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11/04/2024 | FRANCE | N°23BX03002

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 11 avril 2024, 23BX03002


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 30 avril 2022 par lequel le préfet de la région Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n°2200636 du 18 septembre 2023, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 30 avril 2022 et a enjoint au p

réfet de la Guadeloupe de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 30 avril 2022 par lequel le préfet de la région Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°2200636 du 18 septembre 2023, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 30 avril 2022 et a enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 décembre 2023, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 18 septembre 2023.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les dispositions de l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il n'est donc pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le juge de première instance n'a pas pris en compte la menace à l'ordre public que représente Mme A... qui a été condamnée le 10 mars 2020 par le tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre à six mois d'emprisonnement pour violences sur conjoint et violation du domicile de ce dernier.

Par ordonnance du 19 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 27 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Edwige Michaud a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 13 août 2000, de nationalité dominicaine, a déclaré être entrée sur le territoire français à l'âge de 15 ans. Elle s'est vue délivrée un titre de séjour mention " vie privée et familiale " du 10 mars 2020 au 9 mars 2021. Le 18 octobre 2021, elle a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour. Par un arrêté du 30 avril 2022, le préfet de la région Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, et a fixé le pays de destination. Le préfet de la Guadeloupe relève appel du jugement du 18 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 30 avril 2022.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

3. D'une part, s'il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été condamnée par un jugement du tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre du 10 mars 2020, à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis, pour des faits de violence aggravée par deux circonstances suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours commis le 12 février 2020 et violation de domicile intervenue le même jour, cette condamnation isolée, relative à des faits survenus plus de deux ans avant l'arrêté contesté du 30 avril 2022, dans un contexte de violences conjugales avec le père de ses enfants dont elle est séparée depuis 2021, ne suffit pas en l'espèce à regarder la présence de l'intéressée comme constituant, à la date de la décision litigieuse, une menace pour l'ordre public. Ce motif ne pouvait dès lors justifier la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour " vie privée et familiale ".

4. D'autre part, et contrairement à ce que soutient le préfet de la Guadeloupe, Mme A..., qui a précédemment bénéficié d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", a produit devant les premiers juges des pièces probantes, permettant d'établir qu'elle réside depuis 2015 en France, et plus précisément en Guyane de 2015 à 2016 puis en Guadeloupe depuis 2016 pour continuer ses études. En Guadeloupe, elle a rencontré M. C... B..., de nationalité haïtienne et en situation régulière sur le territoire français, avec lequel elle a eu une relation conjugale entre 2016 et 2021. Deux enfants sont nés de cette union en France en 2018 et 2021. Mme A... produit une attestation de sa mère dans laquelle cette dernière indique qu'elle vit en Guyane avec ses quatre autres enfants, que le père de Mme A... est décédé en 2004 et que sa fille n'a plus de famille en République dominicaine. Mme A... ajoute qu'elle est séparée de M. B... depuis 2021 et que depuis le mois d'octobre 2021, elle a entrepris une relation conjugale avec un ressortissant français. Enfin, elle maîtrise la langue française, a obtenu en France son brevet en 2017 et un certificat de formation générale en 2020 et produit des quittances de loyer. Dans ces conditions, la requérante justifie disposer de liens personnels et familiaux en France. Par suite, en refusant de renouveler le titre de séjour de Mme A..., le préfet de la Guadeloupe a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé son arrêté du 30 avril 2022.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Guadeloupe est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Edwige Michaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024.

La rapporteure,

Edwige MichaudLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX03002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX03002
Date de la décision : 11/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Edwige MICHAUD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : NAVIN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-11;23bx03002 ?
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