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21/03/2024 | FRANCE | N°22BX01591

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 21 mars 2024, 22BX01591


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société La Goudue Terre et Watts a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2019 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne a refusé de lui accorder l'autorisation de défricher une parcelle boisée de 21,60 hectares cadastrée section AH n°155 située sur le territoire de la commune de Pindères en vue de l'exploitation d'une centrale photovoltaïque au sol, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux.



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n jugement n° 2001713 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 7 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société La Goudue Terre et Watts a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2019 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne a refusé de lui accorder l'autorisation de défricher une parcelle boisée de 21,60 hectares cadastrée section AH n°155 située sur le territoire de la commune de Pindères en vue de l'exploitation d'une centrale photovoltaïque au sol, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2001713 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 7 novembre 2019 et enjoint au préfet de Lot-et-Garonne de délivrer à la société la Goudue Terre et Watts l'autorisation de défrichement sollicitée dans un délai d'un mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 juin 2022, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 avril 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux par la société La Goudue Terre et Watts.

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que l'arrêté était entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 9° de l'article L. 341-5 du code forestier.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 novembre 2022, la société La Goudue Terre et Watts, représentée par Me Versini-Campinchi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le moyen soulevé par le ministre n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code forestier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kolia Gallier,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Versini-Campinchi, représentant la société La Goudue Terre et Watts.

Considérant ce qui suit :

1. M. Godfroy, président de la SAS La Goudue Terre et Watts et mandataire du groupement forestier de l'Argentey, a demandé à la préfète de Lot-et-Garonne, le 29 juin 2018, l'autorisation de défricher 21,60 hectares de bois sur une parcelle cadastrée section AH n° 155 sur le territoire de la commune de Pindères, dans le cadre d'un projet de construction d'une centrale photovoltaïque au sol nécessitant une surface totale à défricher de 40 hectares, le surplus se situant sur la commune de Lartigue dans le département de la Gironde. Par un arrêté du 7 novembre 2019, la préfète de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer l'autorisation sollicitée. La SAS La Goudue Terre et Watts a formé un recours gracieux contre cette décision qui a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par l'administration. Le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire relève appel du jugement du 14 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de la SAS La Goudue Terre et Watts tendant à l'annulation de la décision du 7 novembre 2019 et a enjoint au préfet de Lot-et-Garonne de délivrer l'autorisation de défrichement sollicitée.

2. Aux termes de l'article L. 341-5 du code forestier : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : (...) / 9° A la protection des personnes et des biens et de l'ensemble forestier dans le ressort duquel ils sont situés contre les risques naturels, notamment les incendies et les avalanches. "

3. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée AH n° 155 est située au sein du massif des Landes de Gascogne, massif le plus important d'Europe avec une surface de plus d'un million d'hectares et composé majoritairement de pins maritimes, arbres résineux extrêmement inflammables. Ce secteur est classé en " niveau 4 fort " de sensibilité au feu par le plan interdépartemental de protection de la forêt contre les incendies applicable sur le territoire des départements de la Gironde, des Landes et du Lot-et-Garonne et l'étude d'impact du projet relève un aléa fort aux feux de forêt pour l'aire d'étude immédiate du terrain concerné. Il ressort également des pièces du dossier que le projet de centrale photovoltaïque, qui pouvait être pris en considération par l'administration pour apprécier la réponse à apporter à la demande d'autorisation de défrichement sollicitée par la société pétitionnaire, entraine un risque spécifique d'incendie. A cet égard, l'étude d'impact souligne, il est vrai, que plusieurs sources de démarrage de feu sont possibles, principalement liées aux unités de transformation de l'électricité, soit le poste de livraison et les transformateurs. Toutefois, la société pétitionnaire a intégré à son projet l'ensemble des recommandations faites par le service départemental d'incendie et de secours et par l'association régionale de défense des forêts contre l'incendie, notamment la création d'une zone débroussaillée de cinquante mètres de profondeur en périphérie de l'installation, deux bandes de roulement de cinq mètres de largeur de part et d'autre de la clôture, la bande extérieure étant reliée aux voies d'accès existantes du massif forestier, une réserve incendie de 120 m3 à l'entrée du site, des dispositifs d'isolement des éléments de production d'électricité et de protection mécanique du réseau électrique, la définition d'un plan d'organisation interne des secours ainsi que la conservation d'une voie d'intérêt opérationnel et un point d'alimentation en eau. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport sur le risque incendie réalisé par la société Socotec au mois de février 2020, que l'ensemble de ces mesures permet de porter le risque de développement d'un incendie sur la centrale photovoltaïque à un niveau plus faible que celui d'un départ de feu extérieur dans la forêt environnante. En outre, si le projet comporte des sources possibles de démarrage de feu, les éléments au dossier convergent pour retenir que de tels feux sont peu violents, les matériaux présents sur une centrale photovoltaïque étant faiblement combustibles, et qu'ils présentent un risque faible de propagation au milieu extérieur au vu de l'ensemble des mesures de prévention et d'éloignement du massif forestier observées. Le ministre, en se bornant à produire quelques articles de journaux faisant état de départs d'incendie sur des parcs photovoltaïques dont aucun ne s'est propagé à l'environnement des sites, ne se prévaut pas d'élément permettant de caractériser un risque pour la protection des personnes, des biens ou de l'ensemble forestier au sens des dispositions précitées. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par la préfète de Lot-et-Garonne dans l'application des dispositions de l'article L. 341-5 du code forestier.

4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de la société La Goudue Terre et Watts. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la société La Goudue Terre et Watts au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la société La Goudue Terre et Watts la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et à la société La Goudue Terre et Watts.

Copie en sera adressée au préfet de Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 29 février 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024.

La rapporteure,

Kolia GallierLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX01591 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01591
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : CABINET LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;22bx01591 ?
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