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05/03/2024 | FRANCE | N°23BX01736

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 05 mars 2024, 23BX01736


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté de la préfète de la Haute-Vienne du 28 novembre 2022 par lequel elle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2300207 du 6 avril 2023, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par

une requête enregistrée le 23 juin 2023, M. A..., représenté par Me Karakus, demande à la cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté de la préfète de la Haute-Vienne du 28 novembre 2022 par lequel elle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2300207 du 6 avril 2023, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juin 2023, M. A..., représenté par Me Karakus, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 avril 2023 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2022 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Me Karakus sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les décisions attaquées :

- méconnaissent les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 14 décembre 2023, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés sont infondés.

M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision N°2023/005861 du 25 mai 2023.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Ellie a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité guinéenne, est entré irrégulièrement en France le 5 septembre 2013. Il a vu sa demande d'asile définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 27 mars 2015. Il a bénéficié de plusieurs cartes de séjour temporaire à compter du 8 février 2016 et jusqu'au 5 juillet 2019, au regard de son état de santé. M. A... a fait l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire le 30 octobre 2019, mais a de nouveau obtenu un titre de séjour le 25 mai 2021 au regard de son état de santé. Par la présente requête, M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du 6 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Haute-Vienne du 28 novembre 2022 refusant le renouvellement de son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. / (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". L'article R. 425-12 de ce code dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. [...] Il transmet son rapport médical au collège de médecins. ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé précise : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. (...) ".

3. Par un avis du 28 juin 2022, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), sur lequel la préfète s'est appuyée pour prendre sa décision, a indiqué que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entrainer de conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. A... pouvant par ailleurs voyager sans risque vers son pays d'origine.

4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du certificat médical du 2 mars 2023, que M. A... souffre d'un état de stress post-traumatique associé à un trouble dépressif sévère avec des symptômes psychotiques. Il suit un traitement comportant du doliprane, de l'olanzapine (traitement des troubles bipolaires et schizophrènes), du norset (antidépresseur) et du loxapac (neuroleptique). Si le médecin consulté par l'intéressé indique que le requérant ne peut interrompre son traitement au risque de conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce seul certificat médical, postérieur à l'arrêté attaqué et " fait à la demande de l'intéressé ", qui n'est ni assorti de précisions médicales ni corroboré par d'autres pièces du dossier, n'est pas suffisant pour remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII que la préfète de la Haute-Vienne s'est approprié. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d'autrui ".

6. Pour contester le refus de titre de séjour opposé par la préfète de la Haute-Vienne, M. A... fait valoir qu'il réside en France depuis près de dix ans dont plus de cinq ans en situation régulière, qu'il exerce régulièrement une activité professionnelle malgré son état de santé, qu'il parle français couramment et qu'il est le père d'un enfant né le 9 septembre 2023, reconnu dès le 9 février 2023. Toutefois, M. A... n'apporte pas d'élément permettant d'estimer qu'il serait dépourvu de tout lien dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans et s'il a exercé certaines activités professionnelles, il ne justifie pas de ressources stables et régulières et n'apporte pas davantage d'éléments relatifs à son intégration en France, à l'exception d'un titre professionnel de peintre en bâtiment délivré le 3 juin 2019 par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la Haute-Vienne et d'une attestation de formation " monteur/démonteur d'échafaudages roulant " d'une durée de deux jours, qui ne suffisent pas à traduire une insertion professionnelle particulière. Si M. A... est le père d'un enfant depuis le 9 septembre 2023, cette circonstance est postérieure à l'arrêté attaqué. En tout état de cause, la mère de l'enfant est également guinéenne, sans profession, et rien ne s'oppose à ce qu'ils reconstituent la cellule familiale en Guinée. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'asile doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 6 février 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2024.

Le rapporteur,

Sébastien EllieLa présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01736


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01736
Date de la décision : 05/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Sébastien ELLIE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : KARAKUS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-05;23bx01736 ?
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