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18/04/2024 | FRANCE | N°23BX02705

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 18 avril 2024, 23BX02705


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 23 mai 2023 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné en l'absence de départ volontaire.



Par un jugement n° 2301638 du 5 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du t

ribunal administratif de Poitiers a renvoyé les conclusions de M. A... dirigées contre la décision du 23 ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 23 mai 2023 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné en l'absence de départ volontaire.

Par un jugement n° 2301638 du 5 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Poitiers a renvoyé les conclusions de M. A... dirigées contre la décision du 23 mai 2023 par laquelle le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ainsi que les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte qui s'y rattachent à une formation collégiale de ce tribunal et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Breillat, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du 5 octobre 2023 du tribunal administratif de Poitiers ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne en date du 23 mai 2023 portant obligation de quitter le territoire avec délai de départ volontaire et fixant le Cameroun comme pays de renvoi ;

4°) À titre principal, d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard jusqu'à ce que l'autorité administrative ait statué sur sa situation administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision a été prise en méconnaissance de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il justifie contribuer à l'entretien et l'éducation de son fils ; le préfet ne peut lui opposer la menace à l'ordre public qui n'est au demeurant pas établie ;

- cette décision a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en le séparant de son enfant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en imposant l'éloignement avec son enfant ;

En ce qui concerne la contrainte de se présenter au commissariat et de résidence :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen ;

La clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2024 par une ordonnance du 24 janvier 2024.

Un mémoire a été enregistré pour le préfet de la Vienne le 25 mars 2024.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant camerounais né le 25 juin 2001, déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français au mois de novembre 2017 et a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance. Par un arrêté du 17 juillet 2020, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. Il a fait ensuite l'objet de plusieurs arrêtés portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour. Il a présenté le 30 mars 2023 une nouvelle demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français qui a été rejetée par un arrêté du 18 avril 2023. À la suite de l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2023 portant obligation de quitter le territoire français par un jugement du tribunal administratif de Pau du 5 mai 2023, le préfet de la Vienne a réexaminé sa situation et par un arrêté du 23 mai 2023 a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné à défaut de départ volontaire et lui a fait obligation de se présenter au commissariat de Poitiers trois fois par semaine. M. A... a demandé au tribunal administratif de Poitier d'annuler cet arrêté. Il a ensuite été assigné à résidence par des arrêtés du 30 juin 2023 et du 27 septembre 2023. Par un jugement n°2301638 du 5 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Poitiers a renvoyé les conclusions de M. A... dirigées contre la décision de refus titre de séjour à une formation collégiale et rejeté le surplus de sa demande. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions de M. A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 novembre 2023. Par suite, ses conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur la légalité de l'arrêté du 23 mai 2023 :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ". Selon l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ". Aux termes de l'article 373-2-2 de ce même code : " I- En cas de séparation entre les parents, ou entre ceux- ci et l'enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d'une pension alimentaire versée, selon le cas, par l'un des parents à l'autre, ou à la personne à laquelle l'enfant a été confié. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est père d'un enfant de nationalité française né le 29 septembre 2021 avec qui il n'a jamais résidé et que la mère de son fils a déclaré, à l'occasion d'un dépôt de plainte intervenu le 10 février 2023, être séparée du requérant depuis sept mois. Les quelques tickets de caisse datés de novembre 2022 qu'il produit pour des montants modestes ne sont pas de nature à établir qu'il contribuerait à l'entretien de son enfant depuis sa naissance. Si M. A... se prévaut d'une attestation de la mère de l'enfant indiquant qu'il accompagne son fils à la crèche et fait des achats, cette attestation comporte une retouche sur la date de l'année et semble avoir été établie le 14 novembre 2021 et non en novembre 2022, date à laquelle le couple était séparé, alors en outre qu'elle a indiqué lors de son dépôt de plainte que le requérant ne s'occupait pas de son fils. Dans ce contexte, ni ces éléments, ni l'attestation du médecin de la protection maternelle et infantile indiquant que l'intéressé a été présent aux consultations de septembre 2021 à avril 2022 puis le 6 décembre 2022 ne sont de nature à établir que M. A... participerait à l'entretien et l'éducation de son fils, dans la limite de ses moyens, depuis sa naissance. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

5. Au vu de ce qui a été dit au point précédent, en l'absence de preuve de l'existence d'une relation suivie avec son enfant, les moyens tirés de ce que cette décision aurait été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

6. En premier lieu, l'arrêté du en litige vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment son article L. 721-3 qui constitue le fondement en droit de la décision fixant le pays de renvoi, ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il est précisé que M. A... n'établit pas être exposé à des peines ou à des traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine, ce qui constitue le motif de fait de cette même décision. Dans ces conditions, la décision fixant le pays de renvoi est suffisamment motivée, en droit et en fait, et le moyen tiré du défaut de motivation doit, par suite, être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

8. Si M. A... fait valoir que son éloignement vers le Cameroun constitue un traitement inhumain et dégradant dès lors qu'il sera séparé de son enfant, cette situation ne saurait constituer un traitement inhumain et dégradant au sens de ces disposition et, en outre, ainsi qu'il a été dit l'intéressé n'établit pas l'existence d'un lien matériel et affectif avec son enfant. Par suite, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne les obligations fixées au titre des articles L. 721-6 et L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

9. Aux termes de l'article L. 721-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut, dès la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français, être contraint de résider dans le lieu qui lui est désigné par l'autorité administrative. Cette décision est prise pour une durée qui ne peut se poursuivre au-delà de l'expiration du délai de départ volontaire. " Aux termes de l'article L. 721-7 du même code : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut, dès la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. Cette décision est prise pour une durée qui ne peut se poursuivre au-delà de l'expiration du délai de départ volontaire. ". Aux termes de l'article R. 721-6 du code : " Pour l'application de l'article L. 721-7, l'autorité administrative désigne le service auprès duquel l'étranger effectue les présentations prescrites et fixe leur fréquence qui ne peut excéder trois présentations par semaine. ".

10. Si les décisions fondées sur les articles L. 721-6 et L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont le caractère de décisions distinctes de l'obligation de quitter le territoire français, elles tendent à assurer que l'étranger accomplit les diligences nécessaires à son départ dans le délai qui lui est imparti et concourent à la mise en œuvre de l'obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, si l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration impose que ces décisions soient motivées au titre des mesures de police, cette motivation peut, outre la référence aux articles L. 721-6 et L. 721-7, se confondre avec celle de l'obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire. En l'espèce d'une part la décision portant obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivée en droit et en fait et d'autre part, l'arrêté attaqué précise que les obligations imposées à M. A... durant la période de départ volontaire pour s'assurer des diligences accomplies sont justifiées par la menace à l'ordre public qu'il représente. Par suite le moyen tiré du défaut de motivation des contraintes qui lui sont imposées en application des dispositions précitées des articles L. 721-6 et L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté, le préfet n'ayant pas à préciser en quoi ces obligations permettraient de garantir l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

11. Enfin, il ne ressort pas de cette motivation, ni des pièces du dossier que la situation de M. A... n'aurait pas fait l'objet d'un examen particulier.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2023. Par suite sa requête d'appel doit être rejetée dans toutes ses conclusions.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,

Mme Edwige Michaud, première conseillère,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 avril 2024.

La présidente-rapporteure,

Christelle Brouard-LucasL'assesseure la plus ancienne,

Edwige Michaud

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23BX02705 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02705
Date de la décision : 18/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROUARD-LUCAS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-18;23bx02705 ?
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