Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler
la décision du 21 février 2020 par laquelle le président de la chambre de commerce
et d'industrie (CCI) de la région Nouvelle-Aquitaine a prononcé sa révocation.
Par un jugement n° 2002098 du 22 septembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 novembre 2021
et 13 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Dufeu, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux
du 22 septembre 2021 ;
2°) d'annuler la décision du président de la CCI de Nouvelle-Aquitaine
du 21 février 2020 ;
3°) d'enjoindre à la CCI de la région Nouvelle-Aquitaine de la réintégrer immédiatement dans son emploi antérieur et de procéder à la reconstitution de sa carrière ;
4°) de mettre à la charge de la CCI de la région Nouvelle-Aquitaine la somme
de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que le refus de l'autoriser à présenter des observations lors de la commission paritaire régionale (CPR) méconnaissait les droits de la défense ;
- la décision est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle n'est qu'un copier-coller de la lettre du 8 janvier 2020 envoyée précédemment, que son contenu est stéréotypé et vague, qu'elle ne cite aucune des règles de courtoisie et de professionnalisme qu'elle évoque, qu'elle n'apporte aucun élément pour démontrer que les tweets lui étaient imputables, ni ne décrit la procédure interne à la CCI concernant les titulaires d'un droit d'accès, ni ne cite aucun des articles de la charte informatique qui, selon la CCI, aurait été méconnue ;
- les droits de la défense ont été méconnus alors qu'elle n'a pas été en mesure de se rendre à l'entretien préalable et à la séance de la CPR avec ses deux défenseurs, ce qui méconnaît l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'article 7 de la convention n° 158 de l'organisation internationale du travail et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; si le statut du personnel ne prévoit pas le droit d'être entendu devant la CPR, celui-ci doit lui être reconnu en vertu du droit communautaire et européen, et la possibilité qui lui a été accordée de présenter des observations sous huitaine avant la tenue de la CPR ne permet pas de compenser cette absence d'audition ; l'avis de la CPR ne lui a pas été communiqué, alors qu'il est communiqué à l'autorité de sanction ; elle doit pouvoir y avoir accès en vertu du principe de transparence et des articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle n'a pu accéder à l'ensemble des pièces composant son dossier administratif et la CCI n'est pas en mesure de prouver quelles pièces ont effectivement été portées à sa connaissance ; il lui a été refusé le droit d'en faire des copies avant la tenue de l'entretien préalable, comme le démontre le courriel du 16 janvier 2020 qui lui accorde enfin ce droit ; le dossier n'était pas complet, puisqu'il manquait le rapport disciplinaire, le rapport d'enquête, certaines de ses évaluations professionnelles (années 2010, 2012, 2015 et 2018) et l'échange de courriels du 11 décembre 2019 ; l'attestation de l'ancienne responsable des ressources humaines confirme l'atteinte portée à ses droits ; la CCI ne démontre pas que les membres de la CPR auraient disposé d'un dossier complet, comprenant notamment les éléments qui lui étaient favorables, ainsi que ses absences pour maladie qui démontraient que l'envoi des messages litigieux ne lui était pas imputable ;
- le principe d'impartialité a été méconnu, faute d'avoir pu être entendue par un élu membre du personnel en plus de l'audition par le président élu ; l'audition par ce dernier ne présente pas toutes les garanties, et ne permet pas notamment de s'assurer que les propos échangés seront rapportés à tous les membres de la CPR ; en l'absence de compte-rendu des débats, il ne peut être vérifié le respect de l'impartialité devant la CPR ; le fait que la directrice des ressources humaines ait été présente, alors qu'elle est l'auteur de la convocation à l'entretien préalable et de la lettre du 8 janvier 2020, méconnaît le principe d'impartialité ;
- les faits reprochés ne sont pas établis ; la CCI n'apporte aucun élément au soutien du grief tiré de l'absence de tenue à jour du compte twitter, notamment sur les instructions qui auraient été données en ce sens ou les moyens suffisants pour le faire ; au demeurant, ce grief caractériserait davantage une insuffisance professionnelle ; aucun manquement au devoir d'obéissance ne peut lui être reproché, d'autant que la CCI a laissé perdurer pendant deux ans les faits sans lui demander de cesser les publications litigieuses, et alors que le contenu du compte Twitter faisait partie d'une stratégie validée par la direction générale, notamment pour se rendre audible dans un contexte de contestation des " gilets jaunes ", comme le démontre l'attestation de l'ancienne directrice générale ; la CCI et sa hiérarchie immédiate ne pouvaient ignorer ses publications, puisqu'elles étaient abonnées et qu'elle a retweeté certains messages de la CCI ; aucune règle n'avait été définie pour l'accès aux réseaux sociaux, la charte d'utilisation des systèmes d'information étant muette sur ce point et ne prévoyant pas de sanction ; la CCI n'apporte aucune précision sur la répartition des gestionnaires de la page, les données de connexion par poste, les conditions de contrôle par la hiérarchie ou le caractère confidentiel du compte attribué à chaque utilisateur ; le fait que certains tweets aient été émis alors qu'elle était absente pour maladie démontre qu'elle n'était pas la seule à alimenter le fil ; le tribunal ne pouvait se fonder sur une méconnaissance du devoir d'obéissance alors que la CCI ne s'est pas placée sur ce terrain, que ce soit dans la décision de révocation ou dans son mémoire en défense ; les publications qui lui sont reprochées ne sont pas virulentes, ne sont pas plus excessives que les messages diffusés par les CCI pour dénoncer la réforme des organismes consulaires et ne contiennent aucune attaque envers son employeur ; elle n'a fait qu'exécuter une stratégie de communication, validée par la direction avant l'arrivée du nouveau directeur ; la CCI n'établit pas ne pas en avoir eu connaissance avant le 5 décembre 2019 alors que certains étaient publics
depuis 2017, ni que le compte n'aurait pas été accessible à des tiers ; ni outranciers, ni injurieux, les tweets s'inscrivaient dans un contexte lié à la crise des gilets jaunes et de l'opposition à la réforme des organismes consulaires ; la CCI ne peut se prévaloir d'une atteinte à son image alors que le contenu du compte est toujours accessible ;
- la sanction de révocation est disproportionnée au vu de ses bons états de service et de l'absence de reproche sur sa manière de servir ; c'est à tort qu'ont été regardées comme inopérantes les carences de ses supérieurs hiérarchiques, le contexte social ou l'opposition à une réforme affectant le réseau consulaire ;
- la décision est entachée de détournement de pouvoir ; les éléments produits sont suffisants pour laisser présumer une atteinte au principe de non-discrimination au regard
de l'âge et du handicap ; elle a été privée de moyens à l'arrivée de la nouvelle direction et celle-ci recourt à des sociétés privées pour réaliser des tâches de communication qui auraient pu lui être confiées ; elle a également appris le 3 décembre 2019 lors d'une réunion qu'une partie de son travail serait confiée à un autre service, ce qui a pour effet de l'empêcher d'atteindre ses objectifs ; ses propositions de nouvelles prestations ont été refusées ; les questions qu'elle a posées lors de la réunion du 3 décembre 2019 notamment sur la stratégie mise en place ont agacé la direction, quelques jours avant que soit lancée la procédure disciplinaire ; la sanction est en réalité motivée par des motifs d'animosité personnelle, de restrictions budgétaires, d'âge et d'état de santé fragile.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 23 novembre 2022 et 27 janvier 2023, la CCI de Nouvelle-Aquitaine, représentée par le cabinet HMS atlantique avocats, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme A... la somme
de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la décision est suffisamment motivée, dès lors qu'elle énonce les faits qui sont reprochés à Mme A... et les raisons pour lesquelles la sanction de révocation est justifiée ;
- les droits de la défense n'ont pas été méconnus ; si l'agent peut se faire assister de tout défenseur de son choix, il ne peut exiger la présence de deux défenseurs lors de l'entretien préalable qui, au demeurant, n'est pas une obligation ; c'est la raison pour laquelle il a été demandé à Mme A... de choisir ; la procédure disciplinaire prévue par le statut du personnel administratif des CCI ne méconnaît pas les principes généraux des droits de la défense ; l'allégation selon laquelle l'intéressée aurait été privée de la possibilité de formuler des observations lors de la séance de la commission paritaire régionale (CPR) est inopérante, aucune disposition ni aucun principe n'imposant une telle audition ; Mme A... a été mise en mesure de présenter ses observations orales ou écrites avant la tenue de cette séance, en disposant de tous les éléments d'information, son dossier administratif lui ayant été communiqué les 6 et 20 janvier 2020 ; en l'absence de dispositions prévoyant une telle obligation, l'absence de communication de l'avis de la CPR est sans incidence sur la régularité de la procédure ;
- Mme A... n'établit pas que son dossier administratif, dont elle a pu prendre connaissance, aurait été incomplet ; alors même qu'aucune disposition du statut du personnel ne le prévoyait, il a été accepté qu'elle prenne copie de son dossier le 31 décembre 2019, soit une semaine avant la tenue de l'entretien préalable ; elle a pu également y procéder
le 20 janvier suivant ; l'attestation produite au soutien de ses allégations, émanant de l'ancienne responsable des ressources humaines qui a été en arrêt maladie durant deux ans et demi, n'est pas probante ; le statut du personnel administratif des CCI ne prévoit pas que le rapport transmis à la CPR soit communiqué à l'agent et, en tout état de cause, celui-ci était similaire au courrier qui lui a été adressé le 8 janvier 2020 ; l'intéressée n'a pas sollicité d'entrevue avec le président de la CPR comme le permet l'article 37 du statut ;
- la procédure suivie n'a pas méconnu le principe d'impartialité ; dès lors que la CPR n'est qu'un organe consulté dans le cadre de la procédure de sanction et non une juridiction, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant, et le principe d'impartialité n'a pas été méconnu du seul fait de la participation du président de la CPR à la commission ;
- les faits sont matériellement établis ; l'absence de tenue à jour du compte Twitter est établie par la multitude de tweets polémiques ; Mme A... a manqué à son devoir d'obéissance en s'érigeant en acteur de la résistance opposée par la CCI de
Lot-et-Garonne aux décisions et orientations de l'Etat, en oubliant son devoir de réserve et de loyauté et en méconnaissant la charte d'utilisation des systèmes d'information qu'elle a pourtant signée le 13 mars 2009 ; elle a reconnu elle-même être administratrice des comptes et elle était la seule à disposer des identifiants et mots de passe, qu'elle a refusé de communiquer après sa révocation, empêchant ainsi la CCI de supprimer ces tweets ; l'attestation qu'elle produit et qui émane de l'ancienne directrice générale qui est en conflit avec son employeur ne peut se voir reconnaître une force probante ; le fait qu'elle ait été en arrêt maladie lorsque certains tweets ont été émis ne saurait l'exonérer, dès lors qu'elle disposait des outils informatiques pour se connecter à distance ; le fait que la CCI ait été abonnée du compte Twitter ne démontre pas qu'elle était informée des tweets litigieux ; le contenu des messages postés illustre une méconnaissance flagrante du devoir de réserve, sans que l'absence d'attaque contre son employeur n'ait d'incidence, car il est de nature à nuire à l'image, à la réputation et à la notoriété de la CCI de Lot-et-Garonne ; elle ne peut s'exonérer en invoquant le comportement de ses supérieurs hiérarchiques afin de s'opposer aux décisions et orientations de l'Etat à l'égard du réseau consulaire ;
- la sanction n'est pas disproportionnée eu égard aux manquements et à la longue période pendant laquelle ils ont été commis ; l'intéressée ne peut utilement se prévaloir des carences de ses supérieurs ;
- le moyen tiré du détournement de pouvoir ne peut qu'être écarté ; compte tenu de la gravité des manquements, la circonstance qu'elle ait été reconnue travailleur handicapé et à un an et demi de la retraite est sans incidence ; la décision est étrangère à toute volonté de discrimination.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale du travail n° 158 ;
- le code de commerce ;
- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;
- l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Cotte,
- les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Cazcara, représentant la CCI de Nouvelle-Aquitaine.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été recrutée comme agent contractuel de droit public par la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Lot-et-Garonne le 16 février 2009. Ce contrat, à l'origine à durée déterminée, a été remplacé par un contrat à durée indéterminée avec effet au 1er janvier 2010. Le 1er janvier 2011, Mme A... a été nommée responsable de la mission " technologies de l'information et de la communication " (TIC) et a été chargée
de la communication digitale, ce qui l'a amenée à créer un compte dénommé " Mission numérique 47 " sur le réseau social Twitter. A la suite de l'entrée en vigueur de la
loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 portant réforme du réseau consulaire, la CCI d'Aquitaine est devenue son employeur à compter du 1er janvier 2013 et l'a mise à disposition de sa CCI d'origine. Après la découverte, le 5 décembre 2019, de messages inappropriés sur le compte Twitter, Mme A... a été suspendue de ses fonctions à compter du 17 décembre 2019 et une procédure disciplinaire a été engagée à son encontre. Après avoir recueilli l'avis favorable
de la commission paritaire régionale le 5 février 2020, le président de la CCI de
Nouvelle-Aquitaine a prononcé sa révocation par une décision du 21 février 2020. Par un jugement du 22 septembre 2021 dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cette sanction.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. A l'appui de sa demande, Mme A... soutenait notamment que la CCI ne lui avait pas permis de présenter des observations devant la commission paritaire régionale, alors que le dossier administratif qui a été transmis à cette instance n'était pas complet et qu'elle n'a pas été informée du résultat des investigations complémentaires annoncées dans le courrier du 16 décembre 2019 prononçant sa suspension avec effet immédiat. Selon elle, les droits de la défense étaient ainsi méconnus. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur cette branche du moyen, qui n'était pas inopérante. Par suite, son jugement doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Bordeaux.
Sur la légalité de la sanction :
4. Aux termes de l'article 36 du statut du personnel des chambres de commerce et d'industrie annexé à l'arrêté du 25 juillet 1997 : " Les mesures disciplinaires applicables aux agents titulaires sont : (...) 5° La révocation. / Dans toute la mesure du possible, un principe de progressivité est appliqué. ". Aux termes de l'article 37 de ce statut : " Les sanctions prévues à l'article 36-2°, 3° et 5° sont prononcées par le Président de la Compagnie Consulaire ou son délégataire. Toutefois, l'exclusion temporaire sans rémunération supérieure à quinze jours et la révocation doivent être prononcées après consultation de la Commission Paritaire Locale. / (...) / Avant toute sanction prévue à l'article 36-2°, 3°, 4° et 5°, l'agent doit pouvoir prendre connaissance de son dossier, être informé des faits qui lui sont reprochés et pouvoir présenter sa défense devant le Président de la Commission Paritaire Locale. Il peut se faire assister de tout défenseur de son choix. / Toute sanction doit être motivée et notifiée à l'agent par écrit (...) ".
5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
6. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours de la période du 3 février 2017
au 5 décembre 2018, et surtout à compter du mois de mai 2018, de nombreux messages au contenu polémique, comportant des opinions personnelles ou politiques, ont été publiés sur le compte " mission numérique 47 " que Mme A... avait la responsabilité d'animer. Si l'intéressée soutient qu'il n'est pas établi qu'elle ait été la seule à pouvoir publier sur le réseau social et que plusieurs messages ont été publiés alors qu'elle était absente pour cause de maladie, aucune pièce du dossier ne permet d'établir qu'une autre personne que l'animatrice du compte aurait pu y avoir accès, et il n'est pas contesté qu'elle disposait du matériel professionnel nécessaire pour pouvoir se connecter à distance. Au demeurant, à l'exception de deux messages datés des 20 juin 2017 et 24 mai 2018, toutes les autres publications sont intervenues en dehors de ses arrêts pour maladie. Mme A... n'apporte aucun élément probant au soutien de son allégation selon laquelle ces publications résultaient d'une stratégie de la direction de l'ancienne CCI de Lot-et-Garonne tendant à renforcer sa visibilité sur les réseaux sociaux. Alors que la plupart des messages sont sans lien avec les missions de la CCI, elle ne peut se prévaloir ni du contexte de contestation sociale, ni de la mobilisation à l'encontre de la réforme du réseau consulaire pour justifier leur diffusion. Elle ne peut davantage s'exonérer de sa responsabilité en invoquant la carence de ses supérieurs hiérarchiques qui ne lui ont fait aucune remarque, alors que la circonstance que la CCI était abonnée au réseau social n'impliquait pas nécessairement qu'ils aient pris connaissance de ces messages. Dans ces conditions, les faits qui sont reprochés à Mme A... sont matériellement établis et de nature à justifier une sanction, sans qu'elle puisse invoquer ni une définition stricte du " réseau " mentionné dans la charte d'utilisation des systèmes d'information
de 2009, laquelle s'appliquait aux " autres moyens de communication " incluant nécessairement les réseaux sociaux, ni l'absence d'indication dans cette charte qu'un manquement pourrait exposer les contrevenants aux recommandations de prudence pour préserver l'image de l'institution à des sanctions disciplinaires.
7. Si la matérialité de ces faits est établie, l'autre manquement invoqué dans la décision, tiré de l'absence de mise à jour du site, n'est pas étayé par les pièces du dossier. Eu égard au fait que les évaluations de Mme A... ont toujours été positives avant la découverte de ces messages et que l'intéressée n'avait jamais fait l'objet d'une sanction disciplinaire auparavant, et à la circonstance que la publication des messages litigieux avait cessé en décembre 2018, soit un an avant leur découverte, le président de la CCI de
Nouvelle-Aquitaine a fait une inexacte application des dispositions précitées en infligeant à l'intéressée la sanction de révocation, qui est la sanction la plus lourde prévue par les dispositions du statut du personnel des chambres de commerce et d'industrie.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à demander l'annulation de la décision
de révocation du 21 février 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. L'annulation par le présent arrêt de la décision de révocation implique seulement que la situation de Mme A..., désormais admise à la retraite, soit réexaminée. Il y a lieu d'enjoindre à la CCI de Nouvelle-Aquitaine d'y procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la CCI de Nouvelle-Aquitaine demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la CCI de Nouvelle-Aquitaine la somme de 1 500 euros à verser
à Mme A... au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 22 septembre 2021 est annulé.
Article 2 : La décision du président de la CCI de Nouvelle-Aquitaine du 21 février 2020 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint à la CCI de Nouvelle-Aquitaine de réexaminer la situation
de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : La CCI de Nouvelle-Aquitaine versera à Mme A... la somme de 1 500 euros
sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par la CCI de Nouvelle-Aquitaine sur le fondement
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Aquitaine.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 mai 2024.
Le rapporteur,
Olivier Cotte
La présidente,
Catherine Girault
Le greffier,
Fabrice Benoit
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21BX04274