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07/05/2024 | FRANCE | N°23BX01828

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 07 mai 2024, 23BX01828


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la délibération du 3 février 2022 par laquelle le conseil municipal de la commune du Robert a approuvé la révision du plan local d'urbanisme, ensemble la décision du 10 juin 2022 par laquelle le maire de la commune a rejeté son recours gracieux.



Par un jugement n° 2200491 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.



Procéd

ure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 juillet 2023 et le 19 février ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la délibération du 3 février 2022 par laquelle le conseil municipal de la commune du Robert a approuvé la révision du plan local d'urbanisme, ensemble la décision du 10 juin 2022 par laquelle le maire de la commune a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 2200491 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 juillet 2023 et le 19 février 2024, M. B..., représenté par Me Burac, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique ;

2°) d'annuler la délibération du 3 février 2022 par laquelle le conseil municipal de la commune du Robert a approuvé la révision du plan local d'urbanisme, ensemble la décision du 10 juin 2022 par laquelle le maire de la commune a rejeté son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- la révision du plan local d'urbanisme de la commune du Robert a été approuvée au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le commissaire-enquêteur n'était pas présent lors des deux permanences qui se sont tenues dans les locaux de la mairie et qu'il n'a fait qu'une mention succincte dans le rapport d'enquête publique de son souhait de voir ses parcelles classées en zone constructible de sorte que rien ne permet de retenir que ses observations ont bien été prises en compte et que le commissaire enquêteur les a analysées ;

- le classement de ses parcelles en zone A est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et est incohérent avec le projet d'aménagement et de développement durable de la ville du Robert ; toutes les parcelles avoisinantes sont classées en zone constructible et supportent des projets pour lesquels des permis de construire ont été délivrés ; elles n'accueillent aucune activité agricole ; plusieurs terrains ont été classés en zone constructible alors qu'ils présentent un potentiel agricole ou un caractère naturel et, à l'inverse, le potentiel agricole de ses parcelles n'est pas démontré.

Par des mémoires en défense enregistrés le 18 janvier 2024 et le 15 mars 2024, la commune du Robert, représentée par Me Dumont, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kolia Gallier,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Dumont, représentant la commune du Robert.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 3 février 2022, le conseil municipal de la commune du Robert a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune. M. B..., propriétaire des parcelles cadastrées section W n° 608 et 609, a formé un recours gracieux contre cette délibération qui a été rejeté par une décision du 10 juin 2022. Il relève appel du jugement du 4 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 153-19 du code de l'urbanisme, applicable à la révision d'un plan local d'urbanisme en application de l'article L. 153-33 du même code : " Le projet de plan local d'urbanisme arrêté est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou le maire. " L'article R. 123-13 du code de l'environnement dispose : " I.- Pendant la durée de l'enquête, le public peut consigner ses observations et propositions sur le registre d'enquête, établi sur feuillets non mobiles, coté et paraphé par le commissaire enquêteur ou un membre de la commission d'enquête, tenu à sa disposition dans chaque lieu d'enquête ou sur le registre dématérialisé si celui-ci est mis en place. / En outre, les observations et propositions écrites et orales du public sont également reçues par le commissaire enquêteur ou par un membre de la commission d'enquête, aux lieux, jours et heures qui auront été fixés et annoncés dans les conditions prévues aux articles R. 123-9 à R. 123-11. / Les observations et propositions du public peuvent également être adressées par voie postale ou par courrier électronique au commissaire enquêteur ou au président de la commission d'enquête. (...) ".

3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une enquête publique n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Tel est notamment le cas s'il a eu pour effet de nuire à l'information et à la participation de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête.

4. Il ressort des pièces du dossier que le public a été en mesure de rencontrer le commissaire enquêteur lors des deux premières permanences organisées dans les locaux du service d'urbanisme de la commune du Robert. Si le renforcement des mesures de confinement pour lutter contre la propagation du covid 19 n'a pas permis de tenir la troisième permanence prévue, l'enquête publique devant se dérouler du 26 juillet au 26 août 2021 a été prolongée jusqu'au 31 août 2021 pour permettre au public d'adresser des observations écrites, par voie postale ou électronique, et de joindre le commissaire enquêteur par téléphone. Il ressort en outre des pièces du dossier que M. B... n'a pas été empêché de produire des observations. Par suite, si le commissaire enquêteur n'a pu recevoir le public lors de l'une des permanences organisées dans le cadre de l'enquête publique, un tel vice n'a pas eu pour effet de nuire à l'information et à la participation du public et n'a pas été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête.

5. Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. (...) ". Si ces dispositions n'imposent pas au commissaire-enquêteur de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.

6. Il ressort du rapport d'enquête publique qu'il mentionne les observations produites par M. B..., leur date, leur sens ainsi que l'étendue des parcelles dont l'intéressé est propriétaire. Si le requérant soutient que le commissaire enquêteur n'a pas procédé à une analyse de ses observations, il n'en produit aucune copie et n'établit pas qu'elles devraient être regardées comme une proposition au sens des dispositions précitées. En outre, le commissaire enquêteur, qui n'a pas l'obligation de répondre à chacune des observations, a évoqué la situation des propriétaires dont le terrain devient inconstructible et suffisamment expliqué les raisons déterminant l'avis favorable qu'il a émis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 123-19 du code de l'environnement doit être écarté.

7. Aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. "

8. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

9. A supposer que M. B... ait entendu soutenir que le classement en zone agricole des parcelles dont il est propriétaire est incohérent avec le projet d'aménagement et de développement durable de la commune, un tel moyen ne peut qu'être écarté dès lors, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, que le classement en zone agricole de son terrain s'inscrit dans l'objectif 1 de l'axe 3 du projet d'aménagement et de développement durable qui vise à " reconquérir les terres agricoles en permettant le développement agricole au sein de certaines zones devenues naturelles " et que la circonstance que d'autres parcelles auparavant classées en zone agricole seraient désormais classées en zone à urbaniser en méconnaissance de cet objectif est sans incidence sur la légalité du classement de son propre terrain.

10. Aux termes de l'article R. 151-17 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite, sur le ou les documents graphiques, les zones urbaines, les zones à urbaniser, les zones agricoles, les zones naturelles et forestières. / Il fixe les règles applicables à l'intérieur de chacune de ces zones dans les conditions prévues par la présente section. " L'article R. 151-22 du même code dispose : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. "

11. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

12. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles dont M. B... est propriétaire sont toutes deux entièrement naturelles, dépourvues de toute construction et qu'elles présentent un potentiel agronomique. Elles se situent au milieu d'une vaste zone naturelle, boisée et agricole au sein de laquelle se trouvent seulement quelques constructions éparses qui n'ont pas pour effet de conférer à ce secteur un caractère urbanisé. Si M. B... soutient que des parcelles voisines, déjà construites, ont été classées en zone U de même que d'autres terrains qui présenteraient un potentiel agricole ou un caractère naturel, de telles circonstances sont sans incidence sur la légalité du classement des parcelles litigieuses. Dans ces conditions, et eu égard au parti d'aménagement indiqué au point 9 ci-dessus consistant à " reconquérir les terres agricoles en permettant le développement agricole au sein de certaines zones devenues naturelles ", le requérant n'est pas fondé à soutenir que le classement de ses parcelles en zone A serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a refusé de faire droit à sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. M. B... n'ayant pas exposé de dépens pour la présente instance, les conclusions qu'il présente tendant à ce que ceux-ci soient mis à la charge de la commune du Robert sont sans objet et ne peuvent qu'être rejetées.

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la commune du Robert qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du requérant une somme de 1 500 euros à verser à la commune du Robert au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la commune du Robert la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune du Robert.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,

Mme Edwige Michaud, première conseillère,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.

La rapporteure,

Kolia GallierLa présidente,

Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23BX01828 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01828
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROUARD-LUCAS
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : DUMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;23bx01828 ?
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