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05/03/2024 | FRANCE | N°22BX00535

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 05 mars 2024, 22BX00535


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association diocésaine de Bayonne a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 5 août 2019 par laquelle le maire de Sauveterre-de-Béarn a exercé le droit de préemption de la commune sur la parcelle cadastrée section C n° 914.



Par un jugement n° 1902252 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Pau a fait droit à sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregis

trée le 17 février 2022, la commune de Sauveterre-de-Béarn, représentée par Me Gallardo, demande à la cour :



1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association diocésaine de Bayonne a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 5 août 2019 par laquelle le maire de Sauveterre-de-Béarn a exercé le droit de préemption de la commune sur la parcelle cadastrée section C n° 914.

Par un jugement n° 1902252 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Pau a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 février 2022, la commune de Sauveterre-de-Béarn, représentée par Me Gallardo, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 2021 ;

2°) de rejeter la demande de l'association diocésaine de Bayonne ;

3°) de mettre à la charge de l'association diocésaine de Bayonne une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable, dès lors que l'association ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir en l'absence de promesse de vente ;

- la commune est compétente pour prendre la décision de préemption du bien en cause ;

- la délibération de la commune du 15 novembre 2010 instaurant le droit de préemption urbain sur son territoire est exécutoire dès lors que la commune a procédé à l'ensemble des formalités de publication ;

- la commune justifie de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement conformément aux dispositions des articles L. 210-1 du code de l'urbanisme ;

- la décision de préemption n'est pas entachée de détournement de pouvoir, la commune n'ayant jamais eu l'intention de s'opposer à l'établissement d'un lieu de culte.

Par un mémoire enregistré le 15 juin 2022, l'association diocésaine de Bayonne, représentée par la SELAS Adaltys Affaires Publiques, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Sauveterre-de-Béarn sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable en ce qu'elle est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- les moyens soulevés sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sébastien Ellie ;

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;

- et les observations de Me Gallardo représentant la commune de Sauveterre-de-Béarn et la communauté de communes du Béarn des Gaves et de Me Heymans représentant l'association diocésaine de Bayonne.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 5 août 2019, le maire de Sauveterre-de-Béarn a exercé le droit de préemption de cette commune sur la parcelle cadastrée section C n° 914 sur laquelle est implanté un bâtiment accueillant un appartement et une pharmacie. L'association diocésaine de Bayonne, acquéreur évincé de cette parcelle auprès de la SCI Saint-André, a demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation de cette décision. La commune de Sauveterre-de-Béarn fait appel du jugement du 17 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du 5 août 2019.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge ".

3. Il ressort de la requête d'appel de la commune de Sauveterre-de-Béarn que cette dernière, qui était défenderesse en première instance, a repris de façon précise les arguments qu'elle avait présentés devant le premier juge dans ses deux mémoires en défense et conclut par ailleurs à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Pau. La requête doit, par suite, être regardée comme suffisamment motivée.

Sur la légalité de la décision du 5 août 2019 :

4. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...). Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Lorsque la commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale y ayant vocation, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer tout ou partie des compétences qui lui sont attribuées par le présent chapitre (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser la mutation, le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme (...) ". Les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

5. Aux termes de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " I. ' La communauté de communes exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences relevant de chacun des groupes suivants : (...) 2° Actions de développement économique dans les conditions prévues à l'article L. 4251-17 ; (...) politique locale du commerce et soutien aux activités commerciales d'intérêt communautaire ; (...) ". Les statuts de la communauté de communes, en vigueur à la date de la décision en litige, reprennent ces compétences et ajoutent que " Sont considérés d'intérêt communautaire les activités commerciales dont la zone de chalandise dépasse l'échelon communal ".

6. Il ressort des pièces du dossier que la communauté de communes du Béarn des Gaves exerce la compétence relative à la politique locale du commerce et au soutien aux activités commerciales d'intérêt communautaire et que sont considérées d'intérêt communautaire les activités commerciales dont la zone de chalandise dépasse l'échelon communal. Cette compétence n'emporte toutefois pas compétence de plein droit en matière de droit de préemption urbain et il ne ressort par ailleurs d'aucune pièce du dossier que la communauté de communes se serait trouvée dans un cas de compétence de plein droit en la matière. Si le projet de créer une " Maison de la blonde d'Aquitaine " destinée à promouvoir " le territoire historique, berceau de la race, la commercialisation des produits et la valorisation des métiers liés à l'élevage " de cette race bovine participe de la politique locale du commerce et si, par son ampleur, il dépasse le seul échelon communal, cette circonstance ne saurait faire obstacle à ce que la commune, seule compétente en matière de droit de préemption urbain, utilise ce pouvoir pour permettre la réalisation de ce projet, sous réserve de respecter les conditions posées par les articles L. 211-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme. Dès lors que le projet en cause implique l'acquisition d'un local sur le territoire de la commune de Sauveterre-de-Béarn, laquelle participe à de nombreuses manifestations festives pour la promotion de la " blonde d'Aquitaine ", la commune pouvait légalement recourir au droit de préemption urbain, même pour mettre le local préempté à disposition d'un tiers, au regard de l'objectif poursuivi qui entre dans le champ des dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme.

7. La commune de Sauveterre-de-Béarn est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a annulé la décision de préemption du 5 août 2019 pour le motif tiré de ce que le projet relevait de l'objet statutaire de la communauté de communes du Béarn des Gaves et que la décision en cause était par suite entachée d'erreur de droit.

8. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association diocésaine de Bayonne.

9. En premier lieu, aux termes de l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme : " La délibération par laquelle le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent décide, en application de l'article L. 211-1, d'instituer ou de supprimer le droit de préemption urbain ou d'en modifier le champ d'application est affichée en mairie pendant un mois. Mention en est insérée dans deux journaux diffusés dans le département ".

10. La décision de préemption contestée a été prise sur le fondement d'une délibération du 15 novembre 2010 instaurant le droit de préemption sur le territoire de la commune, adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques le 17 novembre 2010 et publiée dans deux journaux diffusés dans le département, soit le journal Sud-Ouest du 27 novembre 2010 et les Petites affiches béarnaises et des Pyrénées Atlantiques du 30 novembre 2010. Il ressort du tampon certifié exécutoire apposé sur la délibération elle-même que celle-ci a été affichée en mairie le 17 novembre 2010. Cette délibération était donc exécutoire à la date de la décision contestée.

11. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un courrier de la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques du 1er juillet 2019, des procès-verbaux du conseil d'administration de l'association Blonde Berceau des 20 février 2018 et 12 mars 2019 et des articles de presse, que la communauté de communes du Béarn des Gaves a décidé, en partenariat avec la chambre d'agriculture et l'association Blonde Berceau, de créer une " Maison de la blonde d'Aquitaine " sur le territoire de la commune de Sauveterre-de-Béarn, plus particulièrement dans le cœur du village. Le projet a été développé, pour l'essentiel, au sein de l'association Blonde Berceau qui a mené différents ateliers en 2018 pour déterminer les conditions de faisabilité de ce projet et qui a organisé un comité de pilotage en 2019, composé notamment de la communauté de communes et de la chambre d'agriculture, et auquel le maire de la commune de Sauveterre-de-Béarn a participé le 26 mars 2019, afin de permettre la mise en œuvre de cet outil de promotion des produits dérivés de l'élevage de cette race bovine. Le projet d'aménagement et de développement durables de la commune, adopté en avril 2018, prévoit l'implantation sur son territoire d'une " Maison de la blonde ". La commune de Sauveterre-de-Béarn participe elle-même au développement de la " fête de la blonde " depuis plusieurs années. Lors de la séance du 9 juillet 2019, le maire de la commune a informé le conseil municipal de ce qu'il envisageait d'exercer le droit de préemption sur le bien en litige, après avoir rappelé que la commune s'était attachée depuis plusieurs années à développer la " fête de la blonde " et qu'un partenariat avec la communauté de communes a été noué pour l'implantation d'une " Maison de la blonde " sur le territoire de la commune, l'association Blonde Berceau ayant par ailleurs été créée pour porter, entre autres objectifs, ce projet. La commune justifie ainsi, à la date de la décision de préemption, de la réalité d'un projet d'aménagement correspondant aux objets définis par l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date. Enfin, la décision de préemption en litige indique, au demeurant de façon suffisamment motivée, la nature du projet poursuivi ainsi que le terrain pouvant être utilisé pour l'implantation d'une Maison de la Blonde d'Aquitaine ayant pour finalité la promotion du territoire historique, berceau de la race, la commercialisation des produits et la valorisation des métiers liés à cet élevage emblématique du Béarn des Gaves.

12. En troisième lieu, si l'immeuble ayant fait l'objet de la décision de préemption est occupé par une pharmacie, au titre d'un bail commercial courant jusqu'au 30 juin 2027 selon l'association diocésaine de Bayonne, cette circonstance n'est pas de nature à faire regarder le bien comme inadapté au projet, au regard de son emplacement au cœur du village, critère déterminant du projet, de la possibilité de mettre fin au bail commercial avec l'accord de la pharmacie et paiement d'une indemnité d'éviction. L'association n'apporte en outre, en tout état de cause, aucun élément permettant d'apprécier la portée de l'argument selon lequel le nombre de places de stationnement serait insuffisant.

13. En quatrième lieu, si le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) de la commune prévoyait l'implantation de la " Maison de la blonde " au sein du pôle d'activité Lasgourgues, le fait d'accueillir ce projet dans le centre-ville ne traduit pas une incohérence avec les objectifs du PADD dans son ensemble, qui a notamment pour objectif de renforcer le rôle de polarité économique de Sauveterre-de-Béarn.

14. En cinquième lieu, l'association diocésaine de Bayonne ne peut utilement soutenir que le bien en cause serait sans lien avec l'ancien marché au bétail ou le patrimoine médiéval du centre-ville, cette circonstance, à la supposer établie, n'étant pas de nature à entacher d'illégalité la décision de préemption attaquée.

15. En dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué par l'association diocésaine de Bayonne au regard notamment du fait que d'autres biens seraient plus adaptés pour le projet considéré ou que le maire de la commune aurait attendu trois ans avant de décider de préempter le bien en cause, n'est pas établi. L'association ne démontre pas davantage que le maire de la commune aurait pris sa décision dans le seul but de faire obstacle au projet de la paroisse consistant à regrouper en un seul endroit le presbytère et les salles paroissiales.

16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'intérêt à agir de l'association diocésaine de Bayonne, que la commune de Sauveterre-de-Béarn est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a prononcé l'annulation de la décision de préemption du 5 août 2019.

17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association diocésaine de Bayonne le versement à la commune de Sauveterre-de-Béarn d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune requérante, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée à ce titre par l'association intimée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 17 décembre 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'association diocésaine de Bayonne devant le tribunal administratif de Pau ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : L'association diocésaine de Bayonne versera à la commune de Sauveterre-de-Béarn une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sauveterre-de-Béarn, à l'association diocésaine de Bayonne et à la SCI Saint-André.

Délibéré après l'audience du 6 février 2024 où siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2024.

Le rapporteur,

Sébastien Ellie

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°22BX00535


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00535
Date de la décision : 05/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Sébastien ELLIE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : GALLARDO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-05;22bx00535 ?
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