Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 27 mars 2023 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse.
Par un jugement n° 2302746 du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 novembre 2023, et un mémoire complémentaire enregistré le 6 mars 2024, M. A... B..., représenté par Me Mindren, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 octobre 2023 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler la décision du 27 mars 2023 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, d'autoriser le regroupement familial, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- le jugement ne comporte ni la signature du rapporteur, ni celle du président ;
S'agissant du bien-fondé du jugement :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet a commis une erreur de droit et fait une inexacte appréciation de sa situation en refusant de faire droit à la demande de regroupement au motif de l'insuffisance de ses ressources ;
- il a perçu 5 096,87 euros pour la période d'avril à juin 2023, soit 1 698,85 euros mensuels ; ses revenus évoluent favorablement dès lors qu'il a perçu la somme de 1 645,78 euros mensuels (4 937,34 euros en tout) pour la période de juillet à septembre 2023, à titre de salaires et de ressources issues de son activité exercée de manière indépendante ; il a perçu un revenu moyen de 1 343 euros nets (16 125,88 euros pour les 12 mois) pour la période d'octobre 2022 à septembre 2023, de 1 518,86 euros nets pour la période d'avril à septembre 2023 et de 1 515, 31 euros de juillet à décembre 2023 ;
- à supposer qu'il ne remplisse pas la condition de ressources, le préfet aurait dû tenir compte des circonstances particulières de l'espèce relative à l'augmentation de ses ressources, des charges peu importantes, de son statut de réfugié et de la qualification professionnelle de son épouse ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- il satisfait la condition relative au logement ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégée par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet ne s'est pas livré à un examen particulier de sa situation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il entend reprendre l'intégralité des conclusions et moyens présentés en première instance, à l'exception du moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 561-2 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 février 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 31 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mars 2024 à 12 h00.
M. A... B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Bénédicte Martin.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant afghan né le 26 novembre 1994, est entré en France le 12 avril 2019 et dispose d'une carte de résident en qualité de réfugié valable jusqu'au 13 décembre 2030. Le 4 octobre 2022, il a déposé auprès de la délégation territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) une demande de regroupement familial pour son épouse, qui réside en Afghanistan, qui a été rejetée par décision du 27 mars 2023 du préfet de la Gironde. M. A... B... relève appel du jugement du 13 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 mars 2023.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R.741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".
3. Il ressort de la minute du jugement attaqué qu'il a été signé par le président de la formation de jugement, l'assesseure et la greffière. Par suite, le moyen tiré du défaut de signature du jugement manque en fait.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...). " et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". La décision est motivée en fait et en droit avec une précision suffisante au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et des termes mêmes de la décision contestée que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle du requérant, et en particulier des pièces qu'il a produites pour justifier de ses ressources. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen doit être écarté.
6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Gironde se serait senti lié par la circonstance, d'ailleurs fondée, que M. A... B... ne remplirait pas les conditions de ressources, pour lui refuser le regroupement familial, alors qu'il a, notamment, indiqué les raisons pour lesquelles il estimait que sa décision de refus ne méconnaissait pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen, à supposer soulevé, doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial :/ 1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans ; (...) " et aux termes de l'article L. 437-7 du même code : " L'étranger qui en fait la demande est autorisé à être rejoint au titre du regroupement familial s'il remplit les conditions suivantes :/1° Il justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille ;/2° Il dispose ou disposera à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ;/ 3° Il se conforme aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. ". L'article L. 434-8 du même code dispose que pour l'appréciation les ressources mentionnées au 1° de l'article L. 434-7, toutes les ressources du demandeur et de son conjoint sont prises en compte, indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant, fixé par décret en Conseil d'Etat, qui tient compte de la taille de la famille du demandeur et doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. Enfin, l'article R. 434-4 du même code ajoute que les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période.
8. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période, même si, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible, pour le préfet, de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande.
9. Pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par M. A... B..., le préfet de la Gironde s'est fondé sur la circonstance que ses ressources n'étaient pas suffisantes, la condition devant être appréciée sur la période de référence de douze mois précédant le dépôt de la demande, soit du 4 octobre 2021 au 4 octobre 2022. En application du décret du 17 décembre 2020 portant relèvement du salaire minimum de croissance, le montant mensuel brut de ce salaire était de 1 554,58 euros pour l'année 2021. Ce montant a été porté à 1 603, 12 euros pour l'année 2022 par décret du 22 décembre 2021.
10. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le revenu perçu par M. A... B... s'est élevé, en moyenne, à 948, 60 euros mensuels sur la période des douze mois qui ont précédé la demande de regroupement familial qu'il a déposée le 4 octobre 2022 d'après les indications figurant sur le formulaire soumis à l'administration, l'intéressé ne justifiant, en particulier, d'aucun revenu entre les mois d'octobre et décembre 2021. Si l'appelant fait valoir que ses revenus ont considérablement progressé à compter du mois d'avril 2023, une telle circonstance est postérieure à la date de la décision attaquée. D'autre part, si M. A... B... se prévaut d'une évolution favorable de ses ressources à compter du mois d'octobre 2022 jusqu'à la décision attaquée du 27 mars 2023, puis à compter du mois d'avril 2023, cette évolution favorable de ressources a débuté à une période trop éloignée de la demande de regroupement familial du 4 octobre 2022 pour qu'elle puisse être prise en compte. Par suite, le préfet de la Gironde n'a méconnu ni les dispositions précitées, ni commis d'erreur d'appréciation, en estimant que les ressources du demandeur n'étaient pas suffisantes, nonobstant la circonstance que celui-ci satisfait aux conditions de logement posées par ces mêmes dispositions.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
12. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions légalement requises. Il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les dispositions précitées, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit du demandeur de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. M. A... B... se prévaut de son mariage avec Mme C.... Il ressort cependant des pièces du dossier qu'à la date de la décision en litige, M. et Mme A... B... n'étaient mariés que depuis neuf mois. Ils ne produisent aucun document de nature à établir qu'ils partageaient avant leur union une communauté de vie. Par suite, dès lors qu'il n'est pas démontré par le requérant que leur séparation présenterait un caractère durable et compte tenu de la possibilité dont il dispose de présenter une nouvelle demande de regroupement familial, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. A... B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Bénédicte Martin, présidente,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2024.
Le premier conseiller,
Michaël Kauffmann La présidente,
Bénédicte MartinLe greffier,
Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX02770