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11/04/2024 | FRANCE | N°21BX03463

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 11 avril 2024, 21BX03463


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet de la demande de retrait pour fraude du permis de construire accordé par la délibération n° 2014-946 du 28 août 2014 du conseil exécutif de Saint-Barthélemy à la SCI La Bellevilloise, d'autre part, d'ordonner une expertise afin d'évaluer la différence d'altimétrie réelle entre la construction ancienne et la construction nouvelle.



Par un jugement n° 1900016 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Saint-Barthélémy a rejeté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet de la demande de retrait pour fraude du permis de construire accordé par la délibération n° 2014-946 du 28 août 2014 du conseil exécutif de Saint-Barthélemy à la SCI La Bellevilloise, d'autre part, d'ordonner une expertise afin d'évaluer la différence d'altimétrie réelle entre la construction ancienne et la construction nouvelle.

Par un jugement n° 1900016 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Saint-Barthélémy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 juillet 2021 et le 3 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Stéphane, puis par Me Eglie-Richters, doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900016 du tribunal administratif de Saint-Barthélémy en date du 8 avril 2021 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de la demande de retrait, pour fraude, du permis de construire accordé par la délibération n° 2014-946 du 28 août 2014 du conseil exécutif de Saint-Barthélemy à la SCI La Bellevilloise ;

3°) d'enjoindre à la collectivité de Saint-Barthélemy de retirer le permis de construire accordé, par la délibération n° 2014-946 du 28 août 2014 du conseil exécutif de Saint-Barthélemy, à la SCI La Bellevilloise ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin d'évaluer la différence d'altimétrie réelle entre la construction ancienne et la construction nouvelle ;

5°) de condamner solidairement la SCI La Bellevilloise et la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy à payer chacune la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- des travaux d'exhaussements non autorisés par le permis de construire en litige ont été réalisés pour porter le niveau principal de la construction projetée à 102,50 mètres ; la circonstance que le dossier de permis de construire ne présente pas le niveau du sol à la date de dépôt de la demande mais le mentionne de façon surélevée affecte le permis de construire non-seulement d'illégalité, mais également de fraude ;

- la mention inexacte de la hauteur du sol et les insertions graphiques erronées de la construction projetée constituent des manœuvres frauduleuses destinées à fausser l'appréciation de l'administration sur la conformité de la construction projetée à la règlementation d'urbanisme, notamment en termes de hauteur maximale de construction autorisée ;

- la demande de retrait d'un permis de construire entaché de fraude n'est encadrée par aucun délai ;

- il y a lieu d'ordonner une expertise afin d'évaluer la différence d'altimétrie réelle entre la construction ancienne et la construction nouvelle ;

- le vice affectant la totalité du projet n'est pas, contrairement aux affirmations de la collectivité, susceptible de régularisation en application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

- son recours n'est pas abusif.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 mars 2022 et 5 février 2024, la SCI La Bellevilloise, représentée par Me Trillat, conclut au rejet de la requête, à ce que M. A... soit condamné à une amende sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative, et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du même code.

Elle fait valoir que :

- la requête, qui tend à demander l'annulation du permis de construire délivré à la SCI Bellevilloise, est manifestement tardive au regard des dispositions de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme dès lors que le permis de construire a fait l'objet d'un affichage à compter du 25 septembre 2017 pendant plus de deux mois, ainsi qu'il ressort du constat d'huissier produit par la collectivité de Saint-Barthélémy ;

- en tout état de cause, aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2024, la collectivité de Saint-Barthélemy, représentée par Me Destarac, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête en appel est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas pour objet de solliciter l'annulation d'une décision administrative ;

- les conclusions tendant à ce que la collectivité de Saint-Barthélémy soit condamnée à retirer le permis de construire en cause sont irrecevables car nouvelles en appel ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- à supposer qu'un des moyens de la requête soit fondé, il y aura dès lors lieu de faire application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

M. A... représenté par Me Eglie-Richters a produit un nouveau mémoire le 20 février 2024 qui n'a pas été communiqué.

Par ordonnance du 2 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 23 février 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Vigreux, représentant M. A..., les observations de Me Trillat, représentant la SCI La Bellevilloise et les observations de Me Gonnet, représentant la collectivité de Saint-Barthélémy.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI La Bellevilloise a déposé le 24 juin 2014 une demande de permis de construire, complétée le 1er août 2014, en vue de réaliser une maison sur les parcelles cadastrées AP n° 0530 et AP n° 0532 au lieu-dit " Lorient " à Saint-Barthélemy. Par une délibération n° 2014-946 CE du 28 août 2014, le conseil exécutif de Saint-Barthélemy a délivré à la SCI La Bellevilloise le permis de construire n° PC 971123 1400193. Par un courrier du 16 avril 2019, M. B... A..., propriétaire de la parcelle AP n° 0963, a demandé à la collectivité de Saint-Barthélemy de retirer ce permis de construire en invoquant l'existence d'une fraude et, en l'absence de réponse, une décision implicite de rejet est née. M. A... relève appel du jugement n° 1900016 du 8 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de rejet de la demande de retrait du permis de construire en cause, et, d'autre part, à ce qu'une expertise soit ordonnée afin d'évaluer la différence d'altimétrie réelle entre la construction ancienne et la construction nouvelle.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Un tiers justifiant d'un intérêt à agir est recevable à demander, dans le délai du recours contentieux, l'annulation de la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé de faire usage de son pouvoir d'abroger ou de retirer un acte administratif obtenu par fraude, quelle que soit la date à laquelle il l'a saisie d'une demande à cette fin. Dans un tel cas, il incombe au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, d'une part, de vérifier la réalité de la fraude alléguée et, d'autre part, de contrôler que l'appréciation de l'administration sur l'opportunité de procéder ou non à l'abrogation ou au retrait n'est pas entachée d'erreur manifeste, compte tenu notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter, soit du maintien de l'acte litigieux, soit de son abrogation ou de son retrait.

3. Un permis ne peut faire l'objet d'un retrait, une fois devenu définitif, qu'au vu d'éléments, dont l'administration a connaissance postérieurement à la délivrance du permis, établissant l'existence d'une fraude à la date où il a été délivré. La caractérisation de la fraude résulte de ce que le pétitionnaire a procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à tromper l'administration sur la réalité du projet dans le but d'échapper à l'application d'une règle d'urbanisme. Une information erronée ne peut, à elle seule, faire regarder le pétitionnaire comme s'étant livré à l'occasion du dépôt de sa demande à des manœuvres destinées à tromper l'administration.

4. En premier lieu, aux termes de l'article 71 du code de l'urbanisme de Saint-Barthélémy, dans sa version applicable à la date de délivrance du permis de construire en cause : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comporte : (...) / 2° Un plan du terrain faisant apparaître le plan de masse des constructions à édifier ou à modifier, coté en trois dimensions, les travaux extérieurs à celles-ci, notamment, s'il y a lieu, les affouillements ou exhaussements prévus et l'aménagement des abords des constructions, notamment les plantations maintenues, supprimées ou créées ; lorsque le projet nécessite des affouillements ou des exhaussements, un plan topographique doit être fourni (...) / 4° Une ou des vues en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au terrain naturel à la date du dépôt de la demande de permis de construire et indiquant l'aménagement des espaces extérieurs (...) "

5. Pour caractériser la fraude dont serait entaché le permis de construire délivré à la SCI Bellevilloise, M. A... soutient que des travaux d'exhaussements non autorisés par le permis de construire en cause ont été réalisés pour porter le niveau principal de la construction projetée à 102,50 mètres et que des indications erronées seraient mentionnées dans le dossier de demande sur l'altimétrie du projet autorisé par rapport à la construction existante dans le but d'échapper aux règles de hauteur des constructions.

6. Toutefois, et d'une part, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'analyse réalisée par un géomètre-expert foncier à la demande de la SCI Bellevilloise, qu'à partir de la superposition des plans altimétriques du permis de construire de 1990, du relevé des lieux effectué en 2011 ainsi que des plans altimétriques du projet de construction en litige, la construction existante et celle autorisée sont implantées au même emplacement et à la même hauteur du sol. Par ailleurs, si les photographies tirées des procès-verbaux établis les 22 mars 2019 et 28 juillet 2022 par un commissaire de justice à la demande de M. A..., montrent que la partie haute de la construction nouvelle fait en partie face à son habitation de façon à le priver partiellement de la vue sur mer depuis son salon, elles ne suffisent pas à établir que la nouvelle construction dépasserait en hauteur le niveau de l'ancienne construction.

7. D'autre part, dès lors que la légalité du permis de construire s'apprécie au regard des travaux prévus dans la demande et non des travaux effectivement réalisés, la circonstance alléguée que le pétitionnaire aurait fait réaliser un exhaussement illégal du terrain en cause ne peut être utilement invoquée pour démontrer la fraude dont serait entaché le permis de construire délivré à la SCI Bellevilloise.

8. Enfin, le requérant se prévaut dans le dernier état de ses écritures de la méconnaissance de dispositions du règlement national d'urbanisme et notamment des articles R. 111-2, R. 111-3, R. 111-21 et R. 111-22. Toutefois, à supposer même que ces dispositions aient été méconnues par le permis de construire délivré le 28 août 2014, il n'est pas contesté que le délai de retrait de ce permis était expiré et les illégalités alléguées ne suffisent pas davantage à révéler l'existence d'une fraude à la date de sa délivrance. Par suite, la fraude alléguée n'est pas caractérisée et M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite du conseil exécutif de Saint-Barthélemy refusant de retirer le permis de construire délivré à la SCI La Bellevilloise. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que la cour enjoigne à la collectivité de procéder au retrait de ce permis ne peuvent qu'être rejetées.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de la demande de retrait pour fraude du permis de construire accordé par la délibération n° 2014-946 du 28 août 2014 du conseil exécutif de Saint-Barthélemy à la SCI La Bellevilloise.

Sur la demande d'expertise :

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 8 que l'expertise sollicitée à titre subsidiaire par M. A... n'est pas utile à la résolution du litige. Les conclusions du requérant la sollicitant ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur l'amende pour recours abusif :

11. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".

12. La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de la SCI La Bellevilloise tendant à ce qu'une amende soit mise à la charge de M. A... ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SCI La Bellevilloise et de la collectivité de Saint-Barthélémy, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, le versement de la somme que demande M. A... au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance exposés par la SCI La Bellevilloise et non compris dans les dépens. Il y a également lieu de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance exposés par la collectivité de Saint-Barthélémy.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SCI La Bellevilloise tendant à l'application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : M. A... versera à la SCI La Bellevilloise une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : M. A... versera à la collectivité de Saint-Barthélémy une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la SCI La Bellevilloise ainsi qu'à la collectivité de Saint-Barthélémy.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 avril 2024.

La présidente-assesseure,

Christelle Brouard-LucasLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au préfet délégué auprès du représentant de l'État dans les collectivités territoriales de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX03463 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03463
Date de la décision : 11/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : SELARL CLOIX & MENDES-GIL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-11;21bx03463 ?
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