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19/03/2024 | FRANCE | N°22BX02199

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 19 mars 2024, 22BX02199


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 août 2022 et 29 décembre 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Centrale éolienne des Croilières, représentée par Me Versini-Campinchi, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 10 juin 2022 par lequel la préfète de la Charente a rejeté sa demande d'autorisation environnementale relative à l'exploitation d'une éolienne et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Courcôme ;



2°) de dé

livrer l'autorisation sollicitée et l'assortir des prescriptions nécessaires ;



3°) à titre subsidi...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 août 2022 et 29 décembre 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Centrale éolienne des Croilières, représentée par Me Versini-Campinchi, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 10 juin 2022 par lequel la préfète de la Charente a rejeté sa demande d'autorisation environnementale relative à l'exploitation d'une éolienne et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Courcôme ;

2°) de délivrer l'autorisation sollicitée et l'assortir des prescriptions nécessaires ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de fixer lesdites prescriptions dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la préfète a commis une erreur de droit en fondant son refus sur les avis négatifs exprimés dans le cadre de l'enquête publique ;

- la préfète ne pouvait fonder son refus sur le fait que l'éolienne en cause est implantée dans la zone tampon de 2 km autour de la zone de protection spéciale " Plaine de Villefagnan ", dès lors que l'éolienne n'est pas implantée dans cette zone tampon et qu'une telle zone ne présente aucun caractère réglementaire.

Par un mémoire enregistré le 22 novembre 2023, la préfète de la Charente conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer sur les conclusions de la requête afin de permettre la régularisation du vice constaté.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;

- l'étude d'impact est imprécise ;

- le projet présente des risques pour l'avifaune et les chiroptères et le pétitionnaire n'a pas prévu de mesures permettant de pallier ces risques au point qu'ils apparaissent comme négligeables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive n° 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sébastien Ellie ;

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;

- et les observations de Me Duclercq représentant la SAS Centrale éolienne des Croilières.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Centrale éolienne des Croilières a déposé, le 4 février 2021, une demande d'autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'une éolienne de 180 mètres en bout de pale et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Courcôme. Par un arrêté du 10 juin 2022, la préfète de la Charente a rejeté cette demande. La société Centrale éolienne des Croilières demande l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la motivation de l'arrêté attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. Après avoir visé l'article L. 511-1 du code de l'environnement relatif aux intérêts qui doivent être protégés dans le cadre de la délivrance des autorisations environnementales, la préfète a pour l'essentiel évoqué les six avis défavorables, l'unique avis favorable et les sept avis non exprimés s'agissant des quinze communes consultées, l'avis défavorable du commissaire enquêteur, ainsi que la nécessité d'une " concertation préalable aboutie " et d'un " minimum d'acceptation locale ". Ces avis, majoritairement défavorables selon la préfète, ne sauraient cependant fonder un refus d'autorisation dès lors qu'aucun des textes visés par l'arrêté en cause ne permet à l'autorité administrative de refuser la demande au regard des avis simples exprimés pendant la phase de consultation, sans s'en approprier le contenu d'une façon suffisamment précise pour permettre au pétitionnaire de comprendre les raisons objectives pour lesquelles son projet ne peut être mené à son terme. Dans son mémoire, la préfète indique d'ailleurs que le refus n'est pas motivé par l'opposition locale mais par l'implantation du projet dans la zone tampon de 2 km autour de la zone de protection spéciale (ZPS) " Plaine de Villefagnan ". L'arrêté attaqué mentionne en effet cette circonstance, la ZPS constituant un secteur de sauvegarde de l'outarde canepetière, mais sans préciser les conséquences qu'implique une telle situation pour le projet en cause et sans indiquer quel intérêt de l'article L. 511-1 du code de l'environnement serait compromis, à supposer que ces dispositions soient le motif de droit que l'administration a entendu opposer sur ce point. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué ne permet pas à la société Centrale éolienne des Croilières de comprendre les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. La motivation de l'arrêté ne satisfait donc pas aux exigences de motivation issues de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'arrêté attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 181-16 du code de l'environnement : " Le préfet désigné à l'article R. 181-2 délivre un accusé de réception dès le dépôt de la demande d'autorisation lorsque le dossier comprend les pièces exigées par la sous-section 2 de la section 2 du présent chapitre pour l'autorisation qu'il sollicite. / Lorsque l'instruction fait apparaître que le dossier n'est pas complet ou régulier, ou ne comporte pas les éléments suffisants pour en poursuivre l'examen, le préfet invite le demandeur à compléter ou régulariser le dossier dans un délai qu'il fixe. / Le délai d'examen du dossier peut être suspendu à compter de l'envoi de la demande de complément ou de régularisation jusqu'à la réception de la totalité des éléments nécessaires. Cette demande le mentionne alors expressément (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que la préfète de la Charente ne peut légalement opposer à la société un refus pour un motif tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact, en l'absence de demande de complément d'étude sur l'effet du projet sur certaines espèces ou sur la description des mesures d'évitement ou de réduction.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". L'article L. 511-1 du même code dispose que : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne (...) qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages , soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir l'autorisation environnementale délivrée des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés par les dispositions précitées en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Ce n'est que dans le cas où il estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation d'exploitation est sollicitée, que même l'édiction de prescriptions additionnelles ne permet pas d'assurer la conformité de l'exploitation à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, que le préfet ne peut légalement délivrer cette autorisation.

7. Pour refuser l'autorisation demandée, la préfète de la Charente s'est fondée sur l'implantation de l'éolienne en cause au sein de la zone tampon de deux kilomètres autour de la ZPS " Plaine de Villefagnan ". Il résulte toutefois de l'instruction que l'éolienne ne se situe pas au sein de cette zone tampon puisqu'elle doit être implantée à 3,2 km de la ZPS, ainsi qu'il ressort de l'étude Natura 2000 et comme le reconnait la préfète dans son mémoire en défense. En outre, une telle " zone tampon " de 2 km autour d'une ZPS ne résulte d'aucun texte législatif ou réglementaire opposable dans le cadre d'une demande d'autorisation environnementale. Si la préfète indique également que la zone d'implantation du projet " intersecte " la zone de sensibilité de l'outarde, qui correspond à une zone tampon autour des leks observés de l'outarde, elle se fonde sur une carte du 10 août 2023 établie par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) Nouvelle-Aquitaine, qui n'est assortie d'aucune explication sur la méthodologie selon laquelle elle a été élaborée et d'aucune précision concernant les données sur lesquelles a reposé son élaboration. Cette zone de leks qui s'ajoute à la zone tampon, ne présente elle non plus aucun caractère réglementaire et ne suffit pas, par elle-même, à justifier le refus d'autorisation. Il en va de même de l'étude de portée générale du Muséum d'histoire naturelle évoquée par la préfète, qui ne se rapporte pas à la zone considérée. En tout état de cause, la préfète n'apporte aucun élément de nature à faire regarder le projet comme susceptible de porter atteinte à l'outarde canepetière, au regard des caractéristiques du site et du projet lui-même, implanté à l'est de la ligne grande vitesse, la ZPS se situant à l'ouest de cette ligne qui marque un fort effet repoussoir de cette espèce. Les études de suivi du parc éolien de Courcôme, situé dans le prolongement du projet, ne font pas ressortir de danger particulier pour l'outarde canepetière, espèce relativement peu sensible à l'éolien, qui n'a pas été contactée sur le site. Ainsi, les éléments de l'instruction ne permettent pas d'identifier un risque significatif pour cette espèce, aucune mortalité liée à l'éolien n'ayant été observée à son égard et la fréquentation du site par celle-ci n'ayant pas été identifiée. L'étude d'incidence Natura 2000 relève qu'aucun milieu favorable à l'outarde canepetière n'est présent au niveau de la zone d'implantation et que le projet devrait avoir une incidence assez faible à nulle sur les populations d'oiseaux fréquentant la ZPS.

8. S'agissant des autres espèces, la préfète de la Charente fait valoir dans son mémoire en défense que le projet pourrait avoir, en phase d'exploitation, un impact sur l'avifaune et que la société pétitionnaire devait proposer des mesures d'évitement et de réduction de nature à rendre le risque négligeable pour les espèces concernées, en particulier la grue cendrée, le milan royal, le busard cendré, le milan noir, le busard Saint-Martin, l'œdicnème criard et la bondrée apivore.

9. Toutefois, l'étude d'incidence Natura 2000 et l'étude d'impact ont procédé à un inventaire exhaustif des espèces contactées sur le site et ont analysé les impacts du projet sur ces espèces. Si l'étude d'incidence Natura 2000 utilise le conditionnel pour évaluer les risques sur les espèces, elle indique clairement que l'incidence générale du projet, combinée aux effets des parcs en exploitation et en projet situés à proximité, devrait être faible à modérée sur l'ensemble des oiseaux. En ce qui concerne la phase de réalisation des travaux, l'étude d'impact a précisément identifié les niveaux d'impact attendus sur l'avifaune en fonction de la période de l'année et du type de milieux concerné, les périodes les plus à risque s'étendant du mois de mars au mois de septembre, période de reproduction des oiseaux évaluée en risque fort pour les travaux de terrassement en raison du dérangement et du risque de destruction ou d'abandon de nichées et de couvées. Après mesures d'évitement et de réduction, constituées par l'adaptation des périodes de travaux de construction et de démantèlement du parc éolien en fonction du calendrier des espèces (mesure C21), réévalué lors du premier suivi de chantier, avant début des travaux et par un suivi environnemental pré-implantation de l'utilisation des parcelles par l'avifaune induisant un arrêt de l'éolienne pendant les travaux agricoles (mesure C23), sous le contrôle d'un écologue, l'impact résiduel est évalué de faible à modéré. En phase d'exploitation, l'étude d'impact a évalué les risques sur les oiseaux migrateurs, les oiseaux hivernants et les oiseaux nicheurs. Les mesures d'évitement et de réduction reposent sur l'implantation de l'ouvrage à l'écart des secteurs paysagers et écologiques sensibles (mesure 1) et dans une parcelle cultivée à faible intérêt patrimonial dépourvue de haies et de boisement sur ses pourtours (mesure E10), l'arrêt et mise en drapeau de l'éolienne lors des travaux agricoles (mesure E13) et un suivi environnemental post-implantation du comportement des oiseaux (mesure E15) et de la migration des grues cendrées (mesure E16), susceptibles de conduire à des mesures de réduction complémentaires. S'agissant des bridages au moment des travaux agricoles, des conventions conclues avec la DREAL sont de nature à garantir l'efficacité de la mesure qui ne dépend pas de la seule information de la société pétitionnaire par les exploitants agricoles. L'impact résiduel après ces mesures est évalué de faible à modéré. Les mesures de suivi du site proposées par l'exploitant ne peuvent être interprétées comme révélant une insuffisance de l'analyse des impacts du projet mais ont pour objet de permettre une évaluation régulière des risques de nature à justifier pour l'avenir, le cas échéant, des mesures de protection supplémentaires qui n'auraient pu être identifiées avant la mise en fonctionnement de l'éolienne. Il résulte en outre des études de suivi d'activité du parc éolien de Courcôme en 2022 et 2023 que la grue cendrée, le milan royal et le busard cendré, espèces les plus sensibles, n'ont pas été contactés sur le site du parc éolien de Courcôme, ce qui corrobore les résultats de l'étude d'impact et de l'étude d'incidence Natura 2000 pour le projet en cause.

10. Ensuite, contrairement à ce que fait valoir la préfète de la Charente, le pétitionnaire n'est pas tenu de proposer des mesures de réduction ou d'évitement permettant d'atteindre un risque négligeable, un risque suffisamment caractérisé pour une espèce pouvant cependant imposer à l'exploitant de déposer une demande de dérogation pour la destruction d'espèces protégées. La préfète de la Charente n'apporte pas d'éléments permettant de conclure à l'existence d'un risque suffisamment caractérisé pour une ou plusieurs espèces présentes sur le site. Au surplus, s'agissant de la préservation des intérêts visés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, à supposer qu'un risque pour ces intérêts résulte de l'instruction, la préfète dispose elle-même du pouvoir d'assortir l'autorisation de certaines prescriptions.

11. En définitive, compte tenu de la nature du projet composé d'une seule éolienne, de l'analyse des impacts sur l'avifaune et des mesures d'évitement et de réduction envisagée, la préfète de la Charente ne pouvait fonder le refus d'autorisation demandée sur le motif, erroné en fait, tiré de ce que l'éolienne serait implantée au sein d'une ZPS et sur des motifs tirés des risques pour l'outarde canepetière ou d'autres espèces telles que le milan royal ou l'œdicnème criard, qui ne résultent pas de l'instruction. Au surplus, si un risque résiduel devait être retenu en phase travaux en raison du calendrier de réalisation des travaux de terrassement ou en phase d'exploitation, une mesure complémentaire de réduction tel qu'un décalage du calendrier des travaux ou un bridage de l'éolienne notamment en période de migration des espèces les plus sensibles peut être envisagée, sans impliquer un refus de l'autorisation sollicitée sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

12. En dernier lieu, à supposer que la préfète ait entendu se fonder sur un motif spécifique tiré de l'opposition de certaines communes ou certains riverains, cette opposition, qui ne traduit pas, en tant que telle, une atteinte aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ne saurait justifier légalement un refus d'autorisation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Centrale éolienne des Croilières est fondée à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 10 juin 2022 lui refusant l'autorisation environnementale relative à son projet de parc éolien.

Sur les conséquences de l'annulation de l'arrêté du 10 juin 2022 :

14. Lorsqu'il statue en vertu de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation classée pour la protection de l'environnement en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée et, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions. Dans le cas où le juge administratif fait usage de ses pouvoirs de pleine juridiction pour autoriser le fonctionnement d'une installation classée, la décision d'autorisation ainsi rendue présente le caractère d'une décision juridictionnelle et se trouve en conséquence revêtue de l'autorité de chose jugée.

15. En l'espèce, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction qu'un motif autre que ceux opposés par la préfète et analysés ci-dessus pourrait légalement justifier le refus d'autorisation environnementale du projet de la société Centrale éolienne des Croilières. Dans ces conditions, il y a lieu de délivrer l'autorisation sollicitée et d'enjoindre à la préfète de la Charente de fixer, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, les prescriptions qui, le cas échéant, doivent assortir l'autorisation environnementale.

16. Aux termes de l'article R. 181-50 du code de l'environnement : " Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15-1 peuvent être déférées à la juridiction administrative : /1° Par les pétitionnaires ou exploitants, dans un délai de deux mois à compter du jour où la décision leur a été notifiée ; / 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3, dans un délai de quatre mois à compter de : / a) L'affichage en mairie dans les conditions prévues au 2° de l'article R. 181-44 ; / b) La publication de la décision sur le site internet de la préfecture prévue au 4° du même article. / Le délai court à compter de la dernière formalité accomplie. Si l'affichage constitue cette dernière formalité, le délai court à compter du premier jour d'affichage de la décision. (...) ". Il y a lieu d'enjoindre à la préfète de la Charente de mettre en œuvre les mesures de publicité de l'autorisation environnementale délivrée prévues aux articles R. 181-44 et R. 181-50 du code de l'environnement.

Sur les frais liés au litige :

17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État le versement à la société Centrale éolienne des Croilières d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté de la préfète de la Charente du 10 juin 2022 est annulé.

Article 2 : Il est délivré à la SAS Centrale éolienne des Croilières l'autorisation environnementale sollicitée pour son projet. La société Centrale éolienne des Croilières est renvoyée devant la préfète de la Charente pour la fixation des prescriptions qui devront, le cas échéant, assortir ladite autorisation, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Il est prescrit à la préfète de la Charente de mettre en œuvre les mesures de publicité de l'autorisation environnementale délivrée par le présent arrêt, prévues aux articles R. 181-44 et R. 181-50 du code de l'environnement.

Article 4 : L'État versera à la SAS Centrale éolienne des Croilières une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Centrale éolienne des Croilières, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la préfète de la Charente.

Délibéré après l'audience du 27 février 2024 où siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

Le rapporteur,

Sébastien Ellie

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°22BX02199


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02199
Date de la décision : 19/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Sébastien ELLIE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CABINET LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-19;22bx02199 ?
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