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29/02/2024 | FRANCE | N°23BX02615

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 29 février 2024, 23BX02615


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2023 par lequel le préfet de la Corrèze lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.



Par un jugement n°2302625 du 16 octobre 2023, le tribunal administratif de Pau a r

ejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



I. Par une requête, enregistrée le 19...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2023 par lequel le préfet de la Corrèze lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n°2302625 du 16 octobre 2023, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2023 sous le n° 23BX02611, M. A..., représenté par Me Ortego Sampedro, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 16 octobre 2023 ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Corrèze du 10 octobre 2023 ;

4°) d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'une semaine à compter de la notification du jugement à venir, conformément aux dispositions de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, sans délai à compter de la notification du jugement à venir ;

6°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision qui ne mentionne pas sa présence en France depuis 1995 à l'âge de 7 ans est insuffisamment motivée ;

- cette motivation insuffisante révèle un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie d'un séjour continu en France depuis l'âge de 7 ans ;

- pour ces mêmes motifs, cette décision a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour :

- elle est insuffisamment motivée en l'absence de prise en compte des quatre critères prévus par la loi ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sa durée étant disproportionnée au regard de la présence de l'ensemble de ses liens privés et familiaux en France ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2023.

II. Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2023 sous le n° 23BX02615, M. A..., représenté par Me Ortego Sampedro, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 2302625 du tribunal administratif de Pau ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les conditions prévues à l'article R. 811-17 du code de justice administrative pour qu'il soit sursis à l'exécution du jugement sont remplies et développe les mêmes moyens que dans la requête n°23BX02611 à l'encontre de l'arrêté du préfet de la Corrèze du 10 octobre 2023.

M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,

- et les observations de Me Trebesses, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2023 par lequel le préfet de la Corrèze lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. A... relève appel du jugement du 16 octobre 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande et sollicite qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. Ces requêtes concernant un même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 9 novembre 2023. Par suite, ses conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur la requête n°23BX02611 :

3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a fondé la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la menace à l'ordre public que représente M. A... qui a fait l'objet de 16 condamnations depuis 2007 et été incarcéré du 12 août 2011 au 18 mars 2017, puis du 29 juin 2017 au 6 novembre 2021 et du 18 juillet 2022 au 10 octobre 2023. Alors que M. A... se prévalait de sa présence en France depuis 1995 à l'âge de 7 ans, cette décision, si elle vise l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'évoque pas la durée et les conditions du séjour de M. A..., le préfet précisant uniquement que l'intéressé se maintient en situation irrégulière et qu'il n'indique pas détenir de liens réellement forts en France, ni justifier de son intégration. Dans ces conditions, M. A... est fondé soutenir que cette décision est entachée d'un défaut d'examen.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ainsi que, par voie de conséquence, des décisions du même jour refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

6. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français implique un réexamen de la situation de M. A... et l'octroi d'une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Corrèze ou au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la situation de M. A... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen.

7. Il y a lieu d'enjoindre également à l'autorité préfectorale d'effacer le signalement de M. A... dans le système d'information Schengen, ce dans un délai d'une semaine à compter de la notification du présent arrêt.

Sur la requête n° 23BX02615 :

8. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions de M. A..., sa requête aux fins de sursis à exécution du jugement est devenue sans objet.

Sur les frais de l'instance :

9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à Me Ortego Sampedro.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 16 octobre 2023 du tribunal administratif de Pau et l'arrêté du 10 octobre 2023 du préfet de la Corrèze sont annulés.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n°23BX02615 et sur les conclusions de M. A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Corrèze ou au préfet compétent de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour et de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen dans un délai d'une semaine à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Me Ortego Sampedro une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Corrèze et à Me Ortego Sampedro.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Edwige Michaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 février 2024.

La rapporteure,

Christelle Brouard-LucasLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23BX02611, 23BX02615


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02615
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : ORTEGO SAMPEDRO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;23bx02615 ?
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