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26/03/2024 | FRANCE | N°22BX00927

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 26 mars 2024, 22BX00927


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Défense des milieux aquatiques a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 31 août 2015 par lequel le préfet de la région Aquitaine a approuvé le plan de gestion des poissons migrateurs du bassin de l'Adour prévu pour la période 2015-2019 ainsi que la décision du 20 décembre 2018 rejetant son recours gracieux, et d'enjoindre au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine de mettre en place et d'animer un comité de gestion des poissons

migrateurs conformément aux règles de fonctionnement du code de l'environnement.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Défense des milieux aquatiques a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 31 août 2015 par lequel le préfet de la région Aquitaine a approuvé le plan de gestion des poissons migrateurs du bassin de l'Adour prévu pour la période 2015-2019 ainsi que la décision du 20 décembre 2018 rejetant son recours gracieux, et d'enjoindre au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine de mettre en place et d'animer un comité de gestion des poissons migrateurs conformément aux règles de fonctionnement du code de l'environnement.

Par un jugement n° 1900159 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 mars 2022, 17 avril 2023 et 29 décembre 2023, l'association Défense des milieux aquatiques, représentée par Me Crecent, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900159 du tribunal administratif de Bordeaux du 17 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 août 2015 par lequel le préfet de la région Aquitaine a approuvé le plan de gestion des poissons migrateurs du bassin de l'Adour prévu pour la période 2015-2019 ainsi que la décision du 20 décembre 2018 rejetant son recours administratif préalable gracieux tendant à l'annulation dudit arrêté ;

3°) d'abroger l'arrêté du 31 août 2015 par lequel le préfet de la région Aquitaine a approuvé le plan de gestion des poissons migrateurs du bassin de l'Adour prévu pour la période 2015-2019 ainsi que la décision du 20 décembre 2018 rejetant son recours gracieux ;

4°) d'enjoindre au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine de publier sur son site internet le contenu du présent arrêt en ce qu'il concerne la pêche commerciale et la pêche amateur aux engins et filets, ou de porter information sur tout support de communication permettant de faire le lien avec les pêcheurs professionnels ;

5°) d'enjoindre au préfet de Nouvelle-Aquitaine de saisir les vidéos et photos proposées par les pêcheurs de Capbreton à l'administration ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne l'irrégularité du jugement :

- le jugement attaqué a omis de répondre aux moyens tirés de la méconnaissance des articles 6 et 16 de la directive Habitats, dès lors que cette directive n'a a pas été entièrement transposée et que ces moyens étaient donc opérants ;

- le jugement n'a pas répondu au moyen tiré du défaut d'évaluation des incidences Natura 2000 du plan de gestion des poissons migrateurs (PLAGEPOMI) du bassin de l'Adour, imposée par l'article 6 de la directive Habitats ;

- le jugement n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution ;

En ce qui concerne la recevabilité de la demande et des conclusions d'appel :

- avant la clôture d'instruction, elle a clarifié ses conclusions tendant à l'annulation d'un refus d'abrogation de l'arrêté en litige ; les conclusions présentées en première instance et en appel sont ainsi identiques dès lors qu'elles tendent à obtenir l'annulation de la décision de refus du 20 décembre 2018 et l'abrogation de l'arrêté en litige ; ses conclusions sont par suite recevables ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

- le tribunal aurait dû tenir compte des dispositions de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration aux termes desquelles l'administration est tenue d'abroger un acte réglementaire illégal, que cette illégalité ait été ab initio ou qu'elle soit intervenue à la suite d'un changement de fait ou de droit ; dans ces conditions, les premiers juges ne pouvaient se prévaloir de ce que l'arrêté portant désignation de site Natura 2000 de l'Adour du 23 septembre 2016 était postérieur à l'édiction de l'arrêté attaqué pour écarter les moyens tirés de la méconnaissance des obligations de protection de la faune s'attachant à l'existence d'une zone Natura 2000 ; le PLAGEPOMI a des effets significatifs sur les espèces en cause dont il organise les modalités de pêche et devait donc faire l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 et le principe de précaution est bien applicable ;

- l'arrêté attaqué méconnait les dispositions de l'article 6 de la directive européenne 92/43/CEE du 21 mai 1992, dite directive Habitats faune flore ; ce moyen peut utilement être invoqué dès lors que l'article L. 414-1 du code de l'environnement ne transpose pas conformément les articles 1g) et 6§2 de la directive Habitat ;

- aucune évaluation des incidences du PLAGEPOMI sur les sites classés Natura 2000 n'a été réalisée, en méconnaissance de l'article 6§3 de la directive " Habitats " et de l'article L. 414-4 du code de l'environnement ;

- les listes " positives " des documents de planification, programmes ou projets ainsi que les manifestations ou interventions, mises en place par les III et IV de l'article L. 414-4 ainsi que les dispositions du IV de cet article du code de l'environnement sont inconventionnelles ;

- l'arrêté attaqué méconnait l'article 2 de la directive Habitats dès lors que les états de conservation de l'alose, de la lamproie, du saumon atlantique, sont tous défavorables-mauvais ; l'arrêté porte également atteinte à la conservation de la mulette et méconnait dès lors l'article 2 de l'arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mollusques protégés sur l'ensemble du territoire ;

- l'arrêté attaqué porte atteinte au principe de précaution énoncé à l'article 5 de la charte de l'environnement et repris à l'article L. 110-1 du code de l'environnement ;

- il méconnait l'article L. 219-9 du code de l'environnement, dès lors que le bon état écologique des poissons migrateurs n'est pas atteint pour aucune de ces espèces ;

- les dispositions des articles R. 436-44 à R. 436-54 du code de l'environnement qui fondent le PLAGEPOMI contesté sont illégales ;

- l'arrêté interdépartemental n° 2016-422 du 27 juin 2016, modifié le 16 septembre 2016, portant approbation du cahier des clauses et conditions particulières d'exploitation du droit de pêche de l'Etat pour la période courant du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2021, est illégal ;

- le nouvel arrêté éditant le PLAGEPOMI 2022-2027 ne prend pas en compte la directive Habitats ni le principe de précaution ;

- elle reprend, dans le cadre de l'effet dévolutif ou de l'évocation, l'ensemble des moyens invoqués en première instance et invoque notamment la méconnaissance des dispositions de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration, de l'article 1 g) de la directive Habitats-Faune-Flore, des paragraphes 1, 2 et 3 de l'article 6 de cette directive, du règlement européen (UE) 2021/783 du parlement européen du 29 avril 2021, des articles L. 414-4, R. 414-19, L. 435-1, R. 435-2 et R. 414-23 du code de l'environnement, des I et IV de l'article L. 414-1 du code de l'environnement, de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques, du principe de précaution, de l'arrêté du 23 avril 2007 fixant les listes des mollusques protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions présentées en première instance tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 août 2015 étaient tardives et dès lors devaient être rejetées comme étant irrecevables ;

- les conclusions tendant à l'abrogation de l'arrêté du 31 août 2015 sont nouvelles en appel, et doivent dès lors être rejetées comme étant irrecevables ;

- les moyens invoqués par l'association requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pauline Reynaud,

- et les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 31 août 2015, le préfet de la région Aquitaine a approuvé, après avoir recueilli l'avis du comité de gestion des poissons migrateurs du bassin de la Garonne, exprimé le 5 mars 2015, le plan de gestion des poissons migrateurs du bassin de l'Adour (PLAGEPOMI) pour la période 2015-2019. L'association Défense des ressources marines (ADRM), devenue association Défense des milieux aquatiques, a formé un recours gracieux, contre cet arrêté, lequel a été rejeté par une décision du 20 décembre 2018. L'association Défense des milieux aquatiques a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 31 août 2015 et la décision du 20 décembre 2018. L'association relève appel du jugement n° 1900159 du 17 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur la recevabilité des conclusions de première instance à fin d'annulation de l'arrêté du 31 août 2015 :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du préfet de la région Aquitaine du 31 août 2015 portant approbation du PLAGEPOMI du bassin de l'Adour prévu pour la période 2015-2019 a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région Aquitaine n° 2015-062 du 14 septembre 2015. Le recours gracieux réceptionné le 31 octobre 2018 n'a par ailleurs pas eu pour effet de proroger le délai de recours contentieux de deux mois, prévu par les dispositions précitées. Dans ces conditions, les conclusions de l'association Défense des milieux aquatiques tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 août 2015, enregistrées au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 14 janvier 2019, étaient tardives et, par suite, irrecevables.

Sur les conclusions à fin d'abrogation de l'arrêté du 31 août 2015 :

4. Si l'association Défense des milieux aquatiques peut demander au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine l'abrogation de l'arrêté du 31 août 2015 approuvant le PLAGEPOMI du bassin de l'Adour pour la période 2015-2019, et contester devant le juge de l'excès de pouvoir, le cas échéant, le refus qui est opposé, il n'appartient pas à la cour administrative d'appel de prononcer elle-même l'abrogation de cet arrêté. Or, il ressort de la requête de l'association appelante que celle-ci conclut à l'abrogation de l'arrêté du 31 août 2015 et non à l'annulation du refus d'abroger cet arrêté. En tout état de cause, ces conclusions tendant à l'abrogation de l'arrêté du 31 août 2015, qui n'ont pas été soumises aux premiers juges, ont le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel. Par suite, elles sont irrecevables et doivent être rejetées comme telles.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 20 décembre 2018 :

5. Aux termes de l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut retirer un acte réglementaire que s'il est illégal et si le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant son édiction ".

6. Il résulte de ces dispositions que, dès lors que le délai de quatre mois suivant l'édiction de l'arrêté du 31 août 2015 était dépassé, le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine était tenu de refuser de retirer cet arrêté. Par suite, l'ensemble des moyens invoqués à l'appui de ces conclusions étaient inopérants.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Défense des milieux aquatiques n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association Défense des milieux aquatiques est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Défense des milieux aquatiques et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

La rapporteure,

Pauline ReynaudLa présidente,

Evelyne Balzamo Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX00927 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00927
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : CRECENT

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;22bx00927 ?
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