Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'État à lui verser la somme de 265 892,28 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du refus illégal de la ministre des armées de renouveler son contrat d'engagement.
Par un jugement n° 2000373 du 30 mars 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 avril 2022 et le 3 août 2023, M. A..., représenté par Me Soulié, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau ;
2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 265 892,28 euros en réparation de son préjudice, somme assortie des intérêts à compter du 19 juillet 2019 et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont omis de se prononcer sur l'illégalité de la décision du 15 janvier 2018 ;
- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de cette décision ;
- cette décision du 15 janvier 2018 n'est pas motivée ;
- elle a été édictée au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'une proposition de renouvellement lui a été adressée moins de six mois avant le terme de son contrat en méconnaissance de l'article 10 du décret n° 2016-983 et que l'administration n'a pas tenu compte de son acceptation exprimée le 14 septembre 2017 ;
- le non renouvellement de son contrat est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son aptitude physique, de la qualité de son service et de son acceptation du renouvellement de son contrat ;
- l'illégalité du non renouvellement de son contrat lui a causé un préjudice financier qui sera justement réparé à hauteur de 265 892,28 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le décret n° 2016-983 du 19 juillet 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kolia Gallier,
- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a souscrit le 5 mars 2013 un contrat d'engagement pour une durée de cinq ans avec l'armée de terre pour exercer des fonctions de conducteur super poids lourd au 5ème régiment d'hélicoptères de combat d'Uzein. Par une décision du 15 janvier 2018, l'autorité militaire a refusé de renouveler son contrat. M. A... a contesté cette décision auprès de la commission de recours des militaires et, au vu de l'avis rendu, la ministre des armées a confirmé ce refus par une décision du 6 novembre 2018. L'intéressé a alors saisi la ministre d'une demande d'indemnisation des préjudices résultant de l'illégalité de ces décisions par un courrier du 19 juillet 2019, demande rejetée par une décision implicite née du silence gardé par l'administration. Ce rejet a été confirmé par une décision du ministre des armées du 4 février 2020 après que M. A... a formé un recours auprès de la commission de recours des militaires. M. A... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'État à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité du refus de renouvellement de son contrat. Il relève appel du jugement du 30 mars 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. M. A... soutient que les premiers juges ont entaché le jugement attaqué d'irrégularité en s'abstenant d'examiner les moyens dirigés contre la décision du 15 janvier 2018 par laquelle le ministre des armées a refusé de renouveler son contrat d'engagement. Toutefois, pour rejeter la demande de l'intéressé, les premiers juges ont commencé par retenir que la décision du 6 novembre 2018 prise par le ministre après le recours formé par M. A... devant la commission de recours des militaires s'était substituée à la décision initiale du 15 janvier 2018, la faisant disparaitre de l'ordonnancement juridique. Dans ces conditions, le tribunal n'avait pas à examiner les moyens invoqués par M. A... relatifs aux vices propres de cette décision du 15 janvier 2018 et le moyen tiré de l'irrégularité dont serait entaché le jugement doit être écarté.
Sur les conclusions indemnitaires :
3. Aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " I. - Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. / Le recours administratif formé auprès de la commission conserve le délai de recours contentieux jusqu'à l'intervention de la décision prévue à l'article R. 4125-10. (...) ". L'article R. 4125-10 du même code dispose : " Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé la décision du ministre compétent, ou le cas échéant, des ministres conjointement compétents. La décision prise sur son recours, qui est motivée en cas de rejet, se substitue à la décision initiale. (...) ".
4. Il résulte des dispositions précitées, ainsi que l'a retenu à juste titre le tribunal, que la décision du ministre des armées du 6 novembre 2018 prise sur le recours formé par M. A... devant la commission de recours des militaires s'est substituée à la décision du 15 janvier 2018 par laquelle l'autorité militaire a initialement refusé le renouvellement du contrat d'engagement de l'intéressé. Par suite, cette décision du 15 janvier 2018 a disparu de l'ordonnancement juridique et n'est pas susceptible d'engager la responsabilité de l'administration. Les moyens tirés de l'illégalité de cette décision en raison de l'incompétence de son signataire et de son défaut de motivation ne peuvent ainsi qu'être écartés comme inopérants.
5. Cette substitution ne fait toutefois pas obstacle à ce que soient invoqués au soutien des conclusions indemnitaires présentées par M. A... des moyens tirés de la méconnaissance de règles de procédure applicables aux décisions initiales qui, ne constituant pas uniquement des vices propres à ces décisions, sont susceptibles d'affecter la régularité des décisions soumises au juge.
6. Aux termes de l'article 10 du décret du 19 juillet 2016 relatif aux militaires du rang : " Le ministre de la défense notifie par écrit au militaire du rang son intention de renouveler ou non son contrat d'engagement au moins six mois avant le terme de celui-ci. / Le militaire du rang à qui est proposé le renouvellement du contrat dispose d'un délai d'un mois pour faire connaître son acceptation par écrit. L'absence de réponse dans ce délai vaut renonciation. (...) ".
7. S'il est vrai que M. A... n'a pas été informé par une décision notifiée par écrit de l'intention du ministre de ne pas renouveler son contrat d'engagement au moins six mois avant son terme, il résulte de l'instruction qu'il a lui-même indiqué à un agent de l'administration en charge de l'accompagner dans son parcours de reconversion professionnelle le 6 juillet 2017 qu'en raison d'une blessure récurrente, son contrat ne serait pas renouvelé et qu'il serait rayé des contrôles le 5 mars 2018. M. A..., qui était ainsi parfaitement informé de la nécessité de rechercher une nouvelle activité professionnelle au terme de son contrat d'engagement, ne peut donc utilement soutenir que le non-respect du délai prévu par les dispositions précitées serait à l'origine d'un préjudice financier. En outre, l'intéressé a sollicité le versement d'une indemnité correspondant au montant du traitement qui lui aurait été versé pendant six années si son contrat avait été renouvelé, préjudice qui ne présente, en toute hypothèse, aucun lien avec la faute alléguée.
8. Aux termes de l'article L. 4132-1 du code de la défense : " Nul ne peut être militaire : (...) / 3° S'il ne présente les aptitudes exigées pour l'exercice de la fonction ; (...) ". L'article L. 713-12 du code de la sécurité sociale : " Lorsqu'une décision entrainant des conséquences statutaires ou disciplinaires pour un militaire doit être prise après avis d'un médecin, cet avis ne peut être émis que par un médecin des armées relevant des dispositions de l'article L. 4138-2 ou de l'article L. 4211-1 du code de la défense. / Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables aux décisions d'admission à un état militaire ou à servir en vertu d'un contrat. "
9. Il résulte de l'instruction que le ministre des armées a proposé à M. A... le renouvellement de son contrat par un courrier du 10 avril 2017 notifié le 14 septembre suivant, ce que l'intéressé a accepté. Cette circonstance ne faisait toutefois pas obstacle à ce que le ministre prenne une nouvelle position au vu d'éléments postérieurs à sa proposition. A cet égard, M. A... a été placé en congé maladie du 3 mars 2017 au 16 juin 2017, puis reçu en consultation par le médecin militaire de la 182ème antenne médicale d'Uzein le 19 juin 2017. Ce médecin, seul compétent pour apprécier l'aptitude ou l'inaptitude de l'intéressé, a conclu à son inaptitude à toutes activités physiques militaires et sportives de type course, diagnostic qui a été confirmé le 27 octobre 2017 puis le 29 janvier 2018 par le médecin en chef qui a retenu que son " classement " I " (membres inférieurs) n'est pas susceptible d'évoluer ". M. A... se prévaut de deux certificats médicaux du 24 mai 2017 et du 9 septembre 2019, le premier relevant des douleurs récurrentes aux genoux depuis cinq ans et la nécessité de ralentir son activité professionnelle sollicitant beaucoup ses articulations quand bien même il conclut à l'absence d'indication chirurgicale et le second relevant, sans précision sur le niveau d'exigence physique requis pour l'exercice de fonctions militaires, que M. A... n'avait " à sa connaissance aucun problème de santé en mars 2018 " et qu'il présente une aptitude totale à l'exercice de toute forme d'activité professionnelle. Ces certificats peu circonstanciés ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation de l'administration quant à l'inaptitude de M. A... à la poursuite de son activité militaire et la faute alléguée par le requérant à cet égard doit être écartée.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. La requête de M. A... doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 8 février 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.
La rapporteure,
Kolia GallierLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre des armées ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22BX01231 2