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18/04/2024 | FRANCE | N°22BX00414

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 18 avril 2024, 22BX00414


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Quadran Caraïbes a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2020 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un permis de construire une centrale photovoltaïque au sol avec stockage d'électricité au lieu-dit de Petite Place sur le territoire de la commune de Capesterre-de-Marie-Galante, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 20 août 2020.



Par un

jugement n° 2001182 du 8 décembre 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Quadran Caraïbes a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2020 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un permis de construire une centrale photovoltaïque au sol avec stockage d'électricité au lieu-dit de Petite Place sur le territoire de la commune de Capesterre-de-Marie-Galante, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 20 août 2020.

Par un jugement n° 2001182 du 8 décembre 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 février 2022 et le 24 octobre 2022, la société Quadran Caraïbes, représentée par Me Gelas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Guadeloupe du 20 juillet 2020, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer le permis de construire sollicité dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier faute d'être suffisamment motivé quant à l'impossibilité pour le projet d'être regardé comme relevant des exceptions à l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme prévues par l'article L. 111-4 du même code ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'un défaut de motivation et d'une erreur de droit, le préfet ayant estimé à tort qu'il se trouvait en situation de compétence liée pour refuser la délivrance du permis de construire sollicité en raison de l'avis défavorable émis par la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers en application de l'article L. 181-12 du code rural et de la pêche maritime ;

- à supposer que l'avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ait été un avis conforme, le préfet aurait dû l'écarter comme irrégulier ;

- le projet s'implantant dans une zone déjà urbanisée au sens de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, les dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ne lui sont pas opposables ;

- à supposer que le projet soit regardé comme s'implantant dans une zone qui n'est pas déjà urbanisée, il entre dans le champ de la dérogation prévue par les dispositions du 2° de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme contrairement à ce qu'a retenu le tribunal.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le préfet était en situation de compétence liée pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité compte tenu de l'avis défavorable émis par la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ;

- le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté litigieux est inopérant ;

- à supposer que la cour retienne que le projet s'insère dans une partie actuellement urbanisée de la commune au sens de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, le projet constitue en lui-même une extension d'urbanisation ;

- les autres moyens soulevés par la société Quadran Caraïbes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kolia Gallier,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Kerjean-Gauducheau, représentant la société Quadran Caraïbes.

Considérant ce qui suit :

1. Le 4 juin 2020, la société Quadran Caraïbes a sollicité auprès du préfet de la Guadeloupe la délivrance d'un permis de construire une centrale photovoltaïque avec stockage d'électricité et accessoires techniques sur un terrain cadastré AD 485 situé au lieu-dit de Petite Place sur le territoire de la commune de Capesterre-de-Marie-Galante. Par un arrêté du 20 juillet 2020, le préfet de la Guadeloupe a refusé de faire droit à cette demande. Le recours gracieux formé contre cette décision le 20 août 2020 a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par l'administration. La société Quadran Caraïbes relève appel du jugement du 8 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient insuffisamment motivé leur jugement quant à l'impossibilité pour le projet d'être regardé comme relevant des exceptions à l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme prévues par l'article L. 111-4 du même code ne peut qu'être écarté dès lors qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que la société Quadran Caraïbes n'avait pas soulevé un tel moyen devant le tribunal.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable au litige : " Dans chaque département, il est créé une commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, présidée par le préfet, qui associe des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements, des professions agricole et forestière, des chambres d'agriculture et des organismes nationaux à vocation agricole et rurale, des propriétaires fonciers, des notaires, des associations agréées de protection de l'environnement et des fédérations départementales ou interdépartementales des chasseurs. (...) / Cette commission peut être consultée sur toute question relative à la réduction des surfaces naturelles, forestières et à vocation ou à usage agricole et sur les moyens de contribuer à la limitation de la consommation des espaces naturels, forestiers et à vocation ou à usage agricole. Elle émet, dans les conditions définies par le code de l'urbanisme, un avis sur l'opportunité, au regard de l'objectif de préservation des terres naturelles, agricoles ou forestières, de certaines procédures ou autorisations d'urbanisme. (...) " L'article L. 181-10 du même code dispose, dans sa version applicable au litige : " Pour son application en Guadeloupe (...) l'article L. 112-1-1 est ainsi rédigé : / " Art. L. 112-1-1.-Il est créé une commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers composée, outre le préfet qui la préside, de représentants en proportion égale : / " 1° Des services de l'Etat ; / " 2° Des collectivités territoriales ; / " 3° De la profession agricole, des opérateurs fonciers agricoles et d'au moins un propriétaire foncier ; / " 4° Des associations agréées de protection de l'environnement. " ". Aux termes de l'article L. 181-12 du même code : " En Guadeloupe, (...) tout projet d'élaboration ou de révision d'un document d'aménagement ou d'urbanisme ayant pour conséquence d'entraîner le déclassement de terres classées agricoles, ainsi que tout projet d'opération d'aménagement et d'urbanisme ayant pour conséquence la réduction des surfaces naturelles, des surfaces agricoles et des surfaces forestières dans les communes disposant d'un document d'urbanisme, ou entraînant la réduction des espaces non encore urbanisés dans une commune soumise au règlement national d'urbanisme, doit faire l'objet d'un avis favorable de la commission mentionnée à l'article L. 181-10. (...) Dans les délais et conditions définis au code de l'urbanisme, la commission se prononce sur ces projets au regard de l'objectif de préservation des terres agricoles en prenant en compte l'ensemble des critères suivants : / 1° Les objectifs d'intérêt général du projet ; / 2° Les potentialités agronomiques et environnementales des terres agricoles ; / 3° Les réserves de constructibilité existant dans les zones urbaines ou à urbaniser de la commune considérée et des communes limitrophes ; / 4° La possibilité de solutions alternatives ".

4. Le terrain d'assiette du projet se situe sur une parcelle cadastrée AD 485 à Capesterre-de-Marie-Galante, commune dont il est constant qu'elle ne dispose d'aucun document d'urbanisme et qui est, par suite, soumise au règlement national d'urbanisme. Il ressort des pièces du dossier que ce terrain est entièrement boisé à l'exception d'une faible portion au centre supportant un bâtiment de maintenance de la centrale éolienne voisine et d'une route traversant la parcelle sur son côté est, permettant l'accès à l'est et au sud à deux groupes de six et trois aérogénérateurs. Il est bordé au sud, à l'ouest et au nord-ouest par une vaste zone naturelle et boisée ne supportant aucune construction et au nord par une zone comprenant, de part et d'autre d'une route, quelques parcelles cultivées et maisons isolées. Dans ces conditions et en admettant même que les portions de terrain supportant les aérogénérateurs du parc éolien de Petite Place, sur le côté est et à l'extrémité sud-est du terrain d'assiette du projet, puissent être regardées comme urbanisées, le projet de centrale de production et de stockage d'électricité photovoltaïque en cause aura nécessairement pour effet de réduire des espaces non encore urbanisés de la commune. Par suite, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 181-12 du code rural et de la pêche maritime, il ne pouvait être autorisé sans avoir préalablement fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. C'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont retenu, comme le faisait valoir le préfet en défense, que l'avis défavorable émis par la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers le 25 juin 2020 plaçait le préfet de la Guadeloupe en situation de compétence liée pour refuser d'accorder le permis de construire sollicité par la société Quadran Caraïbes. Les moyens tirés de ce que l'arrêté du préfet de la Guadeloupe serait entaché d'un défaut de motivation et qu'il méconnaîtrait les dispositions des articles L. 111-3 et L. 111-4 du code de l'urbanisme ne peuvent dès lors qu'être écartés comme inopérants.

5. Si la société requérante soutient que l'avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers est irrégulier et qu'il aurait dû être écarté par le préfet, elle se borne à indiquer qu'il ne présente pas le caractère d'un avis conforme sans invoquer aucun vice propre dont il serait entaché. Dans ces conditions et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 ci-dessus, ce moyen ne peut qu'être écarté.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la société Quadran Caraïbes n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Quadran Caraïbes est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Quadran Caraïbes et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,

Mme Edwige Michaud, première conseillère,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024.

La rapporteure,

Kolia GallierLa présidente,

Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX00414 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00414
Date de la décision : 18/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROUARD-LUCAS
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : CABINET LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-18;22bx00414 ?
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