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07/05/2024 | FRANCE | N°22BX00498

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 07 mai 2024, 22BX00498


Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.



Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.



Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Edwige Michaud,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- les observations de Me Gournay, représentant M. A..., et de Me Simon, représentant la commune de Lugos.





Considérant ce qui suit :



1. M.

A... a déposé le 29 novembre 2019, au nom de l'" indivision A... ", une déclaration préalable en vue d'une division parcellaire pour constru...

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Edwige Michaud,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- les observations de Me Gournay, représentant M. A..., et de Me Simon, représentant la commune de Lugos.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a déposé le 29 novembre 2019, au nom de l'" indivision A... ", une déclaration préalable en vue d'une division parcellaire pour construire sur les parcelles cadastrées section B n°1062, 1854, 1856, 1858, 1859, 1860, 1861, 989, 990, 992, 995 et 996. Par un arrêté du 20 décembre 2019, le maire de Lugos, au nom de la commune, a opposé un sursis à statuer sur le détachement du lot A d'une superficie de 3 257 m² incluant les seules parcelles cadastrées section B n°1854, 1856, 1858, 1859, 1860 et 1861. M. A... relève appel du jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée, dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. A... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision de contradiction de motifs, d'erreur d'appréciation et d'erreur de droit.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L.424-1 du code de l'urbanisme dans sa version applicable au litige : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus (...) aux articles L. 153-11 (...) du présent code (...). (...) Le sursis à statuer doit être motivé (...). ".

4. L'arrêté attaqué vise la demande de permis de construire déposée le 29 novembre 2019 par l'indivision A... pour une division en vue de construire sur les parcelles rappelées au point 1, les articles L. 153-11 et L. 424-1 du code de l'urbanisme, les délibérations des 16 juin 2015 et du 17 décembre 2015 portant respectivement prescription du plan local d'urbanisme (PLU) communal et du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) et la tenue des débats sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) du PLU communal et du PLU intercommunal, intervenus respectivement le 23 mai 2017 et le 23 mars 2017. Il explique les phases d'avancement du projet du PLUi-H sur le territoire du Val de l'Eyre, et notamment, le débat sur le PADD lors des séances du conseil communautaire des 23 mai 2017 et 20 décembre 2018 et précise les orientations principales du PADD à savoir la mise en valeur de la qualité paysagère de Lugos, notamment en confortant l'identité rurale, forestière et patrimoniale par la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, la maîtrise durable de l'urbanisation en priorisant l'urbanisation des enveloppes bâties existantes et des " dents creuses " au sein de l'enveloppe urbaine constituée et en luttant contre le mitage des espaces agricoles, forestiers et naturels, la nécessité de trouver un équilibre entre la densification, la préservation de la nature au sein des zones habitées et le maintien d'un cadre de vie de qualité. Puis, l'arrêté attaqué indique que le lot concerné par la demande de détachement incluant l'ensemble des parcelles citées au point 1 et d'une superficie de 3 257 m², classé en zone naturelle peu équipée du plan d'occupation des sols de la commune et en dehors des espaces bâtis et de l'enveloppe constructible, contrevient aux objectifs fixés dans les orientations d'aménagement générales des PADD (communal et intercommunal), que ce terrain actuellement situé en zone NB sera classé en zone N au PLUi-H arrêté et en conclut que ce projet serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution des futurs documents d'urbanisme (P.L.U communal et PLUi-H). Ces éléments étaient suffisants pour permettre à M. A... de comprendre les motifs fondant l'arrêté attaqué et de les contester utilement. Dans ce contexte, les circonstances que la décision attaquée ne mentionne pas les certificats d'urbanisme délivrés à M. A... les 22 juin 2018 et 5 avril 2019 sur les parcelles objets du projet et ne précisent pas la date à laquelle le maire s'est placé pour apprécier les conditions d'opposition du sursis ne sont pas de nature à faire regarder cet arrêté comme insuffisamment motivé.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 153-11 du même code : " (...). L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable. ". Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération (...) Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique (...) ".

6. D'une part, il résulte de ces dispositions que tout certificat d'urbanisme délivré sur le fondement de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme a pour effet de garantir à son titulaire un droit à voir toute demande d'autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d'urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat. Parmi ces règles figure la possibilité, lorsqu'est remplie, à la date de délivrance du certificat, la condition mentionnée à l'article L. 153-11 du même code, d'opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis concernant un projet qui serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan.

7. D'autre part, un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire que lorsque l'état d'avancement des travaux d'élaboration du nouveau plan local d'urbanisme permet de préciser la portée exacte des modifications projetées, sans qu'il soit cependant nécessaire que le projet ait déjà été rendu public. Il ne peut en outre être opposé qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur plan local d'urbanisme pourrait légalement prévoir, et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution.

8. Il est constant qu'un certificat d'urbanisme favorable établi sur le fondement du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, incluant les parcelles cadastrées section B n°1854, 1856, 1858, 1859, 1860 et 1861 concernées par la demande de division en vue de construire à laquelle un sursis à statuer a été opposé, a été délivré à l'indivision à laquelle appartient le requérant le 22 juin 2018. La demande de division en vue de construire en litige concernant ces parcelles ayant été présentée pendant le délai de validité de ce certificat d'urbanisme, c'est donc à la date du 22 juin 2018 qu'il convient d'apprécier si les plans locaux d'urbanisme communal et intercommunal avaient atteint un degré d'avancement suffisant.

9. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Lugos a décidé d'élaborer son plan local d'urbanisme par une délibération du 16 juin 2015 et le conseil communautaire de la communauté de communes du Val de l'Eyre a décidé d'élaborer un plan local d'urbanisme intercommunal valant programme de l'habitat (PLUi-H) par une délibération en date du 17 décembre 2015 et que les débats sur les orientations des PADD du PLU communal et du PLU intercommunal se sont tenus respectivement le 23 mai 2017 et le 23 mars 2017. Ainsi, à la date de délivrance du certificat d'urbanisme le 22 juin 2018, l'état d'avancement des projets de plans locaux d'urbanisme communal et intercommunal était suffisant pour apprécier si le projet était de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan.

10. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des débats du PADD du PLU communal en date du 23 mai 2017 que les orientations retenues à cette date incluaient la mise en valeur de la qualité paysagère de Lugos, notamment en confortant l'identité rurale, forestière et patrimoniale, la priorisation de l'urbanisation des enveloppes bâties existantes, notamment des " dents creuses " au sein de l'enveloppe urbaine constituée, la lutte contre les phénomènes d'étalement urbain le long des routes départementales depuis le bourg et de mitage des espaces agricoles, forestiers et naturels et la nécessité d'assurer une cohabitation entre les espaces agricoles et forestiers et les espaces résidentiels. D'ailleurs, ce document comprend une carte suffisamment précise des objectifs de l'orientation n°2 de laquelle il ressort que le secteur dans lequel s'insèrent les parcelles des consorts A... relève de l'objectif de lutte contre les phénomènes d'étalement urbain, tandis que les zones de densification de l'urbanisation identifiées concernent les parcelles plus proches du bourg. Ainsi, et contrairement à ce que soutient M. A..., cette carte n'inclut pas le terrain d'assiette du projet dans les zones à densifier. D'autre part, le projet du PADD intercommunal tel qu'issu du conseil communautaire du 23 mars 2017 comporte un principe n°3 tendant à préserver les espaces naturels en protégeant les grands espaces forestiers qui constituent le cadre paysager du territoire du Val de l'Eyre et en limitant la consommation de l'espace grâce à un développement urbain respectant les caractéristiques identitaires du Val de l'Eyre. Concernant ce dernier axe, ce document précise qu'il s'agit notamment de limiter et maîtriser le développement urbain au sein des quartiers isolés constitués autour des airiaux traditionnels, afin de préserver ces formes d'habitat traditionnel. Enfin, ce même document prévoit un objectif de maîtrise du développement urbain linéaire le long des axes d'entrée de ville et de la progression de l'urbanisation résidentielle sur la forêt en affirmant des limites urbaines franches. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles d'assiette du projet, situées à environ 1,4 km du centre du bourg, sont vierges de construction et boisées. Ces parcelles se situent dans une zone d'habitat dispersé, et si les parcelles situées immédiatement au nord et au sud comportent des constructions, celles-ci sont isolées, et le terrain d'assiette du projet s'ouvre au nord-ouest et au sud-est sur des vastes espaces naturels en partie boisés. Les circonstances alléguées par M. A... tirées de la desserte du terrain d'assiette du projet par les réseaux et de l'obtention le 2 mars 2023 d'une autorisation de défrichement sur des parcelles voisines sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, compte tenu des orientations précédemment décrites, dont le contenu n'a pas été remis en cause par les débats ultérieurs sur les PADD, le maire de Lugos a pu légalement estimer que le projet, qui consiste en une division parcellaire d'un terrain d'une surface conséquente de 3257 m² en vue de construire, en dehors des espaces bâtis et de l'enveloppe constructible, contribuerait à l'étalement urbain, était susceptible de compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution des futurs plans local d'urbanisme communal et intercommunal et opposer pour ce motifs un sursis à statuer sur la demande de déclaration préalable en litige. Enfin, le fait que l'arrêté mentionne également les seconds débats des PADD communal et intercommunal des 20 décembre 2018 et 4 février 2019, postérieurs au 23 juin 2018, n'est pas de nature à entacher cette décision d'illégalité dès lors qu'il résulte de l'instruction que le maire de la commune de Lugos aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur les débats qui se sont tenus en 2017.

11. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été au point 8 qu'un sursis à statuer ne peut être opposé à une déclaration préalable que lorsque l'état d'avancement des travaux d'élaboration du nouveau plan local d'urbanisme permet de préciser la portée exacte des modifications projetées, sans qu'il soit cependant nécessaire que le projet ait déjà été rendu public. Par suite, M. A... ne peut utilement soutenir que la commune de Lugos ne pouvait lui opposer un projet de plan local d'urbanisme qui n'avait pas été rendu public.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article L.442-14 du code de l'urbanisme : " Lorsque le lotissement a fait l'objet d'une déclaration préalable, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme nouvelles intervenues depuis la date de non-opposition à la déclaration préalable, et ce pendant cinq ans à compter de cette même date. (...).".

13. Dans la mesure où l'absence d'opposition à la déclaration préalable en vue d'une division parcellaire pour construire aurait fait obstacle, en application de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme précité, à ce qu'un permis de construire soit refusé sur le fondement de dispositions d'urbanisme nouvelles intervenues dans le délai de cinq ans suivant cette absence d'opposition, le maire de la commune de Lugos a pu légalement estimer que l'opération en litige était de nature compromettre l'exécution des futurs plans locaux d'urbanisme communal et intercommunal, alors même que le dossier de demande ne comportait pas de projet de construction.

14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 000 euros à verser à la commune de Lugos au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la commune de Lugos une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Lugos.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,

Mme Edwige Michaud, première conseillère,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.

La rapporteure,

Edwige MichaudLa présidente,

Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 22BX00498


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00498
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROUARD-LUCAS
Rapporteur ?: Mme Edwige MICHAUD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS SEBAN NOUVELLE AQUITAINE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;22bx00498 ?
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