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18/04/2024 | FRANCE | N°23BX02547

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 18 avril 2024, 23BX02547


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite par laquelle la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour présentée le 14 mars 2022 et l'arrêté du 29 décembre 2022 lui refusant un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux a

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Par un jugement n° 2206331 du 10 mai 2023, le tribunal administratif de Bord...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite par laquelle la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour présentée le 14 mars 2022 et l'arrêté du 29 décembre 2022 lui refusant un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2206331 du 10 mai 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 octobre 2023, M. C... A..., représenté par Me Cesso, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 29 décembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il appartient au préfet de justifier de la compétence de la signataire de l'arrêté du 29 décembre 2022 ;

- les décisions de refus de séjour ont été édictées au terme d'une procédure irrégulière faute de consultation de la commission du titre de séjour et alors qu'il justifie être présent en France depuis plus de dix années ;

- elles méconnaissent l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de sa situation privée et familiale en France ;

- l'arrêté du 29 décembre 2022 est entaché d'une erreur de fait en ce qu'il retient que son casier judiciaire comporte dix mentions portant toutes sur des infractions à la conduite ;

- les refus de séjour litigieux méconnaissent également l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de l'impossibilité de bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine ;

- ces décisions méconnaissent l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle sont également entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

- elles méconnaissent le premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- aucune décision d'éloignement ne pouvait être légalement édictée à son encontre puisque sa situation justifie que lui soit délivré un titre de séjour de plein droit ;

- la décision d'éloignement méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnait également le premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle méconnait l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son état de santé ;

- la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français méconnait son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 février 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il indique s'en remettre à ses écritures de première instance.

M. C... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kolia Gallier,

- et les observations de Me Esseul, représentant M. C... A....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant comorien né le 30 décembre 1966, est entré en France le 13 novembre 2008. Après avoir fait l'objet de deux mesures d'éloignement le 5 mars 2012 et le 1er décembre 2014, il a sollicité le 14 mars 2022 son admission au séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 425-9, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration sur cette demande conformément aux dispositions des article R. 432-1 et R. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 29 décembre 2022, qui s'est substitué à cette décision implicite, la préfète de la Gironde a expressément rejeté la demande de titre de séjour de M. C... A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. C... A... relève appel du jugement du 10 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Par un arrêté du 30 septembre 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 33-2022-192 du même jour, la préfète de la Gironde a donné délégation de signature à Mme D... B..., sous-préfète directrice de cabinet, à l'effet de signer lors des permanences qu'elle est amenée à assurer notamment " toutes les décisions d'éloignement et décisions accessoires s'y rapportant prises en application des livres II, IV, V, VI, VII et VIII (partie législative et réglementaire) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". Cette délégation, en dépit de ce qu'elle mentionne le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui est relatif au séjour en France, n'autorise expressément Mme B... qu'à édicter des mesures d'éloignement et les décisions accessoires s'y rapportant. La signataire de l'arrêté litigieux était, dans ces conditions, incompétente pour édicter à l'encontre de M. C... A... une décision de refus de séjour.

3. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de séjour qui lui a été opposé le 29 décembre 2022 et, par voie de conséquence, des décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Le présent arrêt implique seulement, eu égard à ses motifs, que le préfet de la Gironde réexamine la situation de M. C... A... dans un délai qu'il y a lieu de fixer à deux mois à compter de la notification de la présente décision et que lui soit délivrée une autorisation provisoire de séjour dans l'attente.

Sur les frais liés au litige :

5. M. C... A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 200 euros à Me Cesso.

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du 29 décembre 2022 de la préfète de la Gironde et le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 mai 2023 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de M. C... A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'État versera à Me Cesso la somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... A..., au préfet de la Gironde, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Cesso.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,

Mme Edwige Michaud, première conseillère,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024.

La rapporteure,

Kolia GallierLa présidente,

Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23BX02547 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02547
Date de la décision : 18/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROUARD-LUCAS
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-18;23bx02547 ?
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