais la provision devra être limitée à la somme demandée de 10 000 euros ;

- l'indemnisation provisionnelle du préjudice esthétique temporaire ne saurait excéder 1 000 euros ;

- en complément de la somme de 5 600 euros versée dans le cadre de la transaction amiable, une provision de 1 400 euros pourra être allouée au titre des souffrances endurées

de 4 sur 7 pour une indemnisation de ce préjudice à hauteur de 7 000 euros ;

- aucune provision ne peut être accordée au titre des préjudices permanents.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Moret, représentant Mme D... et M. F....

Considérant ce qui suit :

1. Le 29 août 2010 à 1 h 50, Mme D..., qui présentait une grossesse gémellaire

à 35 semaines d'aménorrhée, a été admise en début de travail à la maternité du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre. Le premier jumeau est né à 8 h 50 avec un score Apgar de 10, et l'extraction du second, qui se présentait par le siège, a nécessité la réalisation de manœuvres obstétricales dites de grande extraction. L'enfant, prénommé A..., est né avec une paralysie du plexus brachial droit et a présenté une détresse respiratoire modérée ainsi qu'une dengue materno-fœtale, ce qui a nécessité son hospitalisation jusqu'au 28 septembre 2010. En l'absence de récupération de la paralysie du plexus brachial, deux interventions chirurgicales ont été réalisées à l'hôpital Trousseau de Paris les 5 janvier et 27 avril 2011, sans amélioration notable de la mobilité du membre supérieur droit.

2. Le 2 juillet 2013, Mme D... et M. F..., son conjoint et le père A..., ont saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI), laquelle a ordonné une expertise dont le rapport, remis le 16 décembre 2013, a conclu que la paralysie du plexus brachial droit était en lien avec les manœuvres obstétricales réalisées sans manquement, dont l'indication était formelle, et qu'il s'agissait d'un aléa thérapeutique très rare dans le cas d'une grande extraction par le siège. Par un avis du 6 février 2014, la CCI a estimé qu'il appartenait à l'ONIAM d'adresser aux parents A... une offre d'indemnisation portant sur les préjudices extra-patrimoniaux, les soins avant et après consolidation et une assistance par une tierce personne durant trente minutes par jour jusqu'à l'âge de cinq ans, en retenant une consolidation au 22 novembre 2013. Une transaction approuvée par la juge des tutelles des mineurs a été conclue en novembre 2015 au titre du déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées, à hauteur de 18 953,75 euros.

3. Saisie d'une demande relative à l'aggravation de l'état de santé A..., la CCI a désigné les mêmes experts afin de procéder à une nouvelle évaluation des préjudices, et

compte tenu des conclusions du rapport remis le 20 février 2017, elle a émis un nouvel avis

du 11 avril 2017 portant sur l'indemnisation par l'ONIAM d'une aide à la personne d'une heure par jour. L'ONIAM, estimant que la consolidation de l'état de santé A... ne pourrait

être envisagée qu'à la fin de sa croissance, a seulement accepté le principe d'une indemnisation des préjudices temporaires et des besoins d'assistance actualisés, et la CCI, par lettre

du 25 avril 2019, a refusé d'organiser une nouvelle expertise en l'absence d'évolution significative de l'état de santé de l'enfant à l'âge de neuf ans en rappelant qu'elle avait estimé dès l'origine que la date de consolidation pouvait être fixée au 22 novembre 2013, et qu'il y avait lieu pour l'ONIAM d'indemniser les préjudices conformément à ses avis. Mme D...

et M. F... ont alors présenté une réclamation préalable et ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe, à titre principal d'organiser une expertise et de condamner l'ONIAM à leur verser une provision de 100 000 euros, et à titre subsidiaire de condamner l'ONIAM à leur verser une indemnité de 1 105 477,85 euros. Par un jugement du 3 mars 2022, le tribunal a condamné l'ONIAM à leur verser des indemnités de 7 916 euros au titre des frais divers échus et du préjudice esthétique temporaire et de 34 300 euros au titre des frais échus d'assistance par une tierce personne, ainsi qu'une rente semestrielle de 2 320 euros de la date du jugement à la consolidation de l'état de santé A... au titre de l'assistance par une tierce personne, après déduction de la prestation de compensation du handicap ou de toute allocation ayant le même objet, et à rembourser les frais de déplacement futurs sur présentation de justificatifs, et a rejeté le surplus en réservant les préjudices permanents jusqu'à leur évaluation à la majorité A.... Mme D... et M. F... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à leur demande principale de condamnation de l'ONIAM au versement d'une provision.

Sur la régularité du jugement :

4. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement du 3 mars 2022 a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et la greffière d'audience, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation qui en a été notifiée aux parties ne comporte pas ces signatures manuscrites est sans incidence sur la régularité du jugement.

5. Mme D... et M. F... ont demandé au tribunal à titre principal une provision en se prévalant de ce que l'état de santé de leur fils ne pouvait être regardé comme consolidé, et à titre subsidiaire une indemnisation définitive sur la base de l'évaluation des préjudices par les experts qui avaient retenu une consolidation au 22 novembre 2013. Le tribunal, qui a estimé que la consolidation ne pourrait être envisagée qu'à la majorité A..., a procédé à une indemnisation de certains préjudices avant consolidation, faisant ainsi partiellement droit aux conclusions subsidiaires, puis a rejeté la demande principale de provision au motif qu'il avait statué sur les conclusions indemnitaires. Les premiers juges se sont ainsi mépris sur la portée des conclusions dont ils étaient saisis, ce qui affecte la régularité du jugement. Par suite, les articles 2, 3, 4 et 5 qui ont condamné l'ONIAM à indemniser une partie des préjudices avant consolidation doivent être annulés, et il appartient à la cour de statuer par la voie de l'évocation sur la demande de provision principale de Mme D... et M. F....

Sur la demande de provision :

En ce qui concerne le droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale :

6. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ". Aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. / (...). "

7. Ainsi qu'il a été dit au point 2, les experts ont écarté tout manquement dans la prise en charge de l'accouchement et de l'enfant par l'hôpital, et qualifié la paralysie du plexus brachial en lien avec les manœuvres obstétricales d'aléa thérapeutique très rare (1 / 1000) dans le cas d'une grande extraction par le siège. Cette paralysie a pour conséquence un membre supérieur droit inerte et ballant ne permettant aucune motricité efficace au niveau du coude, de l'avant-bras et de la main. Les experts ont évalué le déficit fonctionnel temporaire correspondant à 50 % (classe III) de la naissance au 22 novembre 2013 hors périodes d'hospitalisation. Les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale sont ainsi remplies, ce qui n'est pas contesté.

En ce qui concerne la demande d'expertise et le principe de l'allocation d'une provision :

8. Pour retenir une consolidation de l'état de santé A... au 22 novembre 2013, les experts se sont fondés sur ce qu'il était probable, compte tenu du délai écoulé à cette date depuis la dernière intervention chirurgicale réalisée le 27 avril 2011, et compte tenu des constatations effectuées dans le cadre familial et par les intervenants médicaux, que le processus de réinnervation du plexus brachial était arrivé à son terme et qu'il n'y aurait plus de modification fonctionnelle significative. Ils ont toutefois précisé que la situation fonctionnelle était potentiellement susceptible de s'aggraver par enraidissement articulaire, ce qui justifiait la poursuite de la kinésithérapie, mais aussi, à plus long terme, qu'une amélioration était envisageable par des interventions chirurgicales palliatives, soit par transferts musculo-tendineux, soit par gestes osseux, notamment de type dérotation humérale. Dans ces circonstances, et alors que les conséquences du handicap d'un enfant sur son avenir ne peuvent être appréciées dans toute leur ampleur avant la fin de sa croissance, la stabilisation fonctionnelle constatée par les experts ne permet pas de regarder la consolidation comme acquise à l'âge de trois ans et demi. La réalisation d'une nouvelle expertise antérieurement à la majorité A..., âgé de quatorze ans à la date du présent arrêt, ne permettrait pas d'évaluer les préjudices définitifs. Par suite, il y a seulement lieu d'allouer une provision à Mme D... et M. F... en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur.

En ce qui concerne le montant de la provision :

9. Les frais de déplacement pour des consultations spécialisées en métropole peuvent donner lieu à l'allocation d'une provision de 5 000 euros. Dès lors que les experts ont évalué le déficit fonctionnel à 50 % du 29 août 2010 au 22 novembre 2013 hors hospitalisations d'une durée de 13 jours en 2011, puis à 40 % à compter du 23 novembre 2013, et qu'il subsistera nécessairement un déficit fonctionnel permanent, l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire et permanent ne saurait être inférieure à 60 000 euros. Des provisions peuvent être allouées à hauteur de 8 000 euros au titre des souffrances physiques et morales endurées, cotées à 4 sur 7 à l'âge de trois ans, et de 8 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire et permanent. En revanche, en l'absence de justificatifs de l'allocation pour l'éducation de l'enfant handicapé avec complément de catégorie 2 mentionnée par les experts, il n'est pas démontré que le préjudice d'assistance par une tierce personne, limité à une heure par jour à l'âge de six ans et neuf mois, ne serait pas réparé par cette prestation, et l'existence de préjudices d'incidence scolaire et d'agrément ne résulte pas de l'instruction, alors qu'Evan poursuivait une scolarité normale et pratiquait des activités sportives de loisir à la date de la dernière expertise. La nécessité d'un véhicule adapté et l'existence d'une incidence professionnelle du handicap et d'un préjudice sexuel après consolidation ne peuvent davantage être regardés comme établies en l'état. Dans ces circonstances, l'obligation de réparation de l'ONIAM peut être estimée à un montant non sérieusement contestable de 81 000 euros, soit 62 036,25 euros après déduction de la somme de 18 963,75 euros versée au titre de la transaction mentionnée au point 2.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une

nouvelle expertise, que les articles 2, 3, 4 et 5 du jugement du tribunal administratif

de la Guadeloupe doivent être annulés et que l'ONIAM doit être condamné à verser une provision de 62 036,25 euros à Mme D... et M. F... en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur A... F....

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2, 3, 4 et 5 du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe n° 2001006 du 3 mars 2022 sont annulés.

Article 2 : L'ONIAM est condamné à verser une provision de 62 036,25 euros à Mme D... et M. F... en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur A... F....

Article 3 : L'ONIAM versera à Mme D... et M. F... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... et M. F... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et M. E... F... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024.

La rapporteure,

Anne B...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX01266


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01266
Date de la décision : 30/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-30;22bx01266 ?
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