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21/03/2024 | FRANCE | N°23BX01604

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 21 mars 2024, 23BX01604


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2023 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n°2300429 du 24 avril 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



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Par une requête enregistrée le 12 juin 2023, M. A... B..., représenté par Me Astié, demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2023 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°2300429 du 24 avril 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juin 2023, M. A... B..., représenté par Me Astié, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 avril 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et ce sous astreinte de 80 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et ce sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- l'auteur de l'acte attaqué est incompétent ;

- la procédure prévue par les articles R.425-11 et R.425-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été irrégulièrement suivie ;

- il a été privé de la garantie constituée par le débat collégial entre les trois médecins constituant le collège de l'office français de l'immigration et de l'intégration dès lors que les médecins ne se sont pas réunis pour examiner son état de santé ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article L.425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- l'auteur de l'acte attaqué est incompétent ;

- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour entache d'illégalité l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français entache d'illégalité la décision fixant le pays de destination.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il confirme les termes de son mémoire en défense transmis en première instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Edwige Michaud, rapporteur,

- et les observations de Me Kecha, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 17 novembre 1968 et de nationalité albanaise, s'est vu attribuer un titre de séjour sur le fondement de l'article L.425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la période comprise entre le 29 juin 2021 et le 28 juin 2022. Le 11 mai 2022, il a sollicité le renouvellement d'un titre de séjour vie privée et familiale. Par un arrêté du 13 janvier 2023, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 24 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 13 janvier 2023.

Sur la demande d'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. M. B... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juin 2023, il n'y a plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L.425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...).". Aux termes de l'article R.425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R.425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet. Dans ce cas le récépissé de demande de première délivrance d'un titre de séjour prévu à l'article R. 431-12 n'est pas délivré. Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa. / (...). ".

4. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

5. Le collège des médecins de l'OFII a estimé dans son avis du 2 décembre 2022 que le défaut de prise en charge de l'état de santé de M. B... est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Albanie, l'intéressé peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. A la date de l'arrêté attaqué, le requérant souffrait notamment d'une paraplégie consécutive à un accident sur la voie publique subi en 1998 qui a également engendré une amputation d'un membre inférieur droit de sorte qu'il a besoin d'un fauteuil roulant pour se déplacer, de troubles vésico-sphinctériens d'origine neurologique en raison de sa paraplégie et également d'une myocardite infectieuse. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. B... est sans domicile fixe et doit réaliser des auto-sondages quotidiens. Enfin, le requérant a été victime le 22 juillet 2022 d'un nouvel accident sur la voie publique à l'origine d'une fracture de la hanche droite, nécessitant une osthéosynthèse par vis. M. B... soutient qu'à la date de l'arrêté attaqué, il suivait un traitement médicamenteux composé de toviaz 8mg, tahor 40mg, doliprane, tramadol et ésoméprazole et que seuls le doliprane et le tramadol sont remboursés en Albanie. M. B... produit pour la première fois en appel une liste de médicaments remboursés par la caisse obligatoire d'assurance maladie de son pays, dont le contenu n'est pas contesté en défense. Le médicament Toviaz, et la fésotérodine fumarate, molécule qui compose ce médicament, ne sont pas mentionnés sur cette liste. Or ce médicament est indispensable au traitement de M. B... qui souffre d'incontinence urinaire et dont l'état de santé nécessite des auto-sondages à vie. Dans ces conditions, M. B... ne peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en cas de retour dans son pays d'origine, de sorte qu'en refusant son admission au séjour, la préfète de la Gironde a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Par voie de conséquence de l'annulation de cette décision, il y a lieu également d'annuler les décisions litigieuses de la préfète de la Gironde obligeant M. B... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 13 janvier 2023.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Eu égard au motif d'annulation, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Gironde délivre à M. B... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer ce titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Astié dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le jugement du 24 avril 2023 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du 13 janvier 2023 de la préfète de la Gironde sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. B... le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L.425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Astié une somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Gironde et à Me Astié.

Délibéré après l'audience du 29 février 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Edwige Michaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024.

La rapporteure,

Edwige MichaudLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01604


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01604
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Edwige MICHAUD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;23bx01604 ?
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