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29/02/2024 | FRANCE | N°22BX01930

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 29 février 2024, 22BX01930


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 21 janvier 2021 par laquelle le conseil municipal de Cénac a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune.



Par un jugement n°2101344 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 15 juillet 2022, Mme A... représent

ée par Me Castera, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 19 mai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 21 janvier 2021 par laquelle le conseil municipal de Cénac a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune.

Par un jugement n°2101344 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 juillet 2022, Mme A... représentée par Me Castera, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 19 mai 2022 ;

2°) d'annuler la délibération du 21 janvier 2021 approuvant le nouveau plan local d'urbanisme de la commune en tant qu'elle classe les parcelles dont elle est propriétaire, cadastrées section AE nos 1101, 695 et 932 en zone naturelle ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cénac la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de la nature de dent creuse des parcelles cadastrées section AE nos 1101, 695 et 932, alors que cette qualification est essentielle pour apprécier la légalité de leur classement en zone naturelle ;

- le classement des parcelles cadastrées section AE nos 1101, 695 et 932 en zone naturelle est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le classement de ces parcelles est incohérent avec l'objectif de développement des secteurs déjà bâtis du projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme de la commune de Cénac.

Par ordonnance du 12 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 28 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Edwige Michaud, rapporteure,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Borgna, représentant Mme A....

Une note en délibéré présentée pour Mme A..., par Me Castera, a été enregistrée le 9 février 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 19 janvier 2016, le conseil municipal de Cénac a prescrit la révision du plan local d'urbanisme de la commune. Le projet de plan local d'urbanisme a été arrêté par une délibération du 21 mai 2019. Par une délibération du 21 janvier 2021, le conseil municipal de Cénac a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune. Par jugement du 19 mai 2022 le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la délibération du 21 janvier 2021 approuvant le nouveau plan local d'urbanisme de la commune. Mme A... relève appel de ce jugement et demande à la cour d'annuler la délibération du 21 janvier 2021 approuvant le nouveau plan local d'urbanisme de la commune en tant qu'elle classe les parcelles dont elle est propriétaire, cadastrées section AE nos 1101, 695 et 932 en zone naturelle.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L.9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Il ressort du jugement attaqué et notamment de son point 11, que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du classement des parcelles cadastrées section AE nos 1101, 695 et 932 par une motivation circonstanciée. La seule circonstance que le tribunal n'ait pas repris la qualification de " dent creuse " utilisée par Mme A... dans ses écritures ne suffit pas à établir que les premiers juges n'auraient pas suffisamment motivé leur réponse à ce moyen. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement pour absence de réponse au moyen tiré de la nature de dent creuse des parcelles cadastrées section AE nos 1101, 695 et 932, qui n'est en réalité qu'un argument au soutien de l'erreur manifeste d'appréciation du classement de ces parcelles, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R.151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues. ".

5. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. À cet effet, ils peuvent être amenés à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés par les dispositions citées ci-dessus, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation.

6. Les parcelles cadastrées section AE nos 1101, 695 et 932, d'une superficie totale de 2,7 hectares et vierges de toute construction, précédemment classées en zone UB, ont été classées en zone naturelle à l'issue de la révision du plan local d'urbanisme, adoptée par la délibération attaquée. Ces parcelles sont limitrophes, à l'est, d'une zone urbanisée classée UM2 (zone urbaine multifonctionnelle bourg permettant l'intensification urbaine douce). Elles sont situées dans le secteur Gratian, sont entourées au nord, à l'ouest et au sud de constructions, bénéficient de raccordements aux réseaux et sont desservies par une voie de desserte. Si Mme A... soutient que le schéma de cohérence territoriale de l'aire métropolitaine bordelaise approuvé le 13 février 2014 et modifié le 2 décembre 2016 identifie les parcelles en cause comme comprises dans l'enveloppe urbaine urbanisable, la commune de Cénac faisait valoir, dans ses écritures de première instance, que le classement de ces parcelles en zone N se justifie notamment par l'enjeu environnemental fort du secteur et la nécessité de prévenir les risques liés aux inondations en raison de la topographie du site. Il ressort des plans produits au dossier que les parcelles en litige ne supportent aucune construction et se situent dans le prolongement d'une vaste zone naturelle et boisée. Elles présentent donc le caractère d'espaces naturels, permettant un classement en zone N. Par ailleurs, si l'appelante se prévaut du rapport du commissaire-enquêteur, qui remet en cause l'argument relatif à la topographie du site, il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du courrier du 26 juin 2018 adressé par le conseil de la requérante au maire de la commune et du constat d'huissier produit par la requérante du 3 février 2021, que les parcelles litigieuses sont régulièrement inondées par les eaux pluviales. En outre, le rapport de présentation identifie un risque inondation par débordements dans la basse vallée de la Pimpine et du ruisseau de Rauzé (affluent de la Pimpine). La commune établit d'ailleurs qu'entre 1999 et 2021, 13 arrêtés de catastrophes naturelles pour inondations et coulées de boue ont concerné le territoire communal. Le rapport de présentation comporte également des photographies des débordements du Rauzé et du fossé de Gratian intervenus au mois de février 2016. Dans ces conditions, en raison de la sensibilité du territoire de la commune aux débordements par inondation que les auteurs du plan local d'urbanisme ont souhaité prendre en compte, le motif relatif aux difficultés de gestion des eaux pluviales sur les parcelles litigieuses suffit à justifier le classement de ces trois parcelles en zone N, quelles que soient les causes de l'origine de ces débordements et quand bien même aucun plan de prévention des risques applicables sur la commune n'identifie un risque inondation dans ce secteur. Par suite, et alors même que le classement litigieux entraine une rupture de linéarité du trait de zonage, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché le classement des parcelles cadastrées section AE nos 1101, 695 et 932 en zone N doit être écarté.

7. En second lieu, aux termes de l'article L.151-2 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme comprend : 1° Un rapport de présentation ; 2° Un projet d'aménagement et de développement durables ; 3° Des orientations d'aménagement et de programmation ; 4° Un règlement ; 5° Des annexes. / Chacun de ces éléments peut comprendre un ou plusieurs documents graphiques. Ces documents graphiques peuvent contenir des indications relatives au relief des espaces auxquels il s'applique. ". Aux termes de l'article L.151-5 du même code dans sa version applicable au litige : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit : 1° Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ; 2° Les orientations générales concernant l'habitat, les transports et les déplacements, les réseaux d'énergie, le développement des communications numériques, l'équipement commercial, le développement économique et les loisirs, retenues pour l'ensemble de l'établissement public de coopération intercommunale ou de la commune. / Il fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain. / Il peut prendre en compte les spécificités des anciennes communes, notamment paysagères, architecturales, patrimoniales et environnementales, lorsqu'il existe une ou plusieurs communes nouvelles. ". Aux termes de l'article L.151-8 du même code : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ".

8. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables (PADD), il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

9. La requérante se prévaut de l'orientation n°23 du PADD qui indique que plus de la moitié des constructions neuves seront réalisées en intensification des espaces déjà bâtis, par la construction de logements collectifs et individuels, en dents creuses ou sur parcelles déjà bâties et que dans les secteurs desservis par le réseau d'assainissement collectif des eaux usées (ou les secteurs où l'équipement est programmé), tels que le secteur de Gratian, il s'agit de permettre une densification douce, modérée et discrète, essentiellement par l'ajout, lorsque les conditions le permettent, d'une habitation supplémentaire par unité foncière bâtie afin de ne pas accélérer de façon trop nette le besoin de requalification des espaces publics et des réseaux desservant ces secteurs de densité faible aujourd'hui. Toutefois, l'orientation n°22 du PADD précise également que les terres agricoles et naturelles doivent être préservées, que les coupures d'urbanisation doivent être protégées et que le développement de l'urbanisation est envisagé par renouvellement et évolution des tissus bâtis existants. Ainsi qu'il a été dit au point 6, les parcelles de Mme A... ne sont pas bâties et sont à l'état d'espace naturel. Par suite, alors que les objectifs fixés par le PADD prévoient la conservation des espaces naturels et la densification des espaces déjà bâtis, leur classement en zone N ne caractérise pas une incohérence du règlement avec l'orientation n°23 du PADD. Le moyen soulevé en ce sens doit donc être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 21 janvier 2021 par laquelle le conseil municipal de la commune de Cénac a approuvé la révision du plan local d'urbanisme en tant qu'elle classe ses parcelles cadastrées section AE nos 1101, n°695 et n°932 en zone N. Par suite, sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Cénac.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Edwige Michaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.

La rapporteure,

Edwige MichaudLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01930


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01930
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Edwige MICHAUD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : CASTERA-MINARD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;22bx01930 ?
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