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18/04/2024 | FRANCE | N°23BX00875

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 18 avril 2024, 23BX00875


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer

un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation.



Par un jugem

ent n° 2101295 du 16 mars 2023, le tribunal a annulé l'arrêté du 29 septembre 2021 et a enjoint au préfet ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer

un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 2101295 du 16 mars 2023, le tribunal a annulé l'arrêté du 29 septembre 2021 et a enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 mars 2023, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que :

- la demande de première instance, qui ne comportait l'exposé d'aucun moyen, était irrecevable ;

A titre subsidiaire :

- Mme B... ne justifie pas avoir été inscrite dans un établissement d'enseignement supérieur à la date de l'arrêté, et la circonstance qu'elle souhaite entreprendre des études de médecine ne lui ouvre pas droit à rester en France, alors qu'il n'est pas démontré qu'elle serait dans l'impossibilité de poursuivre des études dans son pays d'origine ; elle a été élevée en Haïti par sa grand-mère jusqu'à l'âge de 15 ans, éloignée de son père, lequel a fait l'objet d'une décision de refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français par arrêté du 19 décembre 2019 ; dans ces circonstances, l'arrêté attaqué n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale ;

- alors que Mme B... avait seulement demandé un réexamen de sa situation, le tribunal a méconnu son office et statué ultra petita en lui enjoignant de délivrer un titre de séjour, de sorte que cette injonction doit être annulée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité haïtienne, a déclaré être entrée en France

le 30 septembre 2017, à l'âge de 15 ans. Le 12 janvier 2021, elle a sollicité son admission

au séjour en qualité d'étudiante. Par un arrêté du 29 septembre 2021, le préfet de la Guadeloupe a rejeté sa demande et a refusé de régulariser sa situation au regard des dispositions de

l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour pour une durée d'un an. Par un jugement du 16 mars 2023, le tribunal administratif de la Guadeloupe, saisi par Mme B..., a annulé cet arrêté au motif que le refus de titre de séjour était entaché d'erreur manifeste d'appréciation et a enjoint au préfet de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le préfet de la Guadeloupe relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. " Il résulte de ces dispositions que le tribunal pouvait enjoindre d'office au préfet de la Guadeloupe de délivrer un titre de séjour à Mme B.... Le préfet n'est donc pas fondé à soutenir que les premiers juges, qui étaient seulement saisis d'une demande d'injonction de réexamen, auraient statué ultra petita.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / (...) "

4. Dans sa demande présentée sans avocat, Mme B... a indiqué qu'elle avait commencé sa scolarité quelques semaines après son arrivée à Marie-Galante

le 30 septembre 2017, qu'elle était en classe de terminale et avait l'ambition de suivre des études de médecine, que la décision du préfet mettait un terme à ce projet, et qu'elle avait énormément d'attaches à Marie-Galante où elle s'était bien intégrée. C'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'elle devait être regardée comme invoquant une erreur manifeste d'appréciation, et le préfet n'est pas fondé à soutenir que la demande de première instance n'aurait comporté aucun moyen et aurait dû être rejetée pour irrecevabilité.

Sur le bien-fondé du jugement en ce qu'il a annulé l'arrêté du 29 septembre 2021 :

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., scolarisée en classe de quatrième peu après son entrée en France le 30 septembre 2017, a obtenu les félicitations pour ses résultats du deuxième trimestre de l'année 2017-2018, et se trouvait en septembre 2021 en classe de terminale générale, section européenne. A la date de l'arrêté contesté, elle était âgée de dix-neuf ans et résidait en France depuis quatre ans. Par suite, le préfet de la Guadeloupe n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal, qui ne s'est pas fondé sur les liens familiaux de l'intéressée, mais sur les circonstances particulières de sa situation personnelle caractérisées par son jeune âge et ses efforts d'intégration scolaire, a annulé le refus de titre de séjour du 29 septembre 2021 pour erreur manifeste d'appréciation, et par voie de conséquence les décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Guadeloupe est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Guadeloupe, à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024.

La rapporteure,

Anne A...

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23BX00875


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00875
Date de la décision : 18/04/2024

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme ISOARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-18;23bx00875 ?
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