Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... F... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015.
Par un jugement n° 2000257 du 8 décembre 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 mars 2022, 28 novembre 2022, 4 octobre 2023 et 8 décembre 2023, M. F..., représenté par Me Cordoliani, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 8 décembre 2021 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2014 et 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant du moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'homologation prévue par les articles 1658 et 1659 du code général des impôts ;
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :
- il n'a pas été destinataire des avis d'imposition établis au titre des années 2014 et 2015 ;
- la procédure d'homologation prévue par les articles 1658 et 1659 du code général des impôts n'a pas été respectée ;
- les documents produits par l'administration ne permettent pas de s'assurer de la régularité des rôles relatifs aux impositions en litige ;
- s'agissant de l'imposition établie au titre de l'année 2014 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux : il a été convoqué moins de trente jours avant la tenue de la commission départementale, dont l'avis est dès lors entaché d'irrégularité ; le service a modifié le motif des rehaussements dans la proposition de rectification, sans procéder à une nouvelle notification ouvrant droit à un nouveau délai de trente jours, ce qui entache la procédure d'irrégularité ; le service a commis un détournement de procédure en procédant à un examen de comptabilité tel que prévu aux articles L. 13 G et L. 47 AA du livre des procédures fiscales ;
- s'agissant de l'imposition établie au titre de l'année 2015 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers : la proposition de rectification du 18 juillet 2018 n'est pas suffisamment motivée ; l'imposition des distributions au nom du requérant procède d'une mise en œuvre informelle de la procédure de désignation prévue à l'article 117 du code général des impôts ;
S'agissant du bien fondé des impositions en litige :
- s'agissant de l'imposition établie au titre de l'année 2014 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, les frais portés sur les annexes 2035-A et 2035-B sont tous justifiés ;
- s'agissant de l'imposition établie au titre de l'année 2015 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, l'administration n'apporte pas la preuve du montant et de la réalité des revenus distribués, ni de leur appréhension.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 août 2022, 13 septembre 2023, 23 novembre et 6 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 13 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 16 octobre 2023 à 12h00.
Vu :
- les autres pièces du dossier
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pauline Reynaud,
- et les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur l'année 2014 à la suite duquel l'administration lui a notifié, par proposition de rectification du 7 décembre 2017, des rehaussements de ses bénéfices non commerciaux au titre de l'année 2014, et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en résultant. Par ailleurs, la société CDG sécurité, dont M. F... est le gérant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle M. F... s'est vu notifier, par proposition de rectification du 18 juillet 2018, des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 2015 et 2016, à raison des bénéfices présumés distribués entre ses mains, en application du 1-1° de l'article 109 du code général des impôts, et des traitements et salaires alloués au gérant de cette société. Sa réclamation préalable formée le 7 avril 2019 ayant été rejetée par une décision de l'administration du 20 décembre 2019, M. F... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2014 et 2015. M. F... relève appel du jugement n° 2000257 du 8 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin de décharge :
2. Aux termes de l'article 1658 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au litige : " Les impôts directs et les taxes y assimilées sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par arrêté du préfet ou d'avis de mise en recouvrement. / Pour l'application de la procédure de recouvrement par voie de rôle prévue au premier alinéa, le représentant de l'Etat dans le département peut déléguer ses pouvoirs aux agents de catégorie A placés sous l'autorité des directeurs départementaux des finances publiques ou des responsables de services à compétence nationale, détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'Etat. La publicité de ces délégations est assurée par la publication des arrêtés de délégation au recueil des actes administratifs de la préfecture ". L'article 1659 du même livre prévoit que : " La date de mise en recouvrement des rôles est fixée par l'autorité compétente pour les homologuer en application de l'article 1658 en accord avec le directeur départemental des finances publiques. Cette date est indiquée sur le rôle ainsi que sur les avis d'imposition délivrés aux contribuables. / Lorsque des erreurs d'expédition sont constatées dans les rôles, un état de ces erreurs est dressé par le directeur départemental des finances publiques et approuvé dans les mêmes conditions que ces rôles, auxquels il est annexé à titre de pièce justificative. Le directeur rédige de nouveaux avis d'imposition et les fait parvenir aux intéressés ".
3. Les rôles mentionnés à l'article 1658 doivent comporter l'identification du contribuable, ainsi que le total par nature d'impôt et par année des sommes à acquitter.
4. Il résulte de l'instruction, en particulier de la décision de l'administration du 20 décembre 2019 portant admission partielle de la réclamation contentieuse de M. F..., que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2014 et des prélèvements sociaux afférents, ont été mis en recouvrement par voie de rôle n° 911 Z du 31 janvier 2019. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2015 ont quant à elles été mises en recouvrement par voie de rôle n° 933 A édité le 31 décembre 2018. M. F... soutient que les rôles produits par l'administration fiscale ne mentionnent pas le nom, prénom, adresse et identifiant fiscal du contribuable, ni la nature et le montant de l'impôt, ou encore les conditions de recouvrement. Il résulte de l'instruction que l'administration a produit les décisions d'homologation des rôles n°933 A et n° 911 Z, respectivement signées le 3 décembre 2018 par M. C... E..., et le 10 janvier 2019 par M. B... D..., tous deux administrateurs des finances publiques adjoints, dont la compétence n'est d'ailleurs pas contestée. Si l'administration a également produit le 6 décembre 2023 des documents intitulés " feuille de tête départementale ", précisant les dates de mise en recouvrement s'agissant des rôles n° 911 Z et n° 933 A, ces documents ne permettent toutefois pas d'identifier le nom du contribuable. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que ces documents d'homologation correspondent bien aux impositions en litige, et que les rôles homologués n° 911 Z et n° 933 A mentionnaient bien l'identification du nom du contribuable, et le total par nature d'impôt et par année des sommes à acquitter. Dans ces conditions, l'administration fiscale ne justifie pas avoir respecté les obligations, qui constituent une garantie pour les contribuables, prévues par les dispositions précitées de l'article 1658 du code général des impôts. Il y a lieu, par suite, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. F... au titre des années 2014 et 2015.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que M. F... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions en litige.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement, à M. F..., de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2000257 du 8 décembre 2021 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.
Article 2 : M. F... est déchargé, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015.
Article 3 : L'Etat versera à M. F... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera communiquée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 13 février 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2024.
La rapporteure,
Pauline ReynaudLa présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX00573