Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 10 mars 2023 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, ensemble la décision du 22 mai 2023 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 2300699 du 4 juillet 2023, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision du 10 mars 2023 fixant le pays de destination ainsi que la décision de rejet du recours gracieux et a enjoint à la préfète de la Haute-Vienne de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Toulouse, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 mars 2023 en tant qu'il porte refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et détermination du pays de renvoi ;
3°) d'annuler la décision du 22 mai 2023 rejetant son recours gracieux ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour mention " étudiant " ou " vie privée et familiale " d'une durée d'un an dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai ;
5°) d'enjoindre, en toute hypothèse, au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'une nouvelle décision sur son droit au séjour ;
6°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur le refus de séjour :
- la préfète a entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne le dispensant pas de l'obligation de présenter un visa long séjour préalable en application des articles L. 412-3 et L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il justifie avoir effectué des démarches, quand bien même elles n'ont pas abouti, pour obtenir un titre de séjour étudiant dans les trois mois qui ont suivi son entrée en France ;
- il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il ne représente pas une menace pour l'ordre public contrairement à ce que retient l'arrêté litigieux ;
Sur la décision d'éloignement :
- la décision d'éloignement est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- titulaire d'un titre de séjour tchèque " résidence permanente ", il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans avoir préalablement été invité à quitter le territoire national, conformément aux dispositions du 2) de l'article 6 de la directive n° 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision du 22 mai 2023 rejetant le recours gracieux formé par M. A..., cette décision ayant été annulée par le jugement du 4 juillet 2023 du tribunal administratif de Limoges.
Par ordonnance du 30 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 27 janvier 2024.
Un mémoire présenté par le préfet de la Haute-Vienne a été enregistré le 30 janvier 2024.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Kolia Gallier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant vietnamien né le 2 septembre 1998, est entré en France le 22 août 2017 muni d'un passeport vietnamien en cours de validité et d'un titre de séjour tchèque " résidence permanente " valable jusqu'au 23 septembre 2025. Le 26 novembre 2021, il a sollicité auprès des services de la préfecture de la Haute-Vienne, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant. Par un arrêté du 10 mars 2023, la préfète de la Haute-Vienne a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Limoges du 4 juillet 2023 en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à l'annulation des décisions de refus de séjour et d'éloignement. Il demande, en outre, l'annulation de la décision du 22 mai 2023 par laquelle la préfète de la Haute-Vienne a rejeté son recours gracieux.
Sur la recevabilité des conclusions :
2. Les conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation de la décision de rejet de son recours gracieux du 22 mai 2023 sont irrecevables dès lors que le tribunal a fait droit à sa demande sur ce point, faisant disparaitre cette décision de l'ordre juridique.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 426-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-UE, définie par les dispositions de la directive 2003/109/ CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée, accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne, et qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille, ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France, et sans que la condition prévue à l'article L. 412-1 soit opposable : / (...) 2° La carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " s'il remplit les conditions prévues aux articles L. 422-1, L. 422-2, L. 422-4 ou L. 422-5 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. " L'article L. 412-3 de ce code précise par ailleurs : " Par dérogation à l'article L. 412-1 l'autorité administrative peut, sans que soit exigée la production du visa de long séjour mentionné au même article, accorder les cartes de séjour suivantes : / 1° La carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " prévue à l'article L. 422-1 ; (...) ". L'article L. 422-1 du même code prévoit : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. / En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, le préfet peut délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " à un étranger entré régulièrement sur le territoire français, alors même que ce dernier ne justifie pas avoir bénéficié du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré régulièrement en France au mois d'août 2017 à l'âge de 17 ans et qu'après une année en classe d'apprentissage de la langue française, il a poursuivi avec sérieux sa scolarité, d'abord au lycée à Châteauroux où il a obtenu son baccalauréat à l'issue de l'année scolaire 2020-2021, puis en licence de génie civil à l'université de Limoges. M. A..., titulaire d'une carte de résident de longue durée UE délivrée par les autorités tchèques, indique avoir été empêché par la procédure judiciaire dont lui et son père ont fait l'objet pour trafic de stupéfiants, de mener à bien les formalités administratives qu'il avait entreprises pour demander un titre de séjour dans un délai de trois mois après son arrivée. Toutefois, l'intéressé n'a été interpellé par les forces de l'ordre qu'au mois de janvier 2018, soit après l'expiration de ce délai et il ne justifie par aucune pièce s'être rapproché des services de la préfecture en temps utile. Par ailleurs, si M. A... démontre poursuivre avec sérieux son parcours universitaire, il ne ressort des pièces du dossier aucune nécessité à la poursuite des ses études en France. Dans ces conditions, la préfète de la Haute-Vienne, qui exerce sur ce point un pouvoir discrétionnaire, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de dispenser M. A... de l'obligation de produire un visa de long séjour.
6. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". L'article L. 423-23 du même code dispose : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ".
7. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que M. A... poursuit avec sérieux ses études universitaires, l'équipe pédagogique de sa formation soulignant sa motivation, sa gentillesse, sa détermination ainsi que sa régularité dans le travail. S'agissant de sa vie privée et familiale en France, le requérant ne soutient pas qu'il entretiendrait une relation avec son père condamné à une peine d'emprisonnement de sept années et qui devra exécuter une interdiction de retour sur le territoire Français de dix années à sa libération. Il ne se prévaut par ailleurs d'aucune autre relation qu'il aurait nouée sur le territoire national. Au vu de ces éléments, M. A... n'est pas fondé à soutenir que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels et la préfète n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel l'arrêté litigieux a été édicté. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées doivent ainsi être écartés.
8. Si l'arrêté de refus de titre de séjour est également fondé sur la menace à l'ordre public que représenterait M. A..., il résulte de l'instruction que la préfète de la Haute-Vienne aurait pris la même décision si elle ne s'était pas fondée sur ce motif.
En ce qui concerne la décision d'éloignement :
9. Aucun des moyens dirigés contre la décision de refus de séjour n'ayant été accueilli, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.
10. Enfin, si M. A... se prévaut des dispositions de l'article 6 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 qui prévoient la possibilité d'édicter une décision de retour à l'encontre d'un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d'un État membre et titulaire d'un titre de séjour valable ou d'une autre autorisation conférant un droit de séjour délivré par un autre État membre seulement si celui-ci ne respecte pas son obligation de se rendre immédiatement sur le territoire de cet autre État membre, il ne résulte pas de ces dispositions qu'une telle décision de retour devrait être précédée d'une invitation à quitter le territoire. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que la préfète de la Haute-Vienne a informé M. A... par un courrier du 27 juin 2022 de son intention de prononcer une mesure d'éloignement à son encontre. Par suite, le requérant étant informé de ce qu'il lui appartenait de se rendre sur le territoire de l'État membre lui ayant délivré une carte de résident de longue durée-UE, le moyen ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 8 février 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.
La rapporteure,
Kolia GallierLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23BX02548 2