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16/04/2024 | FRANCE | N°23BX01864

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 16 avril 2024, 23BX01864


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2300179 du 5 juin 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une

requête enregistrée le 6 juillet 2023 et une pièce nouvelle enregistrée le 29 février 2024, Mme B..., représentée par M...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2300179 du 5 juin 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 juillet 2023 et une pièce nouvelle enregistrée le 29 février 2024, Mme B..., représentée par Me Renner, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du 5 juin 2023 du tribunal administratif de Poitiers ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " entrepreneur-profession libérale " d'une durée d'un an ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est irrégulier en l'absence de réponse au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

Sur la décision portant refus de délivrer un titre de séjour ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que sa demande de titre de séjour a été examinée sur le fondement des dispositions applicables aux salariés et non sur celles applicables aux entrepreneurs ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de lui délivrer un titre de séjour ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet de la Vienne qui n'a pas produit de mémoire en défense dans la présente instance.

Par une ordonnance du 11 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 5 février 2024.

Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2023/008234 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 14 septembre 2023.

Vu :

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., ressortissante marocaine, déclare être entrée en France le 2 août 2021 sous couvert d'un titre de séjour roumain valable jusqu'au 28 juin 2022. Le 28 mars 2022, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour " salarié " puis, le 4 juillet 2022, elle a rectifié sa demande et a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " entrepreneur-profession libérale ". Par un arrêté du 9 décembre 2022, le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 5 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2022.

Sur l'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Par une décision du 14 septembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme B.... Dans ces conditions, ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur la régularité du jugement :

3. Si Mme B... soutient que le tribunal administratif de Poitiers ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle, il ressort des pièces du dossier que la requérante entendait uniquement, par ce moyen, arguer de ce qu'elle avait créé une activité économique, régulièrement déclarée, et qu'elle répondait ainsi aux conditions posées par l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le tribunal a suffisamment répondu à ces éléments au point 5 de son jugement et, compte tenu des termes dans lesquels le moyen était soulevé devant lui, le tribunal a implicitement mais nécessairement écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle en qualité d'entrepreneure.

Sur la légalité de l'arrêté du 9 décembre 2022 :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrer un titre de séjour :

4. En premier lieu, il ressort des termes dépourvus d'ambiguïté de l'arrêté du 9 décembre 2022 que le préfet a instruit la demande de l'intéressée sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile concernant les titres de séjour portant la mention " entrepreneur-profession libérale ". Le préfet a notamment visé la demande de titre de séjour " salarié " déposée par la requérante le 28 mars 2022 et sa " demande de changement de statut pour un titre de séjour mention "entrepreneur / profession libérale" " envoyée le 4 juillet 2022. Il a également cité les dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et exposé précisément les motifs pour lesquels il estimait que les conditions posées par ce texte n'étaient pas remplies. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Vienne aurait seulement examiné la demande de titre de séjour de Mme B... sur le fondement des dispositions applicables aux salariés doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France pour une durée d'un an au minimum (...) reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an, renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. (...)". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ". Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Aux termes de l'article L. 421-5 du même code : " L'étranger qui exerce une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "entrepreneur/ profession libérale" d'une durée maximale d'un an ".

6. Il résulte de l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi que celui-ci renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord. Les dispositions précitées des articles L. 412-1 et L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont applicables aux ressortissants marocains, en vertu de l'article 9 de l'accord franco-marocain précité, dès lors que cet accord ne contient pas de stipulations relatives aux titres de séjour délivrés pour l'exercice d'une activité d'entrepreneur. Il résulte en outre des dispositions de l'article L. 421-5 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/ profession libérale " est subordonnée, notamment, à la justification par le demandeur d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur.

7. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Vienne s'est notamment fondé, pour rejeter la demande de Mme B... tendant à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " entrepreneur-profession libérale ", sur le motif tiré de ce que l'intéressée ne justifiait pas d'un visa de long séjour. Si Mme B... fait valoir qu'elle a créé une micro-entreprise de commerce de détail alimentaire et qu'elle a effectué les formalités nécessaires pour enregistrer son activité, elle ne conteste pas être dépourvue du visa de long séjour exigé par les dispositions citées au point 5. En outre, les documents produits par Mme B..., à savoir les justificatifs des formalités effectuées pour enregistrer son activité auprès des finances publiques, de l'URSSAF et du greffe du tribunal de commerce de Poitiers, ne sont pas de nature à justifier que l'activité de son entreprise serait économiquement viable et qu'elle en tirerait des moyens d'existence suffisants. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces circonstances, et à supposer que la requérante ait entendu invoquer ce moyen, le refus de titre de séjour n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée. Ainsi le préfet de la Vienne a pu légalement refuser de délivrer à Mme B... le titre de séjour sollicité pour les motifs tirés de l'absence de visa de long séjour et de l'absence d'éléments de nature à justifier de la viabilité économique de son activité.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de délivrer un titre de séjour à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi. Elle n'est pas davantage fondée à invoquer l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions en annulation de la décision fixant le pays de renvoi.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2022 du préfet de la Vienne. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement combiné des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être écartées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2024.

Le rapporteur,

Sébastien A...La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01864


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01864
Date de la décision : 16/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Sébastien ELLIE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : RENNER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-16;23bx01864 ?
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