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23/05/2024 | FRANCE | N°24BX00096

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 23 mai 2024, 24BX00096


Vu les procédures suivantes :



Procédures contentieuses antérieures :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision par laquelle le recteur de l'académie de Mayotte a limité à 2 272,72 euros la somme qui lui a été versée au titre de la première fraction de l'indemnité de sujétion géographique due à raison de son affectation à Mayotte à compter de la rentrée scolaire de 2019 en exécution de l'ordonnance n° 2000497 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte du 15 j

anvier 2021.



Par une ordonnance n° 2200017 du 12 octobre 2023, le président de la 2èm...

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision par laquelle le recteur de l'académie de Mayotte a limité à 2 272,72 euros la somme qui lui a été versée au titre de la première fraction de l'indemnité de sujétion géographique due à raison de son affectation à Mayotte à compter de la rentrée scolaire de 2019 en exécution de l'ordonnance n° 2000497 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte du 15 janvier 2021.

Par une ordonnance n° 2200017 du 12 octobre 2023, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Par ailleurs, M. A... a demandé au tribunal administratif de Mayotte l'exécution de l'ordonnance n° 2000497 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte du 15 janvier 2021.

Par une ordonnance du 24 octobre 2023, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur cette demande.

Procédures devant la cour :

I - Par une requête enregistrée le 12 janvier 2024 sous le n° 24BX00096 et un mémoire du 11 avril 2024, M. A..., représenté par Me Weyl, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2200017 du 12 octobre 2023 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) d'annuler la décision par laquelle le recteur de l'académie de Mayotte a limité à 2 272,72 euros la somme qui lui a été versée au titre de la première fraction de l'indemnité de sujétion géographique due à raison de son affectation à Mayotte à compter de la rentrée scolaire de 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés pour les besoins de la première instance et de 2 000 euros au titre des frais exposés pour les besoins de l'appel.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors que ne pouvaient être écartés comme inopérants et sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, au motif de la situation de compétence liée dans laquelle se serait trouvée l'administration, l'ensemble de ses moyens et en particulier ceux relatifs à l'applicabilité de l'article 7 du décret du 15 avril 2013 ;

- c'est à tort que l'administration a retenu que l'article 7 du décret du 15 avril 2013 permettait de limiter à 75% la première fraction de l'indemnité de sujétion géographique devant lui être versée ; cette limitation méconnaît l'autorité de la chose jugée par l'ordonnance n° 2000497 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte du 15 janvier 2021 et constitue un détournement de procédure ;

- l'ordonnance attaquée méconnait l'ordonnance n° 2000497 du 15 janvier 2021 en remettant rétroactivement en cause les intérêts qui lui ont été alloués par cette décision ;

- la limitation de la première fraction de son indemnité de sujétion géographique à 75% de son montant en application de l'article 7 du décret du 15 avril 2013 présente un caractère discriminatoire ;

- son départ de Mayotte ne saurait être retenu contre lui pour minorer le montant de son indemnité de sujétion géographique dès lors qu'il a été rendu nécessaire par l'absence de versement en temps utile de cette indemnité pour lui permettre de faire face aux sujétions de son installation.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 mars 2024, le recteur de l'académie de Mayotte conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

II - Par une requête enregistrée le 12 janvier 2024 sous le n° 24BX00097 et un mémoire du 11 avril 2024, M. A..., représenté par Me Weyl, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2203453 du 24 octobre 2023 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte ;

2°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Mayotte d'exécuter l'ordonnance n° 2000497 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte du 15 janvier 2021 en lui versant, à titre principal, une somme provisoirement arrêtée à la date du 12 janvier 2024 à 8 115,02 euros, à parfaire avec les intérêts ultérieurs calculés au taux de l'intérêt légal en vigueur majoré de 5 points et l'anatocisme et, à titre subsidiaire, une somme provisoirement arrêtée à 1 100,99 euros, à parfaire avec les intérêts ultérieurs calculés au taux de l'intérêt légal en vigueur majoré de 5 points et l'anatocisme, le tout dans un délai d'un mois à compter de l'intervention de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés pour les besoins de la première instance et de 2 000 euros au titre des frais exposés pour les besoins de l'appel.

Il soutient que :

- l'ordonnance est irrégulière faute d'avoir mis les parties en mesure de produire des observations sur le motif relevé d'office fondant le non-lieu à statuer prononcé ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu que le versement de 2 272,72 euros rendait sans objet sa demande dès lors qu'une telle somme intègre un abattement de 75% qui ne pouvait légalement lui être appliqué ; en toute hypothèse, sa demande portait également sur l'obtention d'intérêts qui ne lui ont pas été versés.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 mars 2024, le recteur de l'académie de Mayotte conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kolia Gallier,

- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,

- et les observations de Me Weyl, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., professeur d'éducation physique et sportive, a été affecté à Mayotte à la rentrée scolaire 2019-2020 après une année de stage à La Réunion. Le 9 septembre 2019, il a sollicité le versement de la première fraction de l'indemnité de sujétion géographique qu'il estimait lui être due, ce qui lui a été refusé par une décision implicite née du silence gardé par l'administration sur sa demande. Il a demandé l'annulation de cette décision au tribunal administratif de Mayotte qui, par une ordonnance n° 2000497 du 15 janvier 2021, a fait droit à cette demande et condamné l'Etat à lui verser les sommes dues au titre de la première fraction de l'indemnité de sujétion géographique, majorée des intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2019. Le 25 novembre 2021, M. A... a perçu la somme de 2 272,72 euros, correspondant à la première fraction de l'indemnité de sujétion géographique après prise en compte d'un abattement de 75% appliqué par le recteur de l'académie de Mayotte sur le fondement de l'article 7 du décret du 15 avril 2013 portant création d'une indemnité de sujétion géographique. L'intéressé a demandé l'annulation de la décision révélée par ce versement de limiter le montant de son indemnité de sujétion géographique au tribunal administratif de La Réunion qui a rejeté sa demande par une ordonnance n° 2200017 du 12 octobre 2023. Par une ordonnance n° 2203453 du 24 octobre 2023, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte a constaté un non-lieu à statuer sur la demande d'exécution de l'ordonnance n° 2000497 du 15 janvier 2021 dont M. A... avait parallèlement saisi le tribunal administratif de Mayotte. M. A... relève appel de ces ordonnances par deux requêtes distinctes qui ont fait l'objet d'une instruction commune et qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité de l'ordonnance n° 2200017 du tribunal administratif de La Réunion du 12 octobre 2023 :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : (...) / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. (...) ".

3. Pour rejeter, sur le fondement des dispositions précitées, la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de La Réunion, le président de la 2ème chambre de ce tribunal a relevé, d'une part, que l'administration était en situation de compétence liée, compte tenu des dispositions de l'article 7 du décret du 15 avril 2013 portant création d'une indemnité de sujétion géographique, pour pratiquer un abattement de 75 % sur le montant de la première fraction de l'indemnité de sujétion géographique qui lui était due et, d'autre part, que l'ensemble des moyens soulevés par le demandeur devaient, dans ces conditions, être écartés comme inopérants. Toutefois, il ressort de la demande présentée par M. A... devant le tribunal que celui-ci a notamment invoqué un moyen tiré de l'exception d'illégalité du décret du 15 avril 2013 qui méconnaitrait le principe d'égalité en ne s'appliquant pas aux agents stagiaires. A admettre même que l'administration se serait trouvée en situation de compétence liée pour appliquer un abattement de 75 % sur le montant de la première fraction d'indemnité de sujétion géographique due à l'intéressé, un tel moyen n'était pas inopérant dès lors que l'application de la théorie de la compétence liée ne dispense pas le juge d'examiner les moyens qui mettent en cause le bien-fondé de l'application de cette théorie aux circonstances de l'espèce. Par suite, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion ne pouvait, comme il l'a fait par l'ordonnance attaquée, se fonder sur les dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande de M. A.... Ainsi, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée.

Sur l'ordonnance n° 2203453 du tribunal administratif de Mayotte du 24 octobre 2023 :

4. Le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte a considéré que la demande d'exécution présentée par M. A... était devenue sans objet au motif, d'une part, que le recteur de l'académie de Mayotte lui a versé une somme de 2 272,72 euros au titre de la première fraction de l'indemnité de sujétion géographique ainsi qu'une somme de 894,21 euros au titre des intérêts moratoires et, d'autre part, que son recours contre la décision faisant application d'un abattement de 75 % sur le montant de la première fraction de l'indemnité de sujétion géographique a été rejeté par l'ordonnance n° 2200017 du tribunal administratif de La Réunion du 12 octobre 2023. Toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, cette ordonnance est entachée d'irrégularité et doit être annulée, de même, par suite, que l'ordonnance n° 2203453 du tribunal administratif de Mayotte du 24 octobre 2023 qui en tire les conséquences pour constater l'existence d'un non-lieu à statuer sur la demande d'exécution présentée par l'intéressé.

5. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance n° 2200017 du tribunal administratif de La Réunion du 12 octobre 2023 et de celle n° 2203453 du tribunal administratif de Mayotte du 24 octobre 2023. Il y a lieu de renvoyer ces affaires devant les tribunaux administratifs de La Réunion et de Mayotte pour qu'il soit à nouveau statué sur les demandes de M. A....

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les ordonnances n° 2200017 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion du 12 octobre 2023 et n° 2203453 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Mayotte du 24 octobre 2023 sont annulées.

Article 2 : Les affaires sont renvoyées devant les tribunaux administratif de La Réunion et de Mayotte pour qu'il soit statué sur les demandes de M. A....

Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Mayotte.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

La rapporteure,

Kolia GallierLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 24BX00096, 24BX00097 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24BX00096
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : WEYL TAULET ASSOCIES (WTA AVOCATS)

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;24bx00096 ?
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