La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2024 | FRANCE | N°23BX01501

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 04 avril 2024, 23BX01501


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2020 par lequel le préfet de la Guyane lui a refusé un titre de séjour.



Par un jugement n° 2100788 du 27 avril 2023, le tribunal administratif de la Guyane a annulé l'arrêté préfectoral du 2 novembre 2020, a condamné l'Etat à verser au conseil de Mme C... la somme de 900 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice adm

inistrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, et a rejeté les conclusions à fin d'injonction prése...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2020 par lequel le préfet de la Guyane lui a refusé un titre de séjour.

Par un jugement n° 2100788 du 27 avril 2023, le tribunal administratif de la Guyane a annulé l'arrêté préfectoral du 2 novembre 2020, a condamné l'Etat à verser au conseil de Mme C... la somme de 900 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, et a rejeté les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juin 2023, le préfet de la Guyane demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 27 avril 2023 ;

2°) de rejeter la demande de Mme C... ;

3°) de rejeter toute demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'arrêté ne méconnaît pas les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'est pas démontré que le père de l'enfant contribue effectivement et régulièrement à l'entretien et l'éducation de sa fille depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans ;

- l'arrêté est signé par une autorité ayant reçu une délégation régulière ;

- il ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors que l'intéressée est célibataire, non dépourvue d'attaches familiales à l'étranger, qu'elle ne démontre pas avoir noué des liens particuliers en France et qu'il n'est pas établi que le père de l'enfant entretiendrait avec celui-ci des liens si intenses qu'un éloignement y porterait une atteinte disproportionnée.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 février 2024, Mme C..., représentée par Me Pépin, conclut au rejet de la requête, demande la réformation du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'injonction et à ce que soit enjoint au préfet de la Guyane de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et, dans les deux cas, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail sous huit jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Elle demande également à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que :

- l'arrêté est signé par une autorité incompétente ;

- il méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa situation n'a pas changé, qu'elle est toujours mère d'un enfant français, que la vie commune avec le parent français de l'enfant n'est pas une condition prévue par ces dispositions, que le père de l'enfant, dont elle est séparée depuis 2019, participe à l'entretien de l'enfant et qu'elle n'a pas estimé utile de saisir le juge aux affaires familiales, ce qui n'est d'ailleurs pas une obligation ; en tout état de cause, celui-ci a été saisi postérieurement à la décision attaquée et le jugement a été rendu le 18 août 2022, en prévoyant un exercice en commun de l'autorité parentale, une résidence à son domicile, un droit de visite et d'hébergement du père les weekends, une semaine sur deux, et une pension alimentaire de 50 euros ; l'examen de la participation à l'entretien et l'éducation de l'enfant par le parent français doit être effectué sur les deux années précédant la décision ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, puisqu'elle vit en France depuis plus de cinq ans et en séjour régulier depuis trois ans ; elle a fait des efforts particuliers d'intégration en suivant une formation pendant neuf mois en 2018.

Par une décision du 24 août 2023, Mme C... a obtenu le maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale qui lui avait été accordée par une décision du 5 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Olivier Cotte a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante haïtienne née le 10 octobre 1992, est entrée en France en 2015. Elle s'est vu délivrer, en qualité de parent d'enfant français, une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale, valable du 1er juin 2018 au 31 mai 2019, renouvelée une fois. Elle a sollicité, le 27 mai 2020, un nouveau renouvellement de sa carte de séjour temporaire. Par un arrêté du 2 novembre 2020, le préfet de la Guyane a refusé de faire droit à sa demande. Saisi par Mme C..., le tribunal administratif de la Guyane a, par un jugement du 27 avril 2023, annulé cet arrêté et condamné l'Etat à verser une somme de 900 euros au conseil de l'intéressée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Le préfet de la Guyane relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ; (...) ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a eu, de sa relation avec M. B..., ressortissant français, une fille, D..., née le 6 mars 2017, que le couple a reconnue par anticipation le 24 octobre 2016. Il n'est pas contesté que Mme C... contribue à l'entretien et l'éducation de son enfant, avec laquelle elle vit seule depuis 2019 et la séparation d'avec son conjoint. Pour établir la contribution de M. B..., Mme C... produit une trentaine de factures de pharmacie attestant de l'achat par celui-ci de produits pour bébé, à un rythme régulier entre septembre 2019 et octobre 2020, pour un montant mensuel moyen de 57 euros, ainsi qu'une facture d'août 2020 pour des fournitures scolaires. Si le préfet soutient que la preuve de la participation à l'entretien de l'enfant n'est pas rapportée depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans, cette condition de durée n'est pas opposable au parent auteur de la reconnaissance de paternité. Bien que modeste, cette contribution apparaît proportionnée au regard de la situation de M. B..., sans emploi, et du jeune âge de l'enfant. Dans ces conditions, en refusant de renouveler le titre de séjour qui avait été accordé à Mme C..., pour la première fois, le 1er juin 2018, le préfet de la Guyane a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Guyane n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a annulé l'arrêté du 2 novembre 2020 et a condamné l'Etat à verser au conseil de Mme C... la somme de 900 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les conclusions à fin d'injonction rejetées par le tribunal :

5. Pour rejeter les conclusions présentées par Mme C... tendant à enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer un titre de séjour, le tribunal a relevé que l'intéressée s'était vu délivrer une carte de séjour temporaire valable du 11 mai 2022 au 10 mai 2023. Si cette décision est intervenue pour assurer l'exécution de la mesure de suspension prise sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative par le juge des référés de ce tribunal le 27 juillet 2021 et si elle revêt, par sa nature même, un caractère provisoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le recours en annulation présenté parallèlement à la demande en référé, l'annulation de la décision de refus de séjour au fond implique que ce titre de séjour ne puisse plus être retiré. Par suite, en constatant que Mme C... était déjà admise au séjour pour rejeter ses conclusions à fin d'injonction, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une erreur de droit.

Sur les frais liés au litige :

6. Mme C... a obtenu le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour l'instance d'appel. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Pépin de la somme de 1 200 euros.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Guyane est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Pépin la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme C... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme A... C... et à Me Pépin. Copie en sera adressée au préfet de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2024.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23BX01501


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01501
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : PEPIN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;23bx01501 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award