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02/05/2024 | FRANCE | N°21BX04383

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 02 mai 2024, 21BX04383


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe à lui verser une indemnité

de 35 000 euros.



Par un jugement n° 2000270 du 30 septembre 2021, le tribunal a condamné la caisse à lui verser une indemnité de 200 euros et a rejeté le surplus de sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 30 n

ovembre 2021 et un mémoire enregistré

le 9 janvier 2023, M. C..., représenté par Me Catalan, demande à la cour :



1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe à lui verser une indemnité

de 35 000 euros.

Par un jugement n° 2000270 du 30 septembre 2021, le tribunal a condamné la caisse à lui verser une indemnité de 200 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 novembre 2021 et un mémoire enregistré

le 9 janvier 2023, M. C..., représenté par Me Catalan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe à lui verser une indemnité de 22 401 euros ;

3°) de mettre à la charge de la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la demande relative aux indemnités kilométriques :

- en se fondant sur l'existence d'une voie de recours devant le juge judiciaire pour rejeter comme irrecevable sa demande de versement d'une somme correspondant au montant des indemnités kilométriques dues, le tribunal a commis une erreur de droit, dès lors que les tarifs des frais et honoraires accessoires sont visés à l'article 9.1 de la convention nationale des infirmiers du 22 juin 2007, qui est un contrat administratif ;

- le tribunal administratif a méconnu le principe de plénitude de juridiction selon lequel chaque juridiction est compétente pour statuer sur l'ensemble de chacune des matières dont la connaissance lui est accordée ;

- en jugeant qu'il disposait d'une voie de recours devant la juridiction judiciaire, le tribunal l'a placé dans une situation d'insécurité juridique car le tribunal judiciaire ne s'estimera pas lié par l'annulation de la circulaire par le juge administratif ;

En ce qui concerne le refus d'exécuter le jugement n° 1700362 du 30 janvier 2018 :

- la poursuite jusqu'au 16 janvier 2020 du rejet des facturations incluant des indemnités kilométriques caractérise un refus d'exécuter le jugement du tribunal administratif

du 30 janvier 2018, et non un simple retard ; c'est ainsi à tort que le tribunal a seulement condamné la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe à lui verser une indemnité

de 200 euros ;

En ce qui concerne les préjudices :

- il justifie d'un préjudice financier de 30 000 euros au titre des indemnités kilométriques qu'il aurait été en droit de facturer de 2015 à 2019 en l'absence de la circulaire illégale ;

- alors que la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe a pris une circulaire illégale et qu'elle a refusé d'exécuter le jugement du 30 janvier 2018, ce qui a aggravé son préjudice matériel et organisationnel, il est fondé à demander une somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 27 mars 1972 relatif à la nomenclature générale des actes professionnels des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sage-femmes et des auxiliaires médicaux ;

- la décision du 11 mars 2005 de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie relative à la liste des actes et prestations pris en charge ou remboursés par l'assurance maladie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Cazcarra substituant Maître Catalan, représentant

M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 1700362 du 30 janvier 2018 dont il n'a pas été relevé appel, le tribunal administratif de la Guadeloupe, saisi par un collectif de défense des infirmiers libéraux de la Guadeloupe, a annulé la lettre circulaire du 8 octobre 2015 par laquelle le directeur général adjoint de la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe avait " rappelé ", par référence à des notes du 16 janvier 2015 et du 16 juillet 2015, que les indemnités kilométriques des infirmiers et des masseurs kinésithérapeutes libéraux n'étaient pas facturables dans l'archipel de la Guadeloupe et précisé que ces professionnels devaient présenter leurs factures sans indemnités kilométriques pour en obtenir le règlement, les factures incluant de telles indemnités étant rejetées depuis le 1er septembre 2015. Postérieurement à ce jugement, M. C..., infirmier libéral, a constaté la persistance du rejet de ses factures comportant des indemnités kilométriques, et par une réclamation du 15 novembre 2019 à la caisse générale de sécurité sociale, il a sollicité le versement d'une indemnité de 35 000 euros en réparation de ses préjudices financier et moral, qui lui a été refusée par lettre du 16 janvier 2020. Il a saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe d'une demande de condamnation de la caisse à lui verser cette somme. Par un jugement du 30 septembre 2021, le tribunal, constatant que la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe avait cessé d'appliquer la lettre circulaire

du 8 octobre 2015 et avait modifié le paramétrage de ses applications informatiques afin de permettre le paiement des indemnités kilométriques, l'a seulement condamnée à verser une somme de 200 euros à M. C... en réparation du préjudice moral que lui avait causé l'exécution tardive du jugement du 30 janvier 2018, et a rejeté pour irrecevabilité la demande relative aux indemnités kilométriques non remboursées depuis le 1er septembre 2015 au motif qu'elle se rapporte aux droits qu'un professionnel tient de l'application de la nomenclature générale des actes professionnels relevant du contentieux de la sécurité sociale, de sorte que l'existence d'une voie de recours devant la juridiction judiciaire fait obstacle à l'engagement d'une action ayant le même objet devant la juridiction administrative. M. C... relève appel de ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande.

Sur le préjudice financier :

2. En vertu des dispositions de l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, la prise en charge ou le remboursement par l'assurance maladie des actes ou prestations réalisés par un professionnel de santé sont subordonnés à leur inscription sur une liste établie par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM). Par une décision du 11 mars 2005 publiée au Journal officiel du 30 mars 2005, l'UNCAM a distingué dans cette liste, d'une part, la classification commune des actes médicaux qui regroupent les actes techniques réalisés par les médecins, et d'autre part, les actes qui continuent à relever des dispositions de l'arrêté

du 27 mars 1972 relatif à la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP)

des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sage-femmes et des auxiliaires médicaux.

L'article 13 de la NGAP prévoit que lorsqu'un acte doit être effectué au domicile du malade, " les frais de déplacement du professionnel de santé sont remboursés, en sus de la valeur de l'acte ; ce remboursement est, selon le cas, forfaitaire ou calculé en fonction de la distance parcourue et de la perte de temps subie par le professionnel de santé ". Aux termes de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale : " Le contentieux de la sécurité sociale comprend les litiges relatifs : / 1° A l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole ; / (...). " aux termes de l'article L. 142-8 du même code : " Le juge judiciaire

connaît des contestations relatives : / 1° Au contentieux de la sécurité sociale défini

à l'article L. 142-1 ; / (...). "

3. Si l'action en responsabilité engagée par un professionnel de santé contre un organisme gestionnaire d'un régime de sécurité sociale, au motif que les droits qu'il tient de ce régime auraient été méconnus, ne relève pas, par nature et quel qu'en soit le fondement, d'un contentieux autre que celui de la sécurité sociale, et relève donc des juridictions judiciaires en application des articles L. 142-1 et suivants du code de la sécurité sociale, l'action en responsabilité portant, non sur les droits que ce professionnel tient de ce régime, mais sur la faute commise par une personne publique ou une personne privée chargée d'une mission de service public dans l'exercice de son pouvoir réglementaire, relève par nature de la juridiction administrative.

4. Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe n° 1700362 du

30 janvier 2018 a annulé la lettre circulaire du 8 octobre 2015 au motif que la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe ne tenait d'aucun texte le pouvoir de modifier les règles de remboursement des indemnités kilométriques fixées par la NGAP. Le préjudice financier dont se prévaut M. C... est relatif aux indemnités kilométriques qu'il n'a pas pu percevoir du fait de l'application de cette lettre circulaire, que la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe a continué à appliquer jusqu'à une note de service du 16 janvier 2020 par laquelle son directeur général a demandé le traitement immédiat des factures conformément aux dispositions de l'article 13 de la NGAP, après un reparamétrage informatique réalisé

le 10 janvier 2020. Comme l'a jugé le tribunal, ce préjudice est relatif aux droits qu'un professionnel tient de l'application de la NGAP et ne relève pas, par nature, d'un contentieux autre que celui de la sécurité sociale, de sorte que le règlement du litige relève du juge judiciaire en application des dispositions des articles L. 142-1 et L. 142-8 du code de la sécurité sociale. Ni la circonstance que le préjudice financier invoqué résulte de l'application d'un acte administratif illégal, ni le caractère de contrat administratif de la convention nationale conclue le 22 juin 2007 entre l'UNCAM et les syndicats d'infirmiers libéraux faisant référence, au point 1 de son

annexe IX, aux tarifs des honoraires et frais accessoires, n'ont d'incidence sur cette compétence du juge judiciaire. Par suite, l'exception de recours parallèle opposée par les premiers juges

ne méconnaît ni la compétence du juge administratif, ni le principe de sécurité juridique.

Sur le préjudice moral :

5. Il résulte de l'instruction que le rejet illégal par la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe des factures comportant des indemnités kilométriques a empêché

M. C... de faire valoir ses droits à de telles indemnités entre le 1er septembre 2015, date à partir de laquelle les facturations non admises par la caisse ont été systématiquement rejetées, et le 16 janvier 2020, date de la note de service demandant le traitement immédiat des factures conformément aux dispositions de l'article 13 de la NGAP, soit durant quatre ans et quatre mois, incluant un retard de près de deux ans dans l'exécution du jugement n° 1700362 du

30 janvier 2018 qui avait annulé la lettre circulaire du 8 octobre 2015. En l'absence de précision relative aux troubles dans les conditions d'existence qui en seraient résultés, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral de M. C... en portant son indemnisation

de 200 euros à 1 000 euros.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. C... à l'occasion du présent litige. La caisse, qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité que la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe a été condamnée à verser à M. C... est portée de 200 euros à 1 000 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe n° 2000270

du 30 septembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe versera à M. C... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mai 2024.

La rapporteure,

Anne B...

La présidente,

Catherine GiraultLe greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX04383


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04383
Date de la décision : 02/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : CATALAN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-02;21bx04383 ?
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