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26/03/2024 | FRANCE | N°22BX00404

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 26 mars 2024, 22BX00404


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016.



Par un jugement n° 1900708 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de la Guyane a prononcé la décharge de la majoration de 40 % dont ont été assortis les suppléments d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au ti

tre des années 2015 et 2016 et a rejeté le surplus de sa demande.



Procédure devant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016.

Par un jugement n° 1900708 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de la Guyane a prononcé la décharge de la majoration de 40 % dont ont été assortis les suppléments d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, enregistrées les 5 février et 7 février 2022, Mme B..., représentée par Me Chicot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900708 du tribunal administratif de la Guyane du 16 décembre 2021 en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- son affectation professionnelle en Guyane à compter du mois de janvier 2013 ne peut fonder la remise en cause de la réduction d'impôt dès lors qu'elle a conservé son habitation principale en Guadeloupe où réside sa fille à charge, née en 1986, et où se situe le centre de ses intérêts matériels et moraux ; elle a bénéficié d'un congé dit " bonifié " pour se rendre en Guadeloupe en 2017 ;

- le recours à la notion de centre d'intérêts matériels et moraux, consacrée par la jurisprudence et la doctrine administrative, corrobore son argumentaire sur le maintien de sa résidence principale en Guadeloupe ;

- le bénéfice du crédit d'impôt sur le revenu au titre des intérêts des prêts contractés auprès d'un établissement financier pour l'acquisition d'une habitation principale reste acquis lorsque, à la suite d'une mutation professionnelle, le contribuable n'est plus en mesure d'affecter le logement objet du prêt à son habitation principale ; cette tolérance légale est transposable aux autres crédits d'impôt visant à favoriser l'accession à la propriété en outre-mer ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré appliquée aux rehaussements en litige n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les conclusions relatives à la majoration de 40 % sont irrecevables dès lors que le tribunal a prononcé la décharge de cette majoration et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 29 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 24 janvier 2023 à 12 heures.

Des mémoires, présentés pour Mme B..., ont été enregistrés le 30 janvier 2023, soit après la clôture d'instruction, et n'ont pas été communiqués.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michaël Kauffmann,

- et les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a imputé sur ses cotisations initiales d'impôt sur le revenu au titre des années 2015 et 2016, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies A du code général des impôts, une réduction d'impôt résultant de l'investissement outre-mer consistant en la construction, en 2010, d'une maison individuelle destinée à être affectée à sa résidence principale sur la commune de Sainte-Rose, en Guadeloupe. A la suite d'un contrôle sur pièces portant sur les années 2015 à 2017, l'administration a notifié à Mme B..., par une proposition de rectification du 16 octobre 2018, des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu correspondant à la reprise de la réduction d'impôt pratiquée par l'intéressée au titre des années 2015 et 2016, au motif que l'intéressée n'a pas respecté son engagement d'affecter le bien à son habitation principale pendant une durée de cinq ans à compter de son achèvement. Par un jugement du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de la Guyane a prononcé la décharge de la majoration de 40 % dont ont été assortis ces suppléments d'impôt et a rejeté le surplus de sa demande tendant à leur décharge. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 199 undecies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 1. Il est institué une réduction d'impôt sur le revenu pour les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B qui investissent dans les départements d'outre-mer (...) entre la date de promulgation de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer et le 31 décembre 2017. / 2. La réduction d'impôt s'applique : / a) Dans la limite d'une surface habitable comprise entre 50 et 150 mètres carrés et fixée par décret selon le nombre de personnes destinées à occuper à titre principal le logement, au prix de revient de l'acquisition ou de la construction régulièrement autorisée par un permis de construire d'un immeuble neuf situé dans les départements ou collectivités visés au 1, que le propriétaire prend l'engagement d'affecter dès l'achèvement ou l'acquisition si elle est postérieure à son habitation principale pendant une durée de cinq ans ; / (...) / 7. En cas de non-respect des engagements mentionnés aux 2 et 6, (...) la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année où interviennent les événements précités. (...) ".

3. Pour bénéficier de la réduction d'impôt prévue par les dispositions du a) du 1 de l'article 199 undecies A du code général des impôts, Mme B... a pris l'engagement d'affecter la maison qu'elle a fait construire en Guadeloupe à son habitation principale à compter de son achèvement, le 20 décembre 2010, pour une durée de cinq ans. Il est constant que la requérante a occupé cette maison à titre de résidence principale jusqu'en janvier 2013, année à compter de laquelle elle a été amenée à s'installer en Guyane en raison de sa mutation professionnelle. Si Mme B... soutient qu'au titre des années 2013 à 2015, sa fille majeure, dont il n'est pas établi qu'elle aurait appartenu à son foyer fiscal, résidait dans la maison construite en Guadeloupe, cette circonstance n'est pas de nature à conférer à ce logement le caractère d'une habitation principale, dès lors que l'appelante n'y résidait pas elle-même habituellement au cours de ces années et qu'en raison de la distance géographique entre la Guadeloupe et la Guyane, elle ne pouvait s'y rendre que ponctuellement. A cet égard, la circonstance qu'au titre de l'année 2017, soit, en tout état de cause, postérieurement aux années d'imposition litigieuses, Mme B... a bénéficié d'un congé dit " bonifié " est sans influence sur la qualification d'habitation principale du bien. Dans ces conditions, la requérante a rompu son engagement d'affecter ce bien à son habitation principale pendant une durée de cinq ans. Par suite, c'est à bon à droit que l'administration a, sur le fondement des dispositions précitées du 7 de l'article 199 undecies A du code général des impôts, remis en cause les réductions d'impôt sur le revenu dont elle avait entendu obtenir le bénéfice au titre des années 2015 et 2016.

4. En second lieu, la circonstance qu'en ce qui concerne le bénéfice du crédit d'impôt sur le revenu au titre des intérêts des prêts contractés auprès d'un établissement financier pour l'acquisition d'une habitation principale, le VI de l'article 200 quaterdecies du code général des impôts prévoit que ce régime s'applique également aux intérêts versés par le contribuable qui, à la suite d'une mutation professionnelle, n'est plus en mesure d'affecter le logement objet du prêt à son habitation principale est sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige, l'article 199 undecies A du même code ne prévoyant pas une telle tolérance.

En ce qui concerne l'application de la doctrine administrative :

5. A supposer que Mme B... puisse être regardée comme entendant se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, auquel il n'est pas fait référence dans ses écritures, du bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale exposée dans le paragraphe n° 20 du BOI-IR-RICI-80-10-20-20, dans les paragraphes n° 10, n° 90, n° 100 et n° 110 du BOI-IR-RICI-350-30, dans la réponse ministérielle du 17 juin 2008 à la question écrite n° 15034 du député Mallié, dans les réponses ministérielles du 16 mars 2021 aux questions écrites n° 24404 et n° 32075 des députés Ratenon et Dunoyer, dans la réponse ministérielle du 11 juin 2009 à la question écrite n° 08248 de la sénatrice Payet et dans la réponse ministérielle du 29 juillet 1993 à la question écrite n° 00211 du sénateur Cluzel, ceux-ci ne contiennent aucune interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il lui est fait application dans le cadre de la présente instance.

Sur le bien-fondé des pénalités :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I.- Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que toute créance fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe à la direction générale des impôts, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. Ainsi qu'il a été énoncé aux points 2 à 5, les impositions supplémentaires litigieuses auxquelles Mme B... a été assujettie sont justifiées. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle doit être déchargée des intérêts de retard qui lui ont été appliqués, en conséquence du caractère infondé de ces impositions.

8. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

9. Le tribunal administratif de la Guyane a prononcé la décharge de la majoration de 40 % dont ont été assortis, sur le fondement du a de l'article 1729 du code général des impôts, les suppléments d'impôt sur le revenu auxquels Mme B... a été assujettie au titre des années 2015 et 2016. Par suite, comme le fait valoir le ministre, les conclusions de la requête relatives à cette majoration sont irrecevables.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté le surplus de sa demande. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

Le rapporteur,

Michaël Kauffmann La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX00404

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00404
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : CABINET PIERRE YVES CHICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;22bx00404 ?
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