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16/04/2024 | FRANCE | N°21BX02622

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 16 avril 2024, 21BX02622


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'ordonner le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) d'un montant de 101 485 euros au titre de l'année 2017.



Par un jugement n°1901212 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 juin 2021, le 15 mars 2023 et le 15

décembre 2023, M. B... A..., représenté par Me Rouve, demande à la cour dans le dernier état de ses conclusions :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'ordonner le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) d'un montant de 101 485 euros au titre de l'année 2017.

Par un jugement n°1901212 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 juin 2021, le 15 mars 2023 et le 15 décembre 2023, M. B... A..., représenté par Me Rouve, demande à la cour dans le dernier état de ses conclusions :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er avril 2021 ;

2°) de prononcer le remboursement du crédit de TVA au titre de l'année 2017 pour un montant total de 85 951,50 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il répondait depuis l'acquisition du terrain à bâtir situé 109 boulevard de la Côte d'Argent à Arcachon en 2013 aux critères permettant de le qualifier d'assujetti à la TVA dans la mesure où son statut de para-hôtelier résulte bien d'une utilisation professionnelle et non personnelle ;

- le montant total du crédit de TVA au titre de l'année 2017 est de 85 951,50 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 décembre 2021, le 21 mars 2023 et le 31 janvier 2024, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le moyen soulevé par M. A... n'est pas fondé.

Par ordonnance du 19 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 9 février 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 21 février 2024, Mme Edwige Michaud a été affectée à la 5ème chambre pour l'audience du 26 mars 2024.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Edwige Michaud, rapporteure,

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public,

- et les observations de Me Rouve, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a acheté le 21 mai 2013 un terrain situé 109 boulevard de la côte d'Argent à Arcachon. Il a déposé en 2012 une demande de permis de construire afin d'édifier sur ce terrain une maison individuelle et obtenu en 2013 ce permis de construire. Les travaux de construction ont eu lieu entre l'année 2014 et le mois de juin 2017. M. A... a déclaré le 3 janvier 2018 avec effet rétroactif au 1er février 2017, un début d'activité de location para-hôtelière avec prestations de services (accueil, linge de maison, nettoyage, petit-déjeuner) dans cette maison dénommée " Villa du parc " et par courrier du 28 décembre 2017, il a opté pour le régime simplifié en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à compter du 1er février 2017 pour cette activité. M. A... a demandé le 7 août 2018 le remboursement d'un crédit de TVA pour un montant de 101 485 euros au titre de l'année 2017 pour les travaux d'acquisition, de construction et d'aménagement de cette villa. Cette demande a été rejetée par une décision du 9 janvier 2018. M. A... relève appel du jugement du 1er avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant au remboursement de ce crédit de TVA qu'il chiffre, dans le dernier état de ses conclusions, à 85 951,50 euros.

2. D'une part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. -Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel.(...)". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. / (...). / Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. ". Aux termes de l'article 261 D du même code : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) ; 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. (...). Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : (...) ; b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes,

rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à

caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. (...). ". Aux termes de l'article 271 du même code dans sa version applicable au litige : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. ". Aux termes de l'article 269 du même code dans sa version applicable au litige : " (...). 2. La taxe est exigible : (...) : c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. (...). ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 167 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 : " Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible ". Aux termes de l'article 168 de cette même directive : " Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti a le droit, dans l'État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants : a) la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ; (...).".

4. Il résulte tant de ces dispositions que des principes rappelés par la Cour de justice des communautés européennes, notamment dans l'arrêt Lennartz qu'elle a rendu le 11 juillet 1991 dans l'affaire 97/90, que c'est l'acquisition des biens par un assujetti agissant en tant que tel qui détermine l'application du système de TVA et, partant, du mécanisme de déduction.

5. Il résulte de l'instruction que le requérant, agissant en qualité de personne physique, a acquis en 2013 le terrain, bénéficiant d'un double accès (109 boulevard de la Côte d'Argent et 10 avenue du Parc à Arcachon), sur lequel a été édifiée la maison à raison de laquelle il a déclaré par la suite une activité de location para-hôtelière. Par courriel du 26 avril 2012, M. A... indiquait à son banquier qu'il envisageait un statut para-hôtelier sur l'opération projetée. Le requérant produit également une attestation du développeur informatique de la société Global Invest dont il est le gérant, dans laquelle cet informaticien indique que depuis le mois de mai 2013, il travaille sur le marketing de la " Villa du parc ", qu'il a réservé le nom de domaine du site internet " villaduparc.net " au mois de décembre 2014 et que depuis 2015 des mises à jour du site sont effectuées. En 2017, le requérant a déposé une déclaration d'activité de location para-hôtelière, a demandé à l'administration fiscale d'opter pour le régime réel simplifié en matière de TVA à compter du 1er février 2017 et a loué pour la première fois au mois de juin 2017 la villa en tant que location touristique meublée sur une plate-forme dédiée. En outre, il résulte de l'instruction que les prestations proposées à l'occasion de la location de la villa, et notamment deux heures de ménage par jour et les petits-déjeuners, permettent de corroborer l'exercice d'une activité para-hôtelière. Dans ces conditions, M. A... doit être regardé comme ayant eu l'intention d'exercer une activité para-hôtelière dès l'acquisition du bien immobilier concerné. Par suite, et alors même que l'acte d'acquisition du terrain mentionnait un non assujettissement à la TVA, que M. A... a déclaré à l'appui de sa demande de permis de construire l'édification d'une " résidence principale ", en l'absence dans l'imprimé CERFA de demande, d'une rubrique destinée à la location para-hôtelière, et que la mère de ses enfants est fiscalement domiciliée depuis le courant de l'année 2017 à l'adresse de la villa, le requérant, dont l'objectif économique résulte de l'instruction, doit être regardé comme ayant la qualité d'assujetti à la TVA pour l'activité de location de la " Villa du parc " et peut à ce titre prétendre à la déduction de la taxe ayant grevé les travaux réalisés sur ce bien entre 2014 et 2017.

6. Si M. A... demande la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures de la société Porcelanosa, celles qu'il produit ne comportent pas l'adresse du chantier, ce qui ne permet pas de les rattacher à l'opération en cause. Le requérant n'est pas davantage fondé à demander la déduction de la TVA des factures de la société Point P adressées à la société Global Invest, ni de la facture de la société Saint-Maclou, adressée à l'adresse du requérant à Bordeaux sans mention de l'adresse du chantier si ce n'est une mention manuscrite non probante, ni de la facture de la société Cedeo qui ne comporte pas l'adresse du chantier, ni des factures qui ne permettent pas de rattacher les prestations à son activité para-hôtelière comme le constat d'huissier ou la facture de la société Centrasono. S'agissant des factures des sociétés Arcachon élagage, Cobas, EGDP Industrie, EGMP, Martin architecte, FM piscines, France TP, Hovsep piscines 33, Laforêt, Mark Dumora, Mobilinha, Qualichape et Véolia, ces factures comportent l'adresse du chantier mais la preuve du paiement total ou même d'un acompte n'est pas apportée par la production de documents tels que des relevés de comptes bancaires, de copies de chèques, ou de bordereaux de virement délivrés par sa banque, alors que l'administration fiscale fait valoir que le service n'a pu clairement établir le moyen de paiement des travaux allégués, ni relier ces mêmes paiements aux factures présentées en raison de la multiplicité des moyens de règlement utilisés. En revanche, M. A... est en droit d'obtenir la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les autres factures produites qui lui sont personnellement adressées en tant que personne physique, qui comportent l'une des deux adresses de la " Villa du parc " et qui mentionnent un règlement total, à savoir celles des sociétés Alice garden (844,70 euros de TVA), de la société Leroy Merlin (371,52 euros de TVA), Gedimat (22,51 euros de TVA), ou qui indiquent un paiement partiel ou le versement d'un acompte, à savoir les factures des sociétés Said Bounif (800 euros de TVA sur 4 000 euros d'acompte), Intermeuble Blanquefort (108,17 euros de TVA), AMP Pereira (1 360 euros de TVA sur un acompte de 6 800,12 euros versé le 9 juin 2015), Intermeuble Mérignac (255 euros de TVA sur un acompte de 1 275 euros), La Palmeraie (300 euros de TVA sur un acompte de 3 000 euros), Okay batiment (3 927,28 euros de TVA sur un paiement partiel de 19 636,40 euros), Pro-piscine (1 750 euros de TVA sur un paiement partiel de 8 750 euros ), SARL Baille (1 400 euros de TVA sur un acompte de 7 000 euros), Techniproff (2 000 euros de TVA sur un paiement partiel de 10 000 euros), Thergéo (98,33 euros de TVA sur un acompte de 501,67 euros) et Sun Green Energies (5 000 euros de TVA sur un acompte de 25 000 euros). S'agissant de ces dernières factures, la TVA déductible s'élève à une somme totale d'un montant de 18 237,51 euros.

7. Il résulte de ce tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Bordeaux a refusé de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2017 et qu'il y a lieu de prononcer le remboursement à M. A... d'un crédit de TVA au titre de l'année 2017 à hauteur de 18 237,51 euros et de rejeter le surplus des conclusions de la requête.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'administration fiscale remboursera à M. A... une somme de 18 237,51 euros correspondant à un crédit de TVA au titre de l'année 2017.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er avril 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Edwige Michaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2024.

La rapporteure,

Edwige MichaudLa présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX02622


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02622
Date de la décision : 16/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Edwige MICHAUD
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SELARL ALOY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-16;21bx02622 ?
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