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12/03/2024 | FRANCE | N°22BX00327

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 12 mars 2024, 22BX00327


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par deux requêtes distinctes, les sociétés LCO Ingénierie, Noga et Aemco ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la communauté d'agglomération du Grand Dax à verser à la société LCO Ingénierie une somme globale de 38 527,80 euros toutes taxes comprises (TTC) en réparation des préjudices que lui a causé la résiliation du marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage qui leur avait été confié.



Par un jugement n° 1901242,1901928 du

24 décembre 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.



Procédure devant la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, les sociétés LCO Ingénierie, Noga et Aemco ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la communauté d'agglomération du Grand Dax à verser à la société LCO Ingénierie une somme globale de 38 527,80 euros toutes taxes comprises (TTC) en réparation des préjudices que lui a causé la résiliation du marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage qui leur avait été confié.

Par un jugement n° 1901242,1901928 du 24 décembre 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 janvier 2022, les sociétés LCO ingénierie, Noga et Aemco, représentées par Me Garreau, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 24 décembre 2021 ;

2°) de réformer le décompte général de liquidation du marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage relatif à la création et à la mise en service d'un centre aquatique à Dax, et d'annuler la décision du 21 juin 2019 par laquelle la présidente de la communauté d'agglomération du Grand Dax a rejeté leur réclamation du 27 avril 2019 portant contestation de ce décompte et tendant à l'indemnisation des préjudices subis par la société LCO Ingénierie du fait de la résiliation du marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage qui leur avait été confié ;

3°) de condamner la communauté d'agglomération du Grand Dax à verser à la société LCO Ingénierie une somme globale de 38 527,80 euros TTC en réparation des préjudices que lui a causé cette résiliation ;

4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Grand Dax une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Elles soutiennent que :

- l'intérêt général ne justifiait pas la résiliation du marché ;

- elles n'ont commis aucune faute dans l'exécution de leurs prestations ;

- elles justifient de la réalité et du montant des préjudices financier, moral et d'image qu'a causé cette résiliation à la société LCO Ingénierie.

Par un mémoire enregistré le 22 juin 2022, la communauté d'agglomération du Grand Dax, représentée par Me Brault, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge solidaire des sociétés LCO ingénierie, Noga et Aemco au titre des frais exposés pour l'instance.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu :

- le code des marchés publics,

- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Thomas, représentant la communauté d'agglomération du Grand Dax.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté d'agglomération du Grand Dax (CAGD) a décidé en 2015 de construire un centre aquatique à Dax. Par un acte d'engagement du 15 avril 2015, elle a confié une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage au groupement solidaire composé de la société Noga, mandataire, de la société LCO Ingénierie et de la société Aemco. Par deux avenants des 25 juillet 2017 et 4 avril 2018, le montant global du marché a été fixé en dernier lieu à la somme de 192 081,60 euros toutes taxes comprises (TTC). Toutefois, par une lettre datée du 11 février 2019, la présidente de la CAGD a informé la société Noga de sa décision de résilier ce marché pour un motif d'intérêt général et de verser au groupement d'assistance à maîtrise d'ouvrage une indemnité de résiliation. Le décompte de résiliation du marché transmis à la société Noga par un courrier du 7 mars 2019 a fixé le montant de cette indemnité à la somme de 2 441,20 euros et le mémoire en réclamation présenté par les membres du groupement a été rejeté par une décision du 21 juin 2019. Les sociétés Noga, LCO Ingénierie et Aemco relèvent appel du jugement du 24 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leurs demandes tendant, à titre principal, à la condamnation de la CAGD à verser à la société LCO Ingénierie une somme globale de 38 527,80 euros TTC en réparation des préjudices que lui a causé la résiliation du marché.

Sur les conditions de résiliation du marché :

2. Aux termes de l'article 29 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles (CCAG-PI) : " (...) Le pouvoir adjudicateur peut également mettre fin, à tout moment, à l'exécution des prestations pour un motif d'intérêt général. Dans ce cas, le titulaire a droit à être indemnisé du préjudice qu'il subit du fait de cette décision, selon les modalités prévues à l'article 33. (...) ".

3. La décision par laquelle la CAGD a résilié le marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage repose sur l'existence d'une " situation de blocage " causée par les désaccords récurrents opposant les constructeurs du centre aquatique et notamment la société LCO ingénierie et la maîtrise d'œuvre, ainsi que sur la disparition du besoin d'une assistance à maîtrise d'ouvrage compte tenu de l'implication de fait d'agents de la communauté d'agglomération dans le suivi des opérations de construction de ce centre. Les sociétés requérantes estiment que ces causes de résiliation ne sont pas matériellement établies et que, la résiliation du contrat n'étant dès lors justifiée par aucun motif d'intérêt général avéré, la CAGD a commis une faute de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle à l'égard de la société LCO Ingénierie.

4. Il résulte de l'instruction, notamment des échanges entre les constructeurs qui sont versés aux débats, ainsi que des écritures des sociétés appelantes, que des désaccords croissants ont opposé la société LCO Ingénierie au maître d'œuvre des travaux de construction du centre aquatique, à l'entreprise en charge de la mission d'ordonnancement, de pilotage et de coordination du chantier, et à l'entreprise en charge du lot gros œuvre du marché de travaux. Des désaccords sont également apparus avec le maître de l'ouvrage concernant le respect des délais de réalisation des travaux, leur avancement, les modifications techniques préconisées par le maître d'œuvre ainsi que leurs incidences financières, l'implication de ce dernier dans ses missions, la conformité aux règles de l'art des travaux de gros œuvre et la réalisation de travaux supplémentaires de gros œuvre sans autorisation. Il n'est aucunement contesté que ces différents désaccords ont abouti à une situation de blocage du chantier caractérisée par le refus de certains intervenants de poursuivre l'exécution des travaux. En outre, il n'est pas davantage contesté que la CAGD a été contrainte d'impliquer ses services dans le suivi du chantier afin de pouvoir résoudre ou trancher ces mêmes désaccords, en contrariété avec l'objectif qui était poursuivi par la signature d'un marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage.

5. Dans ces circonstances, la CAGD a pu, à bon droit, considérer que tant la nécessité de mettre fin aux désaccords menaçant l'avancement des travaux que la disparition du besoin d'une assistance à maîtrise d'ouvrage caractérisaient des motifs d'intérêt général justifiant la résiliation du marché.

6. Si les sociétés appelantes font valoir qu'elles n'ont commis aucune faute dans l'exécution de leurs prestations contractuelles, ce qui ne leur est aucunement reproché par le maître de l'ouvrage, et soutiennent que d'autres intervenants auraient en revanche commis des fautes dans l'exécution de leurs propres prestations, ces circonstances, à les supposer établies, demeurent sans incidence sur la réalité des motifs d'intérêt général justifiant la résiliation du marché en cause. De même, si les appelantes soutiennent que la CAGD aurait en réalité résilié ce marché pour permettre la réception du centre aquatique au plus vite et avant les prochaines échéances électorales, quitte à réduire substantiellement le périmètre des travaux, le souci du respect des délais d'achèvement des travaux caractérise en tout état de cause un motif d'intérêt général, non un détournement de pouvoir, alors qu'il revient au maitre de l'ouvrage de définir les priorités dans la mise en œuvre d'une opération de construction ou de réviser le projet initial s'il l'estime nécessaire.

7. Il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la résiliation du marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage présenterait un caractère fautif.

Sur le préjudice :

8. En vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, l'étendue et les modalités de l'indemnisation due par la personne publique à son cocontractant en cas d'annulation ou de résiliation pour un motif d'intérêt général du contrat peuvent être déterminées par les stipulations du contrat, sous réserve qu'il n'en résulte pas, au détriment de la personne publique, une disproportion manifeste entre l'indemnité ainsi fixée et le montant du préjudice résultant, pour le titulaire du contrat, des dépenses qu'il a exposées et du gain dont il a été privé. Ce principe, découlant de l'interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités, ne s'appliquant pas aux personnes privées, rien ne s'oppose en revanche à ce que ces stipulations prévoient une indemnisation inférieure au montant du préjudice subi par le cocontractant privé de l'administration

9. Aux termes de l'article 33 du CCAG-PI : " Lorsque le pouvoir adjudicateur résilie le marché pour motif d'intérêt général, le titulaire a droit à une indemnité de résiliation, obtenue en appliquant au montant initial hors taxes du marché, diminué du montant hors taxes non révisé des prestations reçues, un pourcentage fixé par les documents particuliers du marché ou, à défaut, de 5 %. Le titulaire a droit, en outre, à être indemnisé de la part des frais et investissements, éventuellement engagés pour le marché et strictement nécessaires à son exécution, qui n'aurait pas été prise en compte dans le montant des prestations payées. Il lui incombe d'apporter toutes les justifications nécessaires à la fixation de cette partie de l'indemnité dans un délai de quinze jours après la notification de la résiliation du marché. Ces indemnités sont portées au décompte de résiliation, sans que le titulaire ait à présenter une demande particulière à ce titre. ". Et selon l'article 12 du cahier des clauses administratives particulières du marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage conclu en l'espèce : " Les conditions de résiliation applicables au présent marché sont celles des articles 29 à 36 inclus du CCAG-PI (...) En cas de résiliation pour motif d'intérêt général par le pouvoir adjudicateur, le titulaire percevra à titre d'indemnisation une somme forfaitaire calculée en appliquant au montant initial hors TVA, diminué du montant hors TVA non révisé des prestations admises, un pourcentage égal à 5 % (...) ".

10. D'une part, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la résiliation est intervenue pour un motif d'intérêt général. Par suite, cette résiliation impliquait seulement le versement d'une indemnité forfaitaire fixée dans les conditions prévues par les stipulations précitées, dont le montant n'est en soi pas contesté, et non l'indemnisation du manque à gagner réellement subi par la société LCO Ingénierie ainsi que le réclament les appelantes.

11. D'autre part, en l'absence de toute faute de la CAGD, les appelantes ne sont pas davantage fondées à demander que cette communauté d'agglomération soit condamnée à indemniser la société LCO Ingénierie de ses préjudices moral et d'image.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés appelantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté leur demande tendant à la réformation du décompte de résiliation du marché et à la condamnation de la CAGD à indemniser la société LCO Ingénierie des préjudices que lui a causé la résiliation du marché en litige. Par suite, la requête doit être rejetée, y compris en ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

13. Il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire des sociétés appelantes, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance par la CAGD.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des sociétés LCO Ingénierie, Noga et Aemco, est rejetée.

Article 2 : Les sociétés LCO Ingénierie, Noga et Aemco verseront, solidairement, une somme de 1 500 euros à la communauté d'agglomération du Grand Dax en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative,

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés LCO Ingénierie, Noga et Aemco ainsi qu'à la communauté d'agglomération du Grand Dax.

Délibéré après l'audience du 13 février 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 mars 2024.

.

Le rapporteur,

Manuel A...

Le président,

Laurent PougetLe greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne au préfet des Landes en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22BX00327 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00327
Date de la décision : 12/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : GARREAU OLIVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-12;22bx00327 ?
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