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21/05/2024 | FRANCE | N°22BX01595

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 21 mai 2024, 22BX01595


Vu la procédure suivante :



Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 juin 2022, le 7 décembre 2022, 23 juin et 31 juillet 2023 ainsi que par un mémoire récapitulatif produit le 29 septembre 2023 en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, et des mémoires complémentaires enregistrés les 7 et 27 mars 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, l'association de protection des paysages de l'environnement de Lathus (APPEL), représentée par Me Lelong, demande à la cour administrative d'appel de Bordeaux, dans le

dernier état de ses écritures :



1°) d'annuler l'arrêté n° DL/BPE...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 juin 2022, le 7 décembre 2022, 23 juin et 31 juillet 2023 ainsi que par un mémoire récapitulatif produit le 29 septembre 2023 en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, et des mémoires complémentaires enregistrés les 7 et 27 mars 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, l'association de protection des paysages de l'environnement de Lathus (APPEL), représentée par Me Lelong, demande à la cour administrative d'appel de Bordeaux, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté n° DL/BPEUP n° 2021/101 du 7 septembre 2021 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a acté les modifications apportées et complétant les dispositions de l'arrêté préfectoral DL/BPEUP n° 175 du 26 novembre 2018 autorisant la société Parc éolien des Gassouillis à exploiter sept éoliennes sur le territoire de la commune de Bussière-Poitevine ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet s'insère dans un environnement déjà marqué par le développement éolien, et n'apporterait pas une production telle qu'il présenterait un intérêt public majeur, au regard de l'ampleur du projet face aux bénéfices socio-économiques du projet ; les observations présentées en défense à ce sujet sont inopérantes ;

- elle a intérêt à agir ;

- l'arrêté contesté fait grief ;

- les dispositions de l'article R. 181-46 du code de l'environnement ont été méconnues ; les modifications apportées au projet ne sont pas mineures et auraient nécessité une nouvelle demande d'autorisation ; les raisons réglementaires et les motifs techniques justifiant ces évolutions sont invoquées de manière succincte ;

- le dossier de porter à connaissance ne permet pas de comparer les éléments cartographiques avant et après modification, d'autant que 4 des 5 éoliennes restantes, ainsi que le poste de livraison et les dessertes sont déplacés ; l'emplacement d'une éolienne impacte directement la commodité du voisinage, la santé, la sécurité et la salubrité publiques, ainsi que la protection de la nature, de l'environnement et des paysages ; les incidences des modifications ne sont pas étudiées ; les données n'ont pas été actualisées et toutes les modifications n'ont pas été justifiées ;

- la modification de modèles d'éoliennes de puissance supérieure s'ajoute à celles tenant à la suppression de deux éoliennes et aux ajustements relatifs aux positionnements des éoliennes ainsi que les aménagements connexes ; le modèle d'éolienne n'est pas déterminé et celui qui a été retenu n'a pas été pris en considération dans le cadre des études conduites initialement ;

- l'autorité décisionnaire s'est fondée sur le seul critère d'absence d'impacts acoustiques supplémentaires pour apprécier le caractère notable ou substantiel de la modification sollicitée, sans considération des autres impacts potentiels ;

- les capacités financières sont insuffisantes ; la société pétitionnaire a changé de forme juridique et de siège social et devait porter cette évolution à la connaissance du public ;

- l'arrêté contesté ne vise aucun avis du ministre de la défense et de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), qui n'ont pas été sollicités ; l'ensemble des avis devant être rendus sur un projet éolien devaient être de nouveau demandés ;

- le préfet de la Haute-Vienne devait faire usage des pouvoirs conférés par le nouvel article R. 181-49 du code de l'environnement ;

- les mises à jour des études initiales sont insuffisantes ;

- s'agissant du volet paysager, les points de vue choisis sont erronés ; l'expertise est partiale ; la mise à jour du volet paysage ne pouvait se concentrer sur les seuls impacts induits par la suppression des deux éoliennes ; des espaces entiers n'ont pas été analysés ;

- s'agissant du volet milieux naturels, l'étude d'impact initiale était obsolète et devait être complétée par une mise à jour pour déterminer si les modifications envisagées auraient un impact sur la flore, les habitats naturels, l'avifaune et les chiroptères ; l'étude pédologique est insuffisante en étant limitée à la zone humide de l'éolienne E2 ; l'emplacement des anciennes éoliennes E5 et E6 devait être pris en considération compte tenu des zones humides situées à proximité immédiate ; les autres points du volet " milieu naturel " devaient aussi être mis à jour ;

- une dérogation au sens de l'article L. 411-1 du code de l'environnement était nécessaire pour l'avifaune ; une mise à jour des données plus de sept ans après l'état des lieux aurait permis de s'assurer du réel effet de la suppression de deux éoliennes au sein du projet ;

- s'agissant des chiroptères, 17 espèces fréquentent les lieux et non 15 en ajoutant à la liste, la noctule de Leisler et la noctule commune, espèces en fort déclin ; la pipistrelle commune est une espèce quasi menacée ; l'étude chiroptérologique est insuffisante ; aucune écoute en altitude n'a été faite ; les mesures d'évitement sont insuffisantes et n'ont pas pris en compte les préconisations Eurobats ; le site sera accidentogène et meurtrier pour les chauves-souris puisque toutes les machines ne respectent pas la zone tampon d'exclusion de 200 m et que certaines surplombent les lisières ; il convenait d'éloigner le parc éolien de la ZSC " vallée de la Gartempe " et de la ZSC " vallée de la Gartempe et affluents " ; les mesures de réduction sont insuffisantes ; une demande de dérogation pour destruction d'espèces protégées et de leurs habitats devait être sollicitée pour la pipistrelle commune, la pipistrelle de Kulh, la sérotine commune, la noctule commune, la noctule de Leisler, la barbastelle d'Europe, le grand rhinolophe ;

- s'agissant de l'avifaune, le site constitue un couloir migratoire incompatible avec l'éolien ; les mesures d'évitement sont insuffisantes ; la seule mesure de réduction n'aura aucun effet sur les impacts pendant l'exploitation du parc ; une demande de dérogation à l'interdiction de détruire les espèces protégées et de leurs habitats devait être sollicitée pour 27 espèces ;

- les articles L. 511-1 et L. 183-3 du code de l'environnement ont été méconnus ; compte tenu du changement législatif intervenu en matière de caractérisation des zones humides par la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 et de la présence d'une zone humide impactée par le projet, des mesures de réduction, de compensation ou d'évitement doivent être prises ; en l'absence de renforcement des mesures ERC, les seules obligations imposées à la société pétitionnaire sont insuffisantes ; elle a démontré les impacts du projet sur les perspectives du site classé de la vallée de la Gartempe, pour le bâti du 18ème siècle situé au lieudit La Gypsière, sur la commune de Lathus Saint Rémy, à l'entrée de Saint Rémy, qui présente un intérêt architectural ;

- il n'y a pas lieu de prononcer une amende pour recours abusif dès lors qu'elle ne fait qu'exercer un droit et ce alors même que l'autorisation d'exploiter initiale n'est toujours pas définitive.

Par des mémoires en défense enregistrés les 4 novembre 2022, 2 mars et 17 juillet 2023 et 20 mars 2024, ces deux derniers mémoires n'ayant pas été communiqués, la société Parc éolien des Gassouillis, représentée par Me Gelas, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer et fait application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, à titre très subsidiaire, à ce que l'arrêté soit assorti des prescriptions nécessaires à la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat d'assortir l'arrêté des prescriptions nécessaires à la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable en raison du défaut d'intérêt à agir de l'association ;

- l'amende prévue par l'article R. 742-12 du code de justice administrative permet à la cour de sanctionner un recours dilatoire et abusif, qui caractérise en l'espèce l'action de l'association ;

- les moyens de la requête dirigés contre l'arrêté attaqué ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 juillet 2023, et un mémoire complémentaire enregistré le 22 avril 2024, qui n'a pas été communiqué, la préfète de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 29 mars 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Martin,

- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,

- et les observations de Me Boudrot, pour Me Gelas, représentant la société Parc éolien des Gassouillis.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 9 août 2016, le préfet de la Haute-Vienne a délivré à la société Parc éolien des Gassouillis un permis de construire pour la réalisation d'une centrale éolienne composée de sept éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Bussière-Poitevine au lieu-dit Les Gassouillis. Par une demande du 26 août 2015, la société Parc éolien des Gassouillis a sollicité la délivrance d'une autorisation en vue de l'exploitation du parc éolien, laquelle a été accordée par un arrêté du 26 novembre 2018. Les recours contentieux formés contre les deux arrêtés des 9 août 2016 et 26 novembre 2018 ont été définitivement rejetés par deux décisions du Conseil d'Etat en date des 28 septembre 2022 et 3 février 2023. Le 15 octobre 2020, la société pétitionnaire a déposé un dossier de porter à connaissance informant le préfet notamment de la suppression de deux éoliennes, des décalages de l'implantation de quatre éoliennes et du poste de livraison et de l'ajout de modèles d'éolienne de puissance unitaire supérieure. Par un arrêté modificatif du 7 septembre 2021, le préfet de la Haute-Vienne a autorisé la société Parc éolien des Gassouillis à exploiter le parc éolien projeté en fixant de nouvelles prescriptions. Par la présente requête, l'association de protection des paysages de l'environnement de Lathus (APPEL) demande à la cour l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 7 septembre 2021 :

2. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 181-13 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". Aux termes de l'article L. 181-14 du même code : " Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation, qu'elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation. / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale dans les conditions définies par le décret prévu à l'article L. 181-32 (...) ". Aux termes de l'article R. 181-46 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Est regardée comme substantielle, au sens de l'article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui : /1° En constitue une extension devant faire l'objet d'une nouvelle évaluation environnementale en application du II de l'article R. 122-2 ; /2° Ou atteint des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l'environnement ; /3° Ou est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3. /La délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale est soumise aux mêmes formalités que l'autorisation initiale. / II. Toute autre modification notable apportée aux activités, installations, ouvrages et travaux autorisés, à leurs modalités d'exploitation ou de mise en œuvre ainsi qu'aux autres équipements, installations et activités mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 181-1 inclus dans l'autorisation doit être portée à la connaissance du préfet, avant sa réalisation, par le bénéficiaire de l'autorisation avec tous les éléments d'appréciation. / S'il y a lieu, le préfet, après avoir procédé à celles des consultations prévues par les articles R. 181-18 et R. 181-22 à R. 181-32 que la nature et l'ampleur de la modification rendent nécessaires, fixe des prescriptions complémentaires ou adapte l'autorisation environnementale dans les formes prévues à l'article R. 181-45./ (...).".

3. Le 15 octobre 2020, la société Parc éolien des Gassouillis a porté à la connaissance du préfet le choix du modèle d'éolienne retenue, soit Gamesa SG114, soit Nordex N117, dont la hauteur en bout de pales ne dépasse pas 182 mètres et la puissance unitaire 3 MW, le déplacement des éoliennes E1, E2, E4, E7 et du poste de livraison à des distances respectives de 17 m, 13 m, 40 m, 6 m et 77 m, le pivotement des plateformes des éoliennes E1 et E2 de 90°, et la suppression des éoliennes E5 et E6. La société pétitionnaire a changé de dénomination sociale en devenant une société par actions simplifiée dont le siège social a été transféré de Montpellier à Grenoble. Il résulte de ces éléments, notamment de la réduction du nombre d'éoliennes, que les modifications apportées au projet, ainsi que l'a estimé l'inspection des installations classées le 9 août 2021, sont notables et nécessitent d'ajuster les prescriptions initiales, sans pour autant présenter un caractère substantiel. Par suite, le préfet a fait une exacte application des dispositions précitées en considérant qu'elles n'étaient pas substantielles. Il en résulte par voie de conséquence que ces modifications ne nécessitaient pas une nouvelle autorisation, instruite selon les modalités de la demande initiale, et donc qu'elles n'avaient à être précédées ni d'une enquête publique, ni d'une nouvelle consultation du public. Par suite, le moyen doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction et notamment de l'étude d'impact que le projet n'est soumis à aucune servitude aéronautique, excepté une zone d'exclusion grevant légèrement l'extrémité sud-est de la zone d'étude en lien avec la présence d'un faisceau hertzien de la gendarmerie nationale. La direction de la circulation aérienne militaire et la direction générale de l'aviation civile ont émis les 5 décembre et 7 août 2013 des avis favorables au projet de construction des sept éoliennes et du poste de livraison. Dans ces conditions, le préfet n'avait pas à recueillir de nouveaux avis ni de ces administrations, ni d'autres services qui auraient été rendus nécessaires compte tenu des modifications apportées au projet et rappelées au point qui précède. Par suite, le moyen doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 181-27 du code de l'environnement : " L'autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en œuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité. ". Selon l'article D. 181-15-2 du même code : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / I. Le dossier est complété des pièces et éléments suivants: (...) / 3° Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l'article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour les établir au plus tard à la mise en service de l'installation (...) ".

6. Les articles L. 181-27 et D. 181-15-2 du code de l'environnement modifient les règles de fond relatives aux capacités techniques et financières de l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement antérieurement définies à l'article L. 512-1 de ce code. Il en résulte qu'une autorisation d'exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si les conditions qu'elle pose ne sont pas remplies. Lorsque le juge se prononce sur la légalité de l'autorisation avant la mise en service de l'installation, il lui appartient, si la méconnaissance de ces règles de fond est soulevée, de vérifier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des articles L. 516-1 et L. 516-2 du même code.

7. Il résulte du porter à connaissance que la société exploitante a mis à jour ses références relatives aux changements de dénomination et de siège sociaux, en précisant être désormais détenue à 66 % par la société Gaz Electricité de Grenoble (GEG) Energies Nouvelles et renouvelables et à 34 % par la société Valeco, au lieu de 100 % dans le projet initial. Il ne résulte pas de l'instruction que les modalités de financement du projet soient modifiées. Par suite, le moyen tiré de l'erreur qu'aurait commise le préfet dans l'appréciation des capacités financières de la société doit être écarté.

8. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que l'article 2 de l'arrêté du 26 novembre 2018 a fixé les caractéristiques du modèle d'aérogénérateur, d'une puissance unitaire maximale de 2 MW, d'une hauteur maximale en bout de pâle de 182 m et de 125 mètres au moyeu. Dans le dossier de porter à connaissance, la société pétitionnaire a motivé ses propositions de modifications " au vu des évolutions technologiques dans la filière éolienne " intervenues depuis le dépôt des demandes d'autorisations et dans le but de réduire le linéaire de piste et l'impact du projet sur les boisements, les zones humides et les haies. Elle a également présenté la synthèse de l'actualisation des études d'impact relatives au paysage, au volet naturel, à l'acoustique, compte tenu des modifications apportées au projet initial. Dans ces conditions, le préfet a disposé d'éléments suffisants pour estimer que ce choix était comparable à celui initialement retenu. Compte tenu d'une puissance totale maximale équivalente et d'un nombre réduit d'appareils, cette autorité a pu légalement estimer que le modèle choisi qui restait dans les limites techniques et dimensionnelles de l'autorisation initiale ne nécessitait pas de nouvelles études autres qu'une actualisation.

9. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que la société exploitante a fait procéder à une mise à jour de l'étude acoustique par le bureau d'études Venathec en octobre 2020, prenant en compte, outre les normes réglementaires résultant de l'arrêté du 22 juin 2020, modifiant l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations éoliennes soumises à autorisation ICPE, l'implantation de cinq éoliennes au lieu de sept, leur emplacement et les deux variantes du modèle envisagé. Neuf points de mesure distincts représentant les habitations susceptibles d'être les plus exposées ont été mis en corrélation avec les mesures " longue durée " effectuées sur les autres points, afin de déterminer les niveaux de bruit résiduel les plus représentatifs. L'étude conclut à un faible risque de non-respect des limites règlementaires en période diurne et en périodes transitoires de fin de journée ou de fin de nuit, relatif à un fonctionnement sans restriction des machines. En période nocturne, le risque d'impact sonore sur le voisinage est qualifié de probable à très probable, en l'absence d'un plan de bridage sur certaines machines. Les niveaux de bruit calculés sur le périmètre de mesure ne révèlent aucun dépassement des seuils règlementaires. Il est préconisé après installation du parc, la réalisation de mesures acoustiques pour s'assurer de la conformité du site par rapport à la réglementation en vigueur. Dès lors que l'arrêté initial d'autorisation de l'exploitation imposait à l'exploitant à l'article 8.II des mesures de bridage et de surveillance acoustique ainsi qu'à l'article 9 une autosurveillance des niveaux sonores, par la réalisation de deux campagnes de mesures acoustiques en périodes estivale et hivernale pendant les dix-huit premiers mois de fonctionnement, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet aurait méconnu des impacts liés aux modifications apportées au projet.

10. En sixième lieu, il résulte de l'instruction qu'une étude paysagère réalisée en octobre 2020 a présenté l'évolution des impacts paysagers prenant en considération les modifications apportées au projet ayant fait l'objet d'une étude paysagère en 2015 et comparant de manière simultanée le projet initial et celui modifié. Alors que le projet initial prévoyait sept éoliennes, sur deux lignes axées nord-sud, le nouveau projet préserve cet alignement mais avec un large espace, du fait de la suppression des éoliennes E5 et E6, entre les deux aérogénérateurs situés le plus à l'est. Dix photomontages, dont six dans l'aire d'étude rapprochée, ont été ajoutés à l'étude initiale. Si à l'échelle des aires d'études éloignée et intermédiaire, les changements sont considérés comme limités, " les effets visuels du projet sont identiques à ceux identifiés précédemment " à l'échelle de l'aire d'étude rapprochée. La suppression de deux machines réduit la visibilité du nombre d'éoliennes dans le champ de vision et allège l'emprise du champ de vision par le projet. Le changement du projet atténue cet effet barrière. Par suite, la requérante ne produit aucun élément de nature à démontrer que cette étude paysagère aurait été faussée et partiale.

11. En septième lieu, si la requérante soutient par ailleurs que le parc sera visible depuis la vallée de la Gartempe, site naturel classé, il résulte de l'instruction et notamment des éléments non contredits de l'étude d'impact que les visibilités seront possibles uniquement en bordure de la vallée. Si l'association fait état de la proximité du projet avec le bâti du 18ème siècle situé au lieu-dit " la Gypsière " sur la commune de Lathus-Saint-Rémy, elle ne précise pas quelle incidence particulière le parc serait susceptible d'avoir sur ce lieu, distant de plus de quatre kilomètres.

12. En huitième lieu, il résulte des dispositions citées au point 2 des articles L. 181-14 et R. 181-46 que le pétitionnaire sollicitant la modification d'un projet pour lequel une autorisation environnementale a d'ores et déjà été délivrée est seulement tenu d'adresser au préfet l'ensemble des éléments permettant à ce dernier d'apprécier le caractère éventuellement substantiel ou notable de cette modification. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que l'étude relative au milieu naturel réalisée en 2015 pour l'instruction de l'autorisation initialement délivrée par le préfet le 26 novembre 2018 aurait dû faire l'objet d'une actualisation complète, en raison de son caractère obsolète, au demeurant non démontré. Il résulte de l'instruction et notamment de l'étude d'impact réalisée au mois d'octobre 2016 que, seule l'éolienne E2 sera implantée sur une prairie humide eutrophe, qui présente un enjeu modéré en termes d'habitat. Cet emplacement doit entraîner la destruction de 207 m² (zone d'implantation) et la dégradation temporaire de 2 432 m² (zone de travaux) de prairie humide eutrophe lesquelles font l'objet d'une mesure de compensation prescrite à l'article 6.II de l'arrêté préfectoral du 26 novembre 2018. L'emplacement des autres éoliennes et des voies d'accès a été déterminé en privilégiant les parcelles agricoles (cultures et prairies de fauche) et les chemins existants, dont l'importance écologique est plus faible.

13. Pour tenir compte de l'évolution des règles relatives à la qualification des zones humides introduite par la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019, la société Parc éolien des Gassouillis a diligenté une étude à partir de l'hydromorphie du sol, laquelle a été réalisée au mois de juin 2020 par le bureau d'études EGEH sur la base de 69 sondages à la tarière à main jusqu'à une profondeur d'1, 20 mètres. Des sols caractéristiques de zones humides ont été identifiés à proximité de l'éolienne E2 et le long de la piste existante à reprendre pour accéder aux éoliennes E1 à E3. La modification de l'emplacement de l'éolienne E2 conduit à impacter une surface de zone humide de 229 m². La piste d'accès aux éoliennes entrainera la destruction de 466 m² de zone humide. Ainsi qu'il ressort du point qui précède, l'arrêté portant autorisation d'exploiter prévoit qu'" avant l'engagement des travaux, l'exploitant transmet à l'Inspection des installations classées les dispositions finalement retenues pour compenser l'altération de la zone humide résultant des travaux de construction de l'éolienne E2. A ce titre, sont communiqués un état des lieux des réseaux de drainage et du milieu naturel sur les parcelles D 1036 et D 1039 et une description des travaux envisagés permettant de revaloriser l'habitat naturel hydraulique de ces parcelles ou toute proposition alternative de même efficacité " en sorte que la perte de la zone humide sera obligatoirement compensée. L'exploitant envisage à ce titre la restauration de milieux le long du " Ris Conedoux " afin de compenser entièrement la perte de cette zone humide. Par suite, pour ce motif, l'APPEL ne démontre pas en quoi le complément de l'étude sur le milieu naturel aurait dû être complété et aurait révélé des omissions ou des insuffisances de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

14. En neuvième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. (...) ". L'article L. 181-3 du même code dispose que l'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas.

15. Il résulte de l'instruction que l'évaluation des impacts cumulés du projet éolien en litige a été considérée comme non significative et négligeable sur les milieux naturels, la faune et la flore, notamment sur la perturbation éventuelle des déplacements des oiseaux locaux et migrateurs, ainsi que pour les chauves-souris. D'une part, la cour administrative d'appel, dans son arrêt n° 19BX01265 en date du 23 mars 2021, devenu définitif dès lors que le pourvoi formé contre cet arrêt n'a pas été admis par le Conseil d'Etat par une décision n° 460481 du 3 février 2023, a jugé que l'autorisation d'exploitation accordée le 26 novembre 2018 par le préfet de la Haute-Vienne ne méconnaissait pas les intérêts protégés aux articles L. 511-1 et L. 181-3 du code de l'environnement. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment du dossier de porter à connaissance que la suppression de deux ouvrages éoliens, notamment de l'éolienne E5, produit, s'agissant des chiroptères, des effets d'évitement positifs pour le bilan écologique du projet et qu'excepté pour l'éolienne E1, l'orientation modifiée des appareils permet de réduire de 21 % la surface d'éléments bocagés survolés. L'impact reste faible pour la faune volante pendant la phase d'exploitation du parc. S'agissant de l'avifaune, la suppression de deux aérogénérateurs, selon le modèle choisi, permettra de réduire de 25 à 28 % la surface aérienne survolée et d'accentuer les espaces de vols entre deux rangées d'éoliennes. Il ne résulte pas de l'instruction que ces mesures seraient insuffisantes pour assurer la protection de ces espèces. Ces modifications ne sont dès lors pas de nature, à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et ne présentent pas un caractère substantiel au sens des articles L. 181-14 et R. 181-46 du même code. Le projet modifié ne nécessitait ni une nouvelle autorisation environnementale précédée de nouvelles consultations ni une demande de délivrance de la dérogation mentionnée au 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que l'association de protection des paysages de l'environnement de Lathus n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté modificatif du préfet de la Haute-Vienne du 7 novembre 2021.

Sur les conclusions tendant au paiement d'une amende pour recours abusif :

17. L'exercice du pouvoir d'infliger une amende pour recours abusif constitue un pouvoir propre du juge. Les conclusions de la société Parc éolien des Gassouillis tendant à ce que le juge inflige une telle amende aux intervenants sont, dès lors, irrecevables.

Sur les frais liés à l'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que l'association de protection des paysages de l'environnement de Lathus demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'association de protection des paysages de l'environnement de Lathus une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Parc éolien des Gassouillis et non compris dans les dépens dans ces instances.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association de protection des paysages de l'environnement de Lathus est rejetée.

Article 2 : L'association de protection des paysages de l'environnement de Lathus versera à la société Parc éolien des Gassouillis une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de protection des paysages de l'environnement de Lathus, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Parc éolien des Gassouillis.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2024.

La rapporteure,

Bénédicte MartinLa présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01595


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01595
Date de la décision : 21/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : CABINET JEANTET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-21;22bx01595 ?
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