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21/03/2024 | FRANCE | N°21BX02363

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 21 mars 2024, 21BX02363


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 juin 2021 et le 15 septembre 2022, la société Enertrag Poitou Charentes V, représentée par Me Guiheux, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 6 avril 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale en vue de la création et de l'exploitation d'une installation de production d'électricité composée de quatre aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Sommières-du-Clain ;



2°) à titre principal, de lui délivrer l'autorisation environnementale sollicitée et à titre subsidiaire,...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 juin 2021 et le 15 septembre 2022, la société Enertrag Poitou Charentes V, représentée par Me Guiheux, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 6 avril 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale en vue de la création et de l'exploitation d'une installation de production d'électricité composée de quatre aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Sommières-du-Clain ;

2°) à titre principal, de lui délivrer l'autorisation environnementale sollicitée et à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer cette autorisation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 6 avril 2021 est insuffisamment motivé en méconnaissance du 7° de l'article L.211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- son projet ne comporte pas d'incertitudes concernant la localisation des éoliennes, l'étude acoustique, l'impact du projet sur les chiroptères et le raccordement du parc au réseau électrique ;

- c'est au terme d'une erreur de fait que la préfète indique, dans l'arrêté contesté, que le risque de collision pour les chiroptères serait modéré à fort au regard de l'absence de sensibilité du site, des impacts bruts tout au plus modérés sur les chiroptères et des mesures visant à éviter, réduire et compenser ces impacts de sorte que les effets résiduels attendus sont faibles donc non significatifs pour les chauves-souris ;

- le paysage ne présente pas d'intérêt ou de sensibilité qui justifierait une protection particulière ;

- c'est au terme d'erreurs de fait et d'appréciation que la préfète de la Vienne fait grief au projet d'engendrer de multiples impacts sur le paysage et le patrimoine :

o s'agissant tout d'abord du risque de saturation visuelle et d'encerclement allégué, la densité éolienne dans l'aire d'étude du projet ne permet pas de conclure à un phénomène de saturation paysagère ou d'encerclement des habitations les plus proches ;

o les impacts du projet sur les hameaux les plus proches sont faibles ou modérés dans leur majorité et si les quatre éoliennes projetées sont nécessairement visibles depuis certains hameaux proches, cette visibilité ne saurait, à elle seule, constituer un impact " significatif " de nature à justifier un refus d'autorisation environnementale ;

o l'implantation des éoliennes résultant de la variante n°3 répond aux préconisations paysagères en termes notamment d'éloignement aux habitations et d'alignement par rapport à l'axe de la vallée du Clain et les éoliennes s'insèrent de manière cohérente avec les parcs existants et autres projets connus, dont elles sont en tout état de cause relativement éloignées ;

o l'impact du projet sur le bourg de Sommières-du-Clain et notamment son cimetière, est non significatif ;

o les phénomènes de covisibilité entre le projet de parc éolien et le château de Vareilles, évoqués par la préfète, sont minimes ;

o le projet ne porte pas atteinte de manière significative au paysage depuis le horst de Champagné-Saint-Hilaire ;

- le motif de l'arrêté attaqué relatif à l'absence d'acceptabilité locale du projet ne se rattache à aucun des intérêts mentionnés à l'article L.511-1 du code de l'environnement et en tout état de cause, manque en fait.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Enertrag Poitou Charentes V ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 15 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 17 octobre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Edwige Michaud, rapporteure,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Galipon, représentant la société Enertrag Poitou Charentes V.

Considérant ce qui suit :

1. La société Enertrag Poitou Charentes V a déposé le 8 août 2018, un dossier de demande d'autorisation environnementale, complété le 23 juillet 2019, pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs d'une hauteur de 200 mètres en bout de pales, sur le territoire de la commune de Sommières-du-Clain, dénommé " Parc de la Roche au Loup ". Par un arrêté du 6 avril 2021, la préfète de la Vienne a refusé de délivrer cette autorisation. La société Enertrag Poitou Charentes V demande l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 6 avril 2021 :

En ce qui concerne la motivation de l'arrêté :

2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. Après avoir visé les textes applicables et notamment les articles pertinents du code de l'environnement, en particulier son article L. 511-1, et décrit le projet de parc éolien, la préfète a relevé que deux des quatre éoliennes du projet sont situées dans des zones pour lesquelles le risque de collision, notamment pour les chiroptères est jugé modéré à fort, que du fait de la situation de la zone d'implantation du projet dans une zone dense en parcs éoliens, le projet de la société Enertrag Poitou Charentes V est de nature à induire localement des effets de saturation, ainsi que des effets d'encerclement pour les bourgs et habitations situés au milieu des différents parcs éoliens situés alentour et notamment pour le bourg de Sommières-du-Clain situé à proximité du site dès lors que depuis la place principale ou ses différents accès, les éoliennes du parc seront visibles. Elle ajoute que l'implantation projetée des quatre éoliennes est envisagée en zigzag et que le projet n'est pas accepté sur le plan local. Puis, elle oppose un motif relatif à l'atteinte aux paysages dans la mesure où le projet aura un impact sur le château de Vareilles et sur le site du Horst de Champagné-Saint-Hilaire. Enfin, la préfète, qui indique que l'avis défavorable du commissaire-enquêteur révèle que le projet comporte plusieurs incertitudes sur la localisation précise des éoliennes, l'étude acoustique, les impacts sur les chiroptères et les migrateurs et sur le raccordement au projet électrique, susceptibles de remettre en cause les caractéristiques de son implantation et de produire des impacts supérieurs à ceux envisagés, doit être regardée comme ayant entendu opposer le motif tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact sur ces points. La société requérante ne saurait sérieusement soutenir que la préfète de la Vienne ne précise pas suffisamment ces incertitudes qui sont énumérées dans l'arrêté attaqué et qui étaient développées dans l'avis défavorable du commissaire enquêteur et dans l'avis de la Mrae. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté doit être écarté.

En ce qui concerne le motif relatif à l'insuffisance de l'étude d'impact :

4. En application de l'article R.122-5 du code de l'environnement dans sa version applicable au litige : " II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) ; 2° Une description du projet, y compris en particulier : - une description de la localisation du projet ; (...) ; 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ; 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : a) De la construction et de l'existence du projet, y compris, le cas échéant, des travaux de démolition ; b) De l'utilisation des ressources naturelles, en particulier les terres, le sol, l'eau et la biodiversité, en tenant compte, dans la mesure du possible, de la disponibilité durable de ces ressources ; (...) ; (...) ; d) Des risques pour la santé humaine, pour le patrimoine culturel ou pour l'environnement ; (...) ; 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour : - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. / La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes, de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur les éléments mentionnés au 5° ; 9° Le cas échéant, les modalités de suivi des mesures d'évitement, de réduction et de compensation proposées ; 10° Une description des méthodes de prévision ou des éléments probants utilisés pour identifier et évaluer les incidences notables sur l'environnement ; (...). ". Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

5. En premier lieu, la préfète de la Vienne estime que la localisation des éoliennes comporte des incertitudes au regard de la géologie du sol et de potentiels vestiges archéologiques, susceptibles de produire des impacts supérieurs à ceux envisagés. L'étude d'impact indique toutefois que la région du projet de la Roche au Loup présente des risques d'effondrement liés à des présences de dolines ou cavités karstiques, et que d'après les visites de terrain, des dolines sont présentes au sein de l'aire d'étude immédiate, que la nature géologique du plateau calcaire accueillant le projet présente des potentialités pour la présence de cavités karstiques, sensibles au risque d'effondrement et qu'il est nécessaire de réaliser des études géotechniques en préalable à la construction du projet, qui permettront de statuer précisément sur ce risque et de dimensionner les fondations en fonction. Par ailleurs, l'étude d'impact mentionne que selon la direction régionale des affaires culturelles, des vestiges archéologiques sont recensés au sein de l'aire d'étude immédiate, qu'un diagnostic archéologique pourrait être demandé par les services de l'Etat compétents dans le cadre de l'instruction du dossier et que des prescriptions pourront également être ajoutées à l'arrêté d'autorisation. Par suite, l'étude d'impact n'est pas entachée des insuffisances alléguées.

6. En deuxième lieu, la préfète reproche à l'exploitant l'insuffisance de l'étude acoustique réalisée au mois d'août 2018 en tant qu'elle n'aurait pas procédé à des mesures de campagnes au vent deux fois dans l'année et que la localisation des micros aurait été contestée par le public. Toutefois, il ressort de l'étude acoustique que les relevés ont été effectués en période diurne et nocturne en hiver, saison où la végétation est faible, et l'activité humaine moins fréquente dès lors qu'à cette période de l'année, les niveaux sonores résiduels sont généralement plus faibles que les autres périodes de l'année. En outre, les huit points de mesure retenus ont été situés à proximité des habitations susceptibles d'être les plus exposées. Enfin, il ressort de cette étude que les microphones ont été positionnés à l'abri du vent, de la végétation, et des infrastructures de transport proches, afin d'éviter les interférences de bruit. Dans ces conditions, l'étude d'impact ne comporte aucune insuffisance sur cet aspect.

7. En troisième lieu, l'étude d'impact qui a recensé 11 espèces de chiroptères, comporte une carte des contacts des différentes espèces de chiroptères effectués sur l'ensemble de la période de suivi au sein de l'aire d'étude immédiate et de l'aire d'étude rapprochée ainsi qu'une carte localisant les gîtes avérés et potentiels de chiroptères. Elle étudie l'activité de chacune des espèces de chiroptères recensées grâce à plusieurs points d'écoute situés notamment au sein de l'aire d'étude rapprochée ainsi que les comportements de ces espèces en termes de chasse et de transit. L'étude d'impact analyse les risques d'impact du projet de parc éolien sur chacune des espèces de chiroptères contactées en termes de destruction de gîte, de perte d'habitat et de collision. Elle mentionne que les zones boisées situées au sud abritent des gîtes et que les linéaires de haies constituent des zones de chasse et de déplacement privilégiés. Elle présente le risque de mortalité des chiroptères et la raison pour laquelle le scénario retenu semble être le moins impactant des trois étudiés. Tel que l'indique la MRAE dans son avis du 13 septembre 2019, l'étude d'impact comprend un niveau d'analyse et des mesures d'évitement et de réduction d'impact satisfaisants ainsi que des mesures de compensation et d'accompagnement pertinentes vis à vis de la destruction et l'élagage de haies. Enfin, l'étude d'impact prévoit des mesures de suivi des habitats des chiroptères ainsi qu'un plan de bridage. Au regard de l'ensemble des données fournies par la société pétitionnaire, le public doit être regardé comme ayant bénéficié d'une information suffisante sur ce point.

8. En quatrième lieu, en vertu des dispositions de l'article L. 321-6 du code de l'énergie, le raccordement des ouvrages de production d'électricité au réseau public de transport d'électricité incombe aux gestionnaires de ces réseaux. Il en résulte que le raccordement à partir d'un poste de livraison d'une installation de production d'électricité au réseau électrique se rattache à une opération distincte de la construction de cette installation et est sans rapport avec la procédure de délivrance de l'autorisation unique valant permis de construire relative à cette installation. Dans ces conditions, la préfète ne pouvait légalement opposer les incertitudes du projet concernant le raccordement des installations au réseau électrique.

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 8 que le motif tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact n'est pas fondé.

En ce qui concerne les atteintes aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

10. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I.- L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement ainsi qu'à l'article L. 161-1 du code minier selon les cas. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. / Les dispositions du présent titre sont également applicables aux exploitations de carrières au sens des articles L. 100-2 et L. 311-1 du code minier. ". Dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir l'autorisation environnementale délivrée des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés par les dispositions précitées en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Ce n'est que dans le cas où il estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation d'exploitation est sollicitée, que même l'édiction de prescriptions additionnelles ne permet pas d'assurer la conformité de l'exploitation à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, que le préfet ne peut légalement délivrer cette autorisation.

11. Concernant le motif de l'arrêté attaqué relatif aux impacts du projet sur les chiroptères, il résulte de l'instruction que la zone d'implantation du projet, d'une surface de 145 hectares, est située dans le sud du département de la Vienne, sur un petit plateau à la confluence des vallées du Clain et du Bé et s'implante dans un secteur agricole bocager avec présence de mares et de zones humides à proximité de plusieurs hameaux. Aucun site Natura 2000 n'est situé dans un rayon de 10 km autour de l'aire immédiate et la ZNIEFF la plus proche est localisée à 3,5 km. La zone d'implantation du projet abrite principalement des parcelles de culture, des pâturages densément enherbés à l'ouest et quelques haies, notamment des haies arbustives hautes et multi-strates, susceptibles d'abriter des chiroptères. L'étude d'impact révèle la présence de plusieurs espèces de chiroptères sur le site, et principalement la Pipistrelle commune, le Myotis et la Pipistrelle de Kulh. Elle quantifie l'activité des chiroptères sur le site, de chasse et de transit, de faible voire très faible. Cette même étude indique que les éoliennes E2 et E4, situées à moins de 100 mètres de haies, sont situées en " survol de zones de risque modéré ". Il ne ressort pas du tableau de synthèse des risques du projet éolien de La Roche au Loup par espèces de chiroptère figurant dans l'étude d'impact que l'impact du projet sur les chiroptères est estimé de " modéré à fort " tel que l'indique la préfète dans l'arrêté attaqué. La carte des impacts indique un effet résiduel non significatif, une fois prises en compte les mesures proposées par l'exploitant et notamment une mesure visant à réduire l'éclairage du parc, source d'attractivité pour les chauves-souris (E9), une mesure de programmation préventive du fonctionnement des aérogénérateurs adapté à l'activité des chiroptères entre les mois d'avril et septembre inclus une heure après le coucher du soleil jusqu'à une heure avant le lever du soleil (E10), une mesure de suivi de leurs habitats (E12), une mesure de suivi de la mortalité des chiroptères (E13) et une mesure de suivi de l'activité des chiroptères en nacelle (E14). Si le ministre de la transition écologique critique le plan de bridage prévu dans la mesure E10, l'exploitant fait valoir qu'il s'est engagé à renforcer ce plan dans une lettre du 15 septembre 2022 adressée au préfet de la Vienne, pour étendre ce plan de bridage jusqu'à la fin du mois d'octobre et pour allonger la durée de la plage horaire couverte par ce plan. Il résulte de ce qui précède que l'atteinte prévisible du projet sur les chiroptères est insuffisante pour justifier le refus de délivrance de l'autorisation environnementale.

12. La circonstance que les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement incluent la protection des paysages ne fait pas obstacle à ce que l'impact visuel d'un projet, en particulier le phénomène de saturation visuelle qu'il est susceptible de produire, puisse être pris en compte pour apprécier ses inconvénients pour la commodité du voisinage au sens de cet article. Il appartient au juge de plein contentieux, pour apprécier les inconvénients pour la commodité du voisinage liés à l'effet de saturation visuelle causé par un projet de parc éolien, de tenir compte, lorsqu'une telle argumentation est soulevée devant lui, de l'effet d'encerclement résultant du projet en évaluant, au regard de l'ensemble des parcs installés ou autorisés et de la configuration particulière des lieux, notamment en termes de reliefs et d'écrans visuels, l'incidence du projet sur les angles d'occupation et de respiration, ce dernier s'entendant du plus grand angle continu sans éolienne depuis les points de vue pertinents.

13. Concernant l'atteinte à la commodité du voisinage, l'étude d'impact souligne que le projet s'implante dans un secteur qui accueille 4 parcs éoliens en exploitation et 4 parcs éoliens autorisés. Il résulte de l'instruction que ces parcs sont situés au nord, à l'est, au sud et à l'ouest, ce qui est d'ailleurs corrélé par les nombreux photomontages d'étude des effets cumulés de l'étude d'impact. La carte localisant l'emplacement de ces parcs révèle qu'un angle de respiration relativement conséquent est maintenu au nord-ouest du bourg de Sommières-du-Clain. En outre, le carnet de photomontages du mois de juin 2018 comporte deux vues (n°36-1 et n°36-4) depuis la place de l'église de Sommières-du-Clain qui indiquent un impact du projet de parc éolien de La Roche au Loup respectivement faible ou nul en fonction de la position de l'observateur sur cette place. Les vues n°37 et 38 illustrent que depuis le centre équestre et le cimetière de Sommières-du-Clain, des masques visuels composés d'arbres de grande hauteur s'interposeront entre ces deux sites et les éoliennes. Dans ces conditions, la préfète de la Vienne n'établit pas l'effet de saturation et d'encerclement qu'elle allègue depuis le bourg de Sommières-du-Clain. Enfin, en se bornant à invoquer l'effet de saturation et d'encerclement des villages alentours sans plus de précision, la préfète n'établit pas la réalité de l'impact du projet sur ces villages.

14. En ce qui concerne l'atteinte aux paysages, la zone d'implantation du projet est située dans un site qui ne présente pas de caractère particulier. Si le photomontage n° 41 bis révèle que deux des quatre éoliennes du parc seront visibles depuis l'entrée du château de Vareilles qui bénéficie d'une protection au titre des monuments historiques, il ressort des pièces du dossier qu'un écran végétal est situé entre l'entrée du parc et les éoliennes et que le parc sera implanté à une distance supérieure à 1 kilomètre, de sorte que ces éléments sont de nature à atténuer la présence des éoliennes qui ne seront que partiellement visibles. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que le projet porterait une atteinte significative à l'intérêt historique et patrimonial de ce monument.

15. S'agissant du horst de Champagné-Saint-Hilaire, il ressort des pièces du dossier que le hameau de Fougeré (point culminant du Horst) se situe à 7,2 km de la zone d'implantation du projet. En outre, l'étude d'impact qualifie l'impact du projet sur ce horst de faible. Dans ces conditions, le projet ne porte pas une atteinte significative au horst de Champagné-Saint-Hilaire.

16. Concernant l'implantation en zigzag des éoliennes, la société requérante fait valoir d'une part, qu'elle résulte de la variante n°3, préconisée en raison de son éloignement aux habitations et d'autre part, que les éoliennes s'insèrent de manière cohérente avec les parcs existants et autres projets connus, dont elles sont au demeurant relativement éloignées. Dans ces conditions, et eu égard au faible nombre d'éoliennes du projet, l'implantation choisie ne porte pas atteinte au paysage.

17. Ainsi que le soutient la société requérante, le motif de l'arrêté attaqué relatif à l'absence d'acceptabilité locale du projet ne se rattache à aucun des intérêts mentionnés à l'article L.511-1 du code de l'environnement.

18. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des motifs opposés par la préfète de la Vienne pour refuser l'autorisation environnementale sollicitée par la société Enertrag Poitou Charentes V n'est de nature à justifier légalement un tel refus. Par voie de conséquence, la société pétitionnaire est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 6 avril 2021 refusant de lui délivrer cette autorisation.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

19. Eu égard aux motifs du présent arrêt, et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Vienne de procéder au réexamen de la demande présentée par la société Enertrag Poitou Charentes V, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Enertrag Poitou Charentes V et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté de la préfète de la Vienne rejetant la demande d'autorisation environnementale sollicitée par la société Enertrag Poitou Charentes V en date du 6 avril 2021 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Vienne de procéder à un nouvel examen de la demande présentée par la société Enertrag Poitou Charentes V dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la société Enertrag Poitou Charentes V en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Enertrag Poitou Charentes V est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Enertrag Poitou Charentes V et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 29 février 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Edwige Michaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024.

La rapporteure,

Edwige MichaudLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX02363 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02363
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Edwige MICHAUD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : CABINET VOLTA

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;21bx02363 ?
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