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30/05/2024 | FRANCE | N°22BX00926

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 30 mai 2024, 22BX00926


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la délibération du 3 juin 2020 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a rejeté son recours préalable et lui a refusé le renouvellement de sa carte professionnelle d'agent de sécurité privée.



Par un jugement n° 2001448 du 28 janvier 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté s

a demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 23 mars 2022,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la délibération du 3 juin 2020 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a rejeté son recours préalable et lui a refusé le renouvellement de sa carte professionnelle d'agent de sécurité privée.

Par un jugement n° 2001448 du 28 janvier 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mars 2022, M. B..., représenté par la SELARL Gaire, Langlois, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 janvier 2022 ;

2°) d'annuler la délibération de la CNAC du 3 juin 2020 ;

3°) de mettre à la charge du CNAPS la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale ; le tribunal administratif s'est borné à vérifier si le procureur de la République et les services de police territorialement compétents avaient préalablement été saisis sans rechercher si le CNAPS justifiait, à la suite de ces saisines, d'une part avoir reçu un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d'antécédents judiciaires, et d'autre part avoir été autorisé par le procureur de la République à accéder aux données y figurant ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, les faits ayant donné lieu à des classements sans suite en l'absence de gravité ;

- la décision de refus de l'autoriser à exercer son métier d'agent de sécurité est attentatoire au droit à l'emploi, tel que consacré par le cinquième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et par l'article 5 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 janvier 2023, le CNAPS, représenté par la SELARL Centaure avocats, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B... d'une somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 12 mai 2022.

Par une ordonnance du 31 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juin 2023.

Par lettre du 3 avril 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, relatif à l'irrecevabilité du moyen de légalité externe tiré de l'irrégularité de la consultation du fichier de traitement des antécédents judiciaires, qui n'est pas d'ordre public. En effet, ce moyen, invoqué devant le tribunal dans le mémoire en réplique enregistré le 29 novembre 2021, repose sur une cause juridique distincte des moyens de légalité interne soulevés dans le délai de recours contentieux à l'encontre de la délibération du 3 juin 2020. Il était donc irrecevable en première instance, de sorte qu'il doit être regardé comme une demande nouvelle irrecevable en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment le Préambule du 27 octobre 1946 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Meyer,

- les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Coquillon, représentant le CNAPS.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été détenteur d'une carte professionnelle en qualité d'agent privé de sécurité, délivrée le 19 octobre 2009 et renouvelée jusqu'au 13 août 2019, dont il a sollicité le second renouvellement le 2 juillet 2019. Par une délibération du 17 décembre 2019, la commission locale d'agrément et de contrôle de la délégation Sud-Ouest du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a rejeté sa demande. Par lettre reçue le 29 janvier 2020, dont le CNAPS a accusé réception le 10 février 2020, M. B... a présenté le recours administratif préalable obligatoire devant la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) alors prévu par les dispositions de l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure, lequel a été rejeté par une délibération du 3 juin 2020. M. B... relève appel du jugement du 28 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cette délibération.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, le moyen de légalité externe tiré de l'irrégularité de la consultation du fichier de traitement des antécédents judiciaires, qui n'est pas d'ordre public, repose sur une cause juridique distincte des moyens de légalité interne soulevés dans le délai de recours contentieux à l'encontre de la délibération du 3 juin 2020. Il a été invoqué pour la première fois devant le tribunal dans le mémoire en réplique enregistré le 29 novembre 2021, postérieurement à l'expiration de ce délai. Il était donc irrecevable en première instance, de sorte qu'il doit être regardé comme une demande nouvelle irrecevable en appel.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu'elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent : / 1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes ; / (...)." Aux termes de l'article L. 612-20 du même code : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : / (...) 2° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ; / (...). "

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, à l'issue d'une enquête administrative, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les actes commis par le demandeur sont compatibles avec l'exercice de la profession ou la direction d'une personne morale exerçant cette activité, alors même que les agissements en cause n'auraient pas donné lieu à une condamnation inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire, ou que la condamnation prononcée en raison de ces agissements aurait été effacée de ce bulletin. A ce titre, si la question de l'existence de poursuites ou de sanctions pénales est indifférente, l'autorité administrative est en revanche amenée à prendre en considération, notamment, les circonstances dans lesquelles ont été commis les faits qui peuvent être reprochés au pétitionnaire ainsi que la date de leur commission.

5. Il ressort des termes de la délibération du 3 juin 2020 que pour rejeter le recours préalable obligatoire présenté par M. B..., la CNAC s'est fondée, d'une part, sur des faits de violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité et de violence commise en réunion suivie d'une incapacité n'excédant pas 8 jours commis le 13 août 2019 par l'intéressé à l'encontre d'un client d'un bar-restaurant dans le cadre de son activité d'agent privé de sécurité, et d'autre part, sur des faits de violence dans un local administratif ou aux abords, lors de l'entrée ou de la sortie du public, sans incapacité, commis le 31 octobre 2018.

6. Il ressort des pièces du dossier que le 31 octobre 2018, à l'issue d'une audience devant le juge des enfants, M. B... a frappé à la tête avec un magazine, puis insulté et menacé le nouveau compagnon de son ex-épouse. Cette audience était relative au placement, à la suite d'un rapport des services sociaux, de la fille mineure de M. B..., jusqu'alors confiée à sa mère. Dans ce contexte familial particulier, la réaction de l'intéressé ne peut être regardée comme présentant une particulière gravité. En revanche, les faits du 13 août 2019 sont relatifs à la gestion d'un incident dans l'exercice des fonctions d'agent de sécurité dans un bar-restaurant. Un client s'étant jeté dans la piscine de l'établissement, ce qui était interdit, M. B... a fait usage d'une bombe lacrymogène, déclenchant ainsi une bagarre, puis a frappé le client d'un coup de poing et d'un coup de pied. Le requérant ne conteste pas la matérialité de ces faits, récents à la date de la délibération contestée, lesquels caractérisent une incapacité à gérer une situation mettant en cause la sécurité des personnes dans le contexte professionnel, ce qui est incompatible avec l'exercice des fonctions d'agent de sécurité. La circonstance que ces faits n'ont donné lieu à aucune poursuite pénale, mais seulement à une convocation devant le délégué du procureur dans le cadre d'une composition pénale, est sans incidence sur la faculté pour la CNAC de les opposer sur le fondement du 2° de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure dès lors qu'ils révèlent un comportement de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes. Dans ces circonstances, en refusant de renouveler la carte professionnelle de M. B..., la CNAC n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions.

7. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance du principe du droit au travail énoncé à l'alinéa 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et à l'article 15 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, déjà soulevés en première instance et à l'appui desquels M. B... ne présente en appel aucun élément de fait ou de droit nouveau, doivent être écartés pour les motifs retenus à bon droit aux points 9 et 10 du jugement attaqué.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de la délibération de la CNAC du 3 juin 2020.

Sur les frais liés au litige :

9. M. B..., qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par le CNAPS à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le CNAPS sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au conseil national des activités privées de sécurité.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mai 2024.

La rapporteure,

Anne Meyer

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX00926 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00926
Date de la décision : 30/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : CABINET GAIRE LANGLOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-30;22bx00926 ?
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