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28/05/2024 | FRANCE | N°22BX00972

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 28 mai 2024, 22BX00972


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Véga a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises d'un montant de 84 597 euros à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2015, 2016, 2017 et 2018.



Par un jugement n° 2001561 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 mars et 21 novembre 2022, la SARL Véga, représentée pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Véga a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises d'un montant de 84 597 euros à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2015, 2016, 2017 et 2018.

Par un jugement n° 2001561 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 mars et 21 novembre 2022, la SARL Véga, représentée par Me Guillot de Suduiraut et Me Arrijuria, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er février 2022 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015, 2016, 2017 et 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure de mise en recouvrement a été effectuée en méconnaissance des dispositions de l'article 156 II de la loi de finances initiale pour 2019 du 28 décembre 2018 ;

- l'imposition n'est pas fondée dès lors qu'elle n'entre pas dans la catégorie des établissements industriels au sens des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts ;

- les installations générales et les agencements, aménagements et constructions ne peuvent être regardés comme des installations techniques, matériels et outillages.

Par deux mémoires enregistrés le 10 octobre et le 15 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Par une ordonnance du 8 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 décembre 2023 à 12h00.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Elisabeth Jayat ;

- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée Véga, spécialisée dans l'entreposage et dans le stockage frigorifique, était imposée à la cotisation foncière des entreprises minimum, sur la base fixée conformément à l'article 1647 D du code général des impôts, pour son établissement situé à Marmande. A la suite d'une vérification de comptabilité réalisée en 2018, et un courrier d'information du 18 septembre 2018 sur les suppléments d'impôt envisagés par l'administration fiscale, elle a été assujettie à des suppléments de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2015, 2016, 2017 et 2018 pour un montant total de 84 597 euros, mis en recouvrement le 30 avril 2019. Elle a présenté une réclamation à l'administration fiscale le 20 juillet 2019, laquelle a été rejetée le 20 janvier 2020. La SARL Véga relève appel du jugement du 23 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la prescription du droit de reprise :

2. Aux termes de l'article L. 174 du livre des procédures fiscales : " Les omissions ou les erreurs concernant (...), la cotisation foncière des entreprises (...) peuvent être réparées par l'administration jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Aux termes des deux premiers alinéas du II de l'article 156 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 : " Pour les contribuables de bonne foi, s'agissant des conséquences liées à un changement de méthode de détermination de la valeur locative d'un bâtiment ou terrain industriel en application des articles 1499-00 A ou 1500 du code général des impôts à la suite d'un contrôle fiscal : 1° Par dérogation aux articles L. 173 et L. 174 du livre des procédures fiscales, aucun droit de reprise de l'administration n'est applicable pour les contrôles engagés avant le 31 décembre 2019 si les impositions supplémentaires correspondantes n'ont pas été mises en recouvrement avant le 31 décembre 2018 ".

3. Il résulte du II de l'article 156 de la loi du 28 décembre 2018 que ces dispositions ne visent que les conséquences liées à un changement de méthode de détermination de la valeur locative d'un bâtiment ou terrain industriel à la suite d'un contrôle fiscal, résultant de l'application des articles 1499-00 A ou 1500 du code général des impôts, concernant les entreprises relevant du secteur des métiers et de l'artisanat et les bâtiments et terrains à caractère industriel.

4. Il résulte en l'espèce de l'instruction que, pour rehausser les bases d'imposition de la société requérante, l'administration n'a pas fait application des articles 1499-00 A ou 1500 dans leur rédaction issue de la loi du 28 décembre 2018 et n'a pas procédé à un changement de méthode de détermination de la valeur locative des installations de l'entreprise en vertu de ces dispositions, mais a qualifié d'établissement industriel, au sens et pour l'application des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts, les biens passibles de la cotisation foncière des entreprises qu'elle utilise pour son exploitation et a procédé à une première évaluation de la valeur locative de ces installations auparavant imposées sur la base minimum prévue à l'article 1647 D du code général des impôts, fixée selon un barème, en fonction du chiffre d'affaires ou des recettes de l'entreprise.

5. Ainsi, les dispositions dérogatoires du II de l'article 156 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 n'étaient pas applicables et, contrairement à ce que soutient la société Véga, l'administration fiscale pouvait exercer son droit de reprise en application de l'article L. 174 du livre des procédures fiscales, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, le délai prévu par ce texte ayant été interrompu par l'envoi d'un avis de vérification de comptabilité reçu le 5 juillet 2018.

Sur le bien-fondé des impositions :

6. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11°, 12° et 13° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle (...) La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe (...) ". L'article 1381 du même code vise notamment à son 1° " les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation " et en vertu du 11° de l'article 1382 de ce code, sont exonérés les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l'article 1381. Aux termes de l'article 1499 du même code dans sa rédaction applicable : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat (...) ". L'article 1500 de ce code, dans sa rédaction applicable, dispose que : " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués : - 1° selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A (...) ".

7. Revêtent un caractère industriel, au sens des dispositions précitées, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant. Les immobilisations à retenir sont les biens placés sous le contrôle du redevable et que celui-ci utilise matériellement pour la réalisation des opérations qu'il effectue.

8. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, la société Véga dispose, pour son activité de stockage frigorifique et d'entreposage, de 21 chambres froides de 3 000 m3 munies de plusieurs unités de production frigorifique, d'un générateur d'azote, d'absorbeurs, d'un poste de transformation électrique et d'alimentation, d'un transpalette électrique et de deux chariots élévateurs. Lors de la vérification, il a par ailleurs été constaté que les installations fonctionnent avec un système informatique de contrôle et de surveillance, de sorte qu'un seul salarié est affecté au fonctionnement des installations. Il résulte de l'instruction que le montant total des immobilisations retenu par l'administration fiscale pour le calcul de la valeur locative selon la méthode comptable est de 808 734 euros, représentant près de 43 pour cent de la valeur brute des actifs immobilisés.

9. Compte tenu de l'activité de la société requérante, les éléments énumérés au point précédent, pris en compte par l'administration, correspondent à des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre pour les besoins de son activité de stockage, alors même que, s'agissant des chambres froides, il s'agit d'immobilisations inscrites en comptabilité dans les comptes 211 (terrains) et 213 (constructions et aménagements). En outre, ces immobilisations, servant au stockage de produits, sont au nombre de celles qui sont passibles de la cotisation foncière des entreprises, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus des articles 1467, 1381 et 1382 du code général des impôts. Si par ailleurs, ainsi que le soutient la société appelante, l'activité de stockage frigorifique nécessite la présence d'un seul salarié affecté au chargement et au déchargement de ces produits en raison du faible nombre de manipulations imposées par cette activité, les installations techniques utilisées jouent un rôle prépondérant dans l'activité de stockage de la société, alors même que celle-ci, outre son activité de stockage frigorifique, exerce également une activité de stockage de produits secs.

10. Il résulte de ce qui précède que les installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre par la société Véga jouent un rôle prépondérant dans l'activité de stockage qu'elle y déploie. Cet établissement doit donc être regardé comme revêtant un caractère industriel au sens des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts, ainsi que l'ont retenu les premiers juges.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Véga n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société requérante de la somme qu'elle demande au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Véga est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Véga et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à la direction régionale du contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente assesseure,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

La présidente assesseure,

Karine ButériLa présidente rapporteure,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX00972


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00972
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : FIDAL BAYONNE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;22bx00972 ?
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