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09/04/2024 | FRANCE | N°23BX01170

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 09 avril 2024, 23BX01170


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

Par un jugement n° 2200235 du 4 avril 2023, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procéd

ure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 avril et 20 décembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

Par un jugement n° 2200235 du 4 avril 2023, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 avril et 20 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Elissalde, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200235 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 4 avril 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2021 du préfet de la Guadeloupe ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le préfet ne pouvait rejeter sa demande de titre de séjour avant l'expiration du récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation provisoire de séjour jusqu'au 25 novembre 2021 ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses filles, de nationalité française ;

- eu égard à sa situation personnelle et familiale, l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la situation de crise en Haïti justifie son admission au séjour au regard de considérations humanitaires et de motifs exceptionnels.

Par une ordonnance du 19 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 4 mars 2024 à 12h00.

Un mémoire en défense, présenté par le préfet de la Guadeloupe, a été enregistré le 4 mars 2024 à 17h34, soit après la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michaël Kauffmann a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant haïtien né le 24 décembre 1998, est entré irrégulièrement en France, selon ses affirmations, le 1er juillet 2013 et a sollicité, le 24 juin 2019, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 20 décembre 2021, le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. L'intéressé relève appel du jugement du 4 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, M. A... soutient que, titulaire d'un récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation provisoire de séjour jusqu'au 25 novembre 2021, le préfet ne pouvait rejeter sa demande de titre de séjour avant l'expiration de ce récépissé. Toutefois, l'arrêté litigieux ayant été édicté le 20 décembre 2021, soit postérieurement à cette date d'expiration, le moyen doit, en tout état de cause, être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1.". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ".

4. Le requérant se prévaut de la présence sur le territoire de ses deux filles, de nationalité française, nées de mères différentes les 8 janvier 2018 et 4 avril 2019. Pour refuser de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de parent d'enfant français, le préfet de la Guadeloupe s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé n'établit pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants. Si M. A... conteste le bien-fondé de ce motif, il ressort du procès-verbal établi par le brigadier-chef en fonction au commissariat de Point-à-Pitre le 4 mai 2021 à la suite d'une enquête de paternité, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, que le requérant a indiqué n'entretenir aucune relation suivie avec les mères de ses filles, qui habitent avec elles, ni avec ces dernières et ne pas connaître leurs adresses de résidence. Les deux attestations établies le 7 janvier 2022, postérieurement à la date de l'arrêté litigieux, par ses anciennes compagnes, indiquant que M. A... s'est toujours occupé de ses enfants et leur verse une pension alimentaire, de même que la preuve de deux versements effectués via Western Union en septembre et décembre 2021 d'un montant total de 250 euros sur le compte de la mère de l'une de ses filles, ne permettent pas, à elles seules, de regarder l'intéressé comme contribuant effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses filles depuis au moins deux ans à la date de la décision lui refusant le séjour. M. A... n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a entaché cette décision d'erreur d'appréciation.

5. En troisième lieu, M. A... reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par les premiers juges, le moyen tiré de ce que, eu égard à sa situation personnelle et familiale, l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Il résulte de ce qui a été exposé au point 4 que le requérant ne produit pas d'éléments suffisants de nature à justifier de ce qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses filles ni de l'intensité de la relation qu'il entretient avec elles. Dès lors, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familial", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

9. Si M. A... produit de nombreux documents et articles de presse d'ordre général relatifs à la situation en Haïti, notamment concernant les évènements qui se sont déroulés en 2019 et 2020 et les difficultés rencontrées par les haïtiens, il ne produit aucun document permettant de justifier d'une situation particulière pour lui en cas de retour en Haïti. Par suite, contrairement à ce qui est soutenu, son admission au séjour ne peut être regardée comme répondant à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.

Le rapporteur,

Michaël Kauffmann La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX011702


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01170
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : ELISSALDE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-09;23bx01170 ?
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