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27/02/2024 | FRANCE | N°21BX00134

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 27 février 2024, 21BX00134


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Limousin Nature Environnement, M. G... E... et Mme C... E..., M. B... J... et Mme A... J..., M. M... O..., M. F... L... et Mme Q... L..., Mme D... L..., M. H... I... et M. K... R..., ont demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, l'arrêté du 8 août 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a délivré à la société à responsabilité limitée ENEDEL 7 un permis de construire une unité de méthanisation située lieu-dit " Le Francour "

à Saint-Junien-les-Combes, d'autre part, l'arrêté du 3 novembre 2017 du préfet de la Haute...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Limousin Nature Environnement, M. G... E... et Mme C... E..., M. B... J... et Mme A... J..., M. M... O..., M. F... L... et Mme Q... L..., Mme D... L..., M. H... I... et M. K... R..., ont demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, l'arrêté du 8 août 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a délivré à la société à responsabilité limitée ENEDEL 7 un permis de construire une unité de méthanisation située lieu-dit " Le Francour " à Saint-Junien-les-Combes, d'autre part, l'arrêté du 3 novembre 2017 du préfet de la Haute-Vienne portant enregistrement d'une unité de méthanisation située au lieu-dit " Le Francour " sur la commune de Saint-Junien-les-Combes et de ses sites de stockage de digestats situés sur les communes de Saint-Junien-les-Combes et Berneuil au titre des installations classées pour la protection de l'environnement.

Par un jugement n° 1800191, 1800324 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Limoges a annulé les arrêtés des 8 août 2017 et 7 novembre 2017.

Par une requête enregistrée sous le n°21BX00134 le 12 janvier 2021, et des mémoires enregistrés les 2 juin 2022 et 12 décembre 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société Enedel 7, représentée par la SCP KPL avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1800191, 1800324 du tribunal administratif de Limoges du 12 novembre 2020 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par l'association Limousin Nature Environnement et autres ;

3°) de mettre à la charge de l'association Limousin Nature Environnement et autres le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Enedel 7 soutient que :

En ce qui concerne l'arrêté du 3 novembre 2017 :

- les requérants de première instance ne justifiaient pas d'un intérêt pour agir contre l'arrêté du 3 novembre 2017 ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif de Limoges, le projet ne relevait pas de la procédure d'autorisation mais d'un enregistrement au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, dès lors qu'il n'a pas d'impact sur l'environnement, en particulier sur la zone Natura 2000 " Vallée de la Gartempe et ses affluents " ;

- en tout état de cause, eu égard au fait que le problème porte sur une partie extrêmement minime de la zone d'épandage prévue pour l'unité de méthanisation en litige, une régularisation est tout à fait possible ; il appartient ainsi à la cour de surseoir à statuer le temps de la régularisation du projet ;

En ce qui concerne l'arrêté du 8 août 2017 :

- les requérants de première instance ne justifiaient pas d'un intérêt pour agir contre l'arrêté du 8 août 2017 ;

- l'arrêté attaqué ne méconnait pas les dispositions de l'article R. 423-55 du code de l'urbanisme, dès lors qu'il n'y avait pas lieu de soumettre le projet à étude d'impact ;

- il ne méconnait pas les dispositions des articles L. 111-3 et L. 111-4 du code de l'urbanisme, ni les dispositions des articles L. 311-1et D. 311-18 du code rural et de la pêche maritime.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 mai 2022 et 4 juillet 2022, l'association Limousin Nature Environnement, M. G... E... et Mme C... E..., M. B... J... et Mme A... J..., M. M... O..., M. F... L... et Mme Q... L..., Mme D... L..., M. H... I... et M. K... R..., représentés par Me Martin, concluent au rejet de la requête et demandent de mettre à la charge de la société Enedel 7 le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Par courrier du 19 avril 2023, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de surseoir à statuer, d'une part, en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement en vue de permettre la régularisation du vice de l'arrêté du 3 novembre 2017 tiré de l'absence d'instruction de la demande de la société Enedel 7 selon la procédure d'autorisation environnementale prévue par le chapitre unique du titre VIII du livre 1er du code de l'environnement, d'autre part, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, en vue de permettre la régularisation du vice de l'arrêté du 8 août 2017 tiré du défaut de consultation de l'autorité environnementale, en méconnaissance de l'article R. 423-55 du code de l'urbanisme.

L'association Limousin Nature Environnement et autres, et la société Enedel 7 ont présenté des observations le 28 avril 2023.

Par un arrêt avant dire droit n° 2100134 du 23 mai 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, en application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, sursis à statuer sur la requête présentée par la société Enedel 7 afin de transmettre le dossier de cette affaire au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen des questions de droit nouvelle.

Par un avis n° 474431 du 10 novembre 2023, le Conseil d'Etat a statué sur les questions posées par la cour dans son arrêt avant dire droit.

Par un mémoire, enregistré le 13 décembre 2023, l'association Limousin Nature Environnement et autres concluent aux mêmes fins que précédemment.

Par un mémoire, enregistré le 20 décembre 2023, la société Enedel 7 conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.

Par un mémoire, enregistré le 20 décembre 2023, le préfet de la Haute-Vienne demande à la cour, à titre principal d'annuler le jugement n° 1800191, 1800324 du tribunal administratif de Limoges du 12 novembre 2020, et à titre subsidiaire d'annuler partiellement ce jugement en se limitant à l'exclusion du site de Lalue du plan d'épandage et à titre infiniment subsidiaire, de prononcer un sursis à statuer avant régularisation.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu que l'unité de méthanisation ne relève pas d'une activité agricole ;

- il appartenait à titre subsidiaire au tribunal de ne pas prononcer une annulation totale de l'arrêté mais de se limiter à une annulation partielle et d'exclure le site de Lalue du plan d'épandage, le cas échéant ;

- l'absence de preuve de l'absence d'impact du projet sur l'environnement est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige, alors au demeurant que l'état initial de l'environnement a bien été analysé lors de l'instruction de la demande d'enregistrement de la société Enedel 7 ;

- la circonstance qu'un plan d'épandage n'aurait pas été respecté en 2013 est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige, pris plus de quatre ans après ;

- au regard de l'avis rendu par le Conseil d'Etat, le projet en litige pourrait être actualisé et affiné si la cour en décidait ainsi.

Par un mémoire enregistré le 19 janvier 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la cour de permettre la régularisation du vice résultant de l'absence de soumission du projet d'unité de méthanisation à une instruction selon la procédure de l'autorisation environnementale en vertu de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement.

Il soutient que le vice retenu par la cour dans son arrêt avant dire droit est régularisable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics ou privés sur l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pauline Reynaud,

- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,

- et les observations de Me Pielberg, représentant la SARL Enedel 7.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée Enedel 7 a déposé le 15 mars 2017 une demande de permis de construire une unité de méthanisation située lieu-dit " Le Francour ", sur le territoire de la commune de Saint-Junien-les-Combes. Par un arrêté du 8 août 2017, le préfet de la Haute-Vienne a délivré à la société Enedel 7 le permis sollicité. La société Enedel 7 a par ailleurs déposé le 24 mars 2017 un dossier d'enregistrement en vue d'exploiter cette unité de méthanisation. Par un arrêté du 3 novembre 2017, le préfet de la Haute-Vienne a procédé à l'enregistrement de ces installations au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). L'association Limousin Nature Environnement et autres ont demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler les arrêtés des 8 août 2017 et 3 novembre 2017. Par un jugement n° 1800191, 1800324 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Limoges a fait droit à leurs demandes et annulé ces arrêtés. La société Enedel 7 relève appel de ce jugement.

auHaute-Vien

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le moyen d'annulation de l'arrêté du 3 novembre 2017 retenu par le tribunal :

2. Il résulte de l'instruction que, par un arrêt avant dire droit n° 21BX00134 du 23 mai 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux a retenu qu'eu égard, d'une part, à l'importance du projet et aux impacts initiaux importants qu'il pourrait engendrer et, d'autre part, à sa localisation dans un milieu présentant une sensibilité environnementale notable, situé pour partie en zone Natura 2000, la demande présentée par la société Enedel 7 devait, en application des dispositions de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement, faire l'objet d'une évaluation environnementale et ainsi être instruite selon la procédure de l'autorisation environnementale. Elle a ainsi estimé que la société Enedel 7 n'était pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a retenu le moyen tiré de ce qu'en s'abstenant de soumettre le projet à la procédure d'autorisation environnementale, laquelle prévoit la réalisation par le pétitionnaire d'une étude d'impact et l'organisation d'une enquête publique, qui présentent le caractère d'une garantie pour le public et sont susceptibles d'exercer une influence sur le sens de la décision, le préfet de la Haute-Vienne a entaché sa décision d'un vice de procédure de nature à entrainer l'annulation de l'arrêté en litige.

3. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I.- Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : (...) 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ".

4. Les dispositions précitées de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, qui concernent les pouvoirs du juge de l'autorisation environnementale, sont applicables aux recours formés contre une décision d'enregistrement d'une installation classée dans le cas où le projet fait l'objet, en application du 7° du paragraphe I de l'article L. 181-2 du code de l'environnement, d'une autorisation environnementale tenant lieu d'enregistrement ou s'il est soumis à évaluation environnementale donnant lieu à une autorisation du préfet en application du troisième alinéa du II de l'article L. 122-1-1 du même code.

5. Dans les autres cas où le juge administratif est saisi de conclusions dirigées contre une décision relative à l'enregistrement d'une installation classée, y compris si la demande d'enregistrement a été, en application de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement, instruite selon les règles de procédure prévues pour les autorisations environnementales, les dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ne sont pas applicables. Cependant, en vertu des pouvoirs qu'il tient de son office de juge de plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement, le juge administratif, s'il estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la modification de cet acte est susceptible d'être régularisée, peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation.

6. Il résulte de ce qui précède que le vice rappelé au point 2 du présent arrêt ne peut être régularisé dans les conditions prévues par l'article L. 181-18 du code de l'environnement, qui ne sont pas applicables s'agissant de conclusions dirigées contre une décision relative à l'enregistrement d'une installation classée. Par ailleurs, eu égard à l'importance du vice entachant la décision en litige, qui implique que la demande de la société soit instruite selon la procédure de l'autorisation environnementale et fasse l'objet d'une évaluation environnementale, celui-ci n'est pas susceptible d'être régularisé.

7. Par suite, la société Enedel 7 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 3 novembre 2017 portant enregistrement d'une unité de méthanisation.

En ce qui concerne les moyens d'annulation de l'arrêté du 8 août 2017 retenus par le tribunal :

8. En premier lieu, aux termes de l'article R. 423-55 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à étude d'impact, l'autorité compétente recueille l'avis de l'autorité environnementale en vertu de l'article L. 122-1 du code de l'environnement si cet avis n'a pas été émis dans le cadre d'une autre procédure portant sur le même projet ".

9. Il résulte de ce qui a été dit au point 2, que la demande d'enregistrement déposée par la société Enedel 7 devait être instruite selon les règles de procédure prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour les autorisations environnementales, en application des dispositions de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement et, à ce titre, le projet était soumis à évaluation environnementale. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'avis de l'autorité environnementale ait été recueilli dans le cadre de l'instruction de la demande de permis de construire en litige ou dans le cadre de l'instruction de la demande d'enregistrement concernant l'unité de méthanisation. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Limoges a jugé que l'arrêté attaqué méconnaissait les dispositions précitées de l'article R. 423-55 du code de l'urbanisme.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune. ". Selon l'article L. 111-4 de ce même code : " Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune : / (...) 2° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées, à la réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national (...) ". Selon l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime : " Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation. Les activités de cultures marines sont réputées agricoles, nonobstant le statut social dont relèvent ceux qui les pratiquent. Il en est de même des activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation, à l'exclusion des activités de spectacle. Il en est de même de la production et, le cas échéant, de la commercialisation, par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation, lorsque cette production est issue pour au moins 50 % de matières provenant d'exploitations agricoles. Les revenus tirés de la commercialisation sont considérés comme des revenus agricoles, au prorata de la participation de l'exploitant agricole dans la structure exploitant et commercialisant l'énergie produite. Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret. (...) ". L'article D. 311-18 du même code prévoit enfin que : " Pour que la production et, le cas échéant, la commercialisation de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation soient regardées comme activité agricole en application de l'article L. 311-1, l'unité de méthanisation doit être exploitée et l'énergie commercialisée par un exploitant agricole ou une structure détenue majoritairement par des exploitants agricoles. Ces exploitants agricoles sont, soit des personnes physiques inscrites au registre national des entreprises avec la qualité d'actif agricole mentionnée à l'article L. 311-2, soit des personnes morales dont le ou les associés détenant conjointement au moins 50 % des parts de la société, sont des exploitants agricoles inscrits à ce registre avec la qualité d'actif agricole mentionnée à l'article L. 311-2. / Le respect de la condition de provenance des matières premières à partir desquelles l'énergie est produite est apprécié, par exercice, au niveau de la structure gestionnaire de l'unité de méthanisation, et en masse de matières brutes présentées sous leur forme habituelle, sans transformation ni hydratation supplémentaires. Un registre permanent d'admission de ces matières est tenu par cette structure, tel que prévu par les dispositions relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement aux articles L. 511-1 et suivants du code de l'environnement. Outre la désignation des matières, leur date de réception et leur tonnage, il indique le nom et l'adresse du producteur ".

11. Il résulte des dispositions précitées que, dans les communes dépourvues de tout plan d'urbanisme ou de carte communale, la règle de constructibilité limitée n'autorise, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune, que les constructions et installations nécessaires, notamment, à l'exploitation agricole. Ce lien de nécessité, qui doit faire l'objet d'un examen au cas par cas, s'apprécie entre, d'une part, la nature et le fonctionnement des activités de l'exploitation agricole et, d'autre part, la destination de la construction ou de l'installation projetée.

12. D'une part, il est constant que le terrain d'assiette du projet se situe en dehors des parties urbanisées de la commune de Saint-Junien-les-Combes. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le capital de la société Enedel 7 est détenu par la société Holdel, elle-même détenue par M. P..., exploitant agricole, lequel établit être affilié à la MSA. Il ressort ensuite des pièces du dossier que le projet de construction d'une unité de méthanisation est destiné à valoriser des intrants exclusivement issus de l'exploitation agricole de la SCEA Domaine de Berneuil, et que les digestats issus du processus de méthanisation seront épandus sur cette même exploitation agricole et sur l'exploitation agricole de M. N... située à Chamboret. De plus, le projet permettra, outre la revente de la majeure partie de l'électricité créée, de produire le chauffage et l'électricité nécessaires à l'élevage de bovins de la SCEA Domaine de Berneuil. Dans ces conditions, compte tenu notamment de la nature et du fonctionnement des activités de l'exploitation agricole, et de la destination de la construction projetée, celle-ci doit être regardée comme étant nécessaire à l'exploitation agricole. Par suite, la société Enedel 7 est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 8 août 2017 au motif qu'il méconnaissait les dispositions précitées de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme.

13. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".

14. Le vice mentionné au point 9 du présent arrêt est susceptible d'être régularisé en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Il y a lieu d'examiner les autres moyens soulevés par les demandeurs de première instance avant, le cas échéant, de surseoir à statuer pour permettre cette régularisation.

En ce qui concerne les autres moyens développés à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 août 2017 :

15. En premier lieu, par un arrêté du 18 avril 2017, publié au recueil des actes administratifs spécial n°87-2017-029 de la préfecture de la Haute-Vienne du même jour, le préfet de la Haute-Vienne a donné délégation de signature à M. Jérôme Decours, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer, tous arrêtés relevant des attributions de l'Etat à l'exception desquels ne figurent pas les permis de construire. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté du 8 août 2017 doit être écarté.

16. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; (...) ". Aux termes de l'article R. 431-5 du même code : " La demande de permis de construire précise : / a) L'identité du ou des demandeurs, qui comprend son numéro SIRET lorsqu'il s'agit d'une personne morale en bénéficiant et sa date de naissance lorsqu'il s'agit d'une personne physique ; (...) / La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R*423-1 pour déposer une demande de permis ".

17. Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire ne doivent comporter que les pièces attestant de ce que le pétitionnaire remplit formellement les conditions définies à l'article R. 423-1 précité. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation produite par le demandeur. Ainsi, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui produit ladite attestation doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Il résulte de ce qui précède que les tiers ne sauraient utilement invoquer, pour contester une décision accordant une telle autorisation au vu de l'attestation requise, la circonstance que l'administration n'en aurait pas vérifié l'exactitude. Toutefois, lorsque l'autorité saisie d'une demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer, il lui revient de s'opposer à la déclaration ou de refuser la demande de permis pour ce motif.

18. Il ressort des pièces du dossier que M. P... a attesté, dans le formulaire de demande de permis de construire, être habilité à déposer cette demande. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Vienne aurait disposé, à la date de l'arrêté attaqué, d'informations de nature à établir le caractère frauduleux de la demande de permis de construire ou que la société pétitionnaire n'aurait pas eu qualité pour la déposer. En effet, la circonstance que la notice de présentation du projet en litige indique que " la partie du terrain nécessaire sera cédée par la SCEA à la SARL Enedel 7 " n'est pas de nature à établir le caractère frauduleux de la demande de permis de construire ou que la société Enedel 7 n'aurait pas eu qualité pour la déposer. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme doit être écarté.

19. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : " 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. " Selon l'article R. 431-9 de ce code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu (...) ". L'article R. 431-10 de ce code prévoit que : " Le projet architectural comprend également : c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".

20. Le dossier de demande de permis de construire comporte un plan de situation faisant apparaître le lieu d'implantation du projet, ainsi que la présence de la chapelle Saint-Eutrope sur le territoire de la commune de Saint-Junien-les-Combes, une photographie aérienne du secteur d'implantation ainsi que quatre documents photographiques faisant apparaître l'environnement proche et lointain du projet. Il comporte également un document graphique permettant d'apprécier l'impact du projet dans son environnement. La notice de présentation et les plans de masse cotés PC 2-1 et PC 2-2 permettent par ailleurs d'apprécier l'implantation du projet, les nivellements, ainsi que les voies d'accès, clôtures et aires de stationnement prévus. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande de permis de construire, en méconnaissance des dispositions précitées des articles R. 431-8, R. 431-9 et R. 431-10 du code de l'urbanisme, doit être écarté.

21. En quatrième lieu, l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige, prévoit que : " Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune : (...) / 2° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées, à la réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national ; (...) ". Selon l'article L. 111-5 du même code : " La construction de bâtiments nouveaux mentionnée au 1° de l'article L. 111-4 et les projets de constructions, aménagements, installations et travaux mentionnés aux 2° et 3° du même article ayant pour conséquence une réduction des surfaces situées dans les espaces autres qu'urbanisés et sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole doivent être préalablement soumis pour avis par l'autorité administrative compétente de l'Etat à la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. / La délibération mentionnée au 4° de l'article L. 111-4 est soumise pour avis conforme à cette même commission départementale. Cet avis est réputé favorable s'il n'est pas intervenu dans un délai d'un mois à compter de la saisine de la commission. ".

22. D'une part, si dans son avis émis le 19 avril 2017, la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) a mentionné une déclaration préalable, alors que la demande en litige consiste en un permis de construire, cette erreur de plume est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué. D'autre part, les requérants soutiennent que l'avis de la CDPENAF est irrégulier dès lors que cette commission a considéré à tort que l'unité de méthanisation en litige constitue une activité agricole. Toutefois, les dispositions précitées ne conditionnent pas la délivrance d'un permis de construire pour les installations prévues au 2° de l'article L. 111-4 à un avis conforme de la CDPENAF. Dès lors, à supposer même que la CDPENAF ait considéré, à tort, que l'activité de l'unité de méthanisation constitue une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté.

23. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme : " Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis ". Selon l'article R. 442-1 du même code : " Ne constituent pas des lotissements au sens du présent titre et ne sont soumis ni à déclaration préalable ni à permis d'aménager : / a) Les divisions en propriété ou en jouissance effectuées par un propriétaire au profit de personnes qui ont obtenu un permis de construire ou d'aménager portant sur la création d'un groupe de bâtiments ou d'un immeuble autre qu'une maison individuelle au sens de l'article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation ; (...) ".

24. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 442-1 que le projet en litige, qui porte sur la création d'une unité de méthanisation, ne constitue pas un lotissement au sens des dispositions de l'article L. 442-1 et n'est dès lors pas soumis à déclaration préalable ou permis d'aménager. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnait les dispositions des articles L. 442-1 et R. 442-1 du code de l'urbanisme doit être écarté.

25. En sixième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / a) L'étude d'impact ou la décision de l'autorité environnementale dispensant le projet d'évaluation environnementale lorsque le projet relève du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement. L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme vérifie que le projet qui lui est soumis est conforme aux mesures et caractéristiques qui ont justifié la décision de l'autorité environnementale de ne pas le soumettre à évaluation environnementale ; / b) L'étude d'impact actualisée lorsque le projet relève du III de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement ainsi que les avis de l'autorité environnementale compétente et des collectivités territoriales et leurs groupements intéressés par le projet rendus sur l'étude d'impact actualisée ; (...) ". Selon l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement : " (...) / III.- Les incidences sur l'environnement d'un projet dont la réalisation est subordonnée à la délivrance de plusieurs autorisations sont appréciées lors de la délivrance de la première autorisation. (...) ". Le tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement dresse la liste des travaux, ouvrages ou aménagements soumis à une étude d'impact, notamment lorsqu'ils sont subordonnés à la délivrance d'un permis de construire.

26. D'autre part, aux termes de l'article R. 423-57 du code de l'urbanisme : " Sous réserve des dispositions prévues aux quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 300-2 et au 1° du I de l'article L. 123-2 du code de l'environnement, lorsque le projet est soumis à enquête publique en application de l'article R. 123-1 du code de l'environnement, ou lorsque le projet est soumis à participation du public par voie électronique au titre de l'article L. 123-19 du code de l'environnement, celle-ci est organisée par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale lorsque le permis est délivré au nom de la commune ou de l'établissement public et par le préfet lorsque le permis est délivré au nom de l'Etat. (...) ". Selon l'article R. 123-1 du code de l'environnement : " I.- Pour l'application du 1° du I de l'article L. 123-2, font l'objet d'une enquête publique soumise aux prescriptions du présent chapitre les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements soumis de façon systématique à la réalisation d'une étude d'impact en application des II et III de l'article R. 122-2 et ceux qui, à l'issue de l'examen au cas par cas prévu au même article, sont soumis à la réalisation d'une telle étude ".

27. Il résulte de ces dispositions que l'obligation de joindre l'étude d'impact au dossier de demande de permis de construire et l'organisation d'une enquête publique avant de délivrer un permis de construire ne concernent que les cas où l'étude d'impact et l'enquête publique sont exigées en vertu des dispositions du code de l'environnement pour des projets soumis à autorisation en application du code de l'urbanisme. Elles s'imposent également lorsque le projet faisant l'objet de la demande de permis de construire est soumis à la réalisation d'une étude d'impact ou d'une enquête publique en vertu d'autres dispositions que celles prises au titre des constructions soumises à permis de construire, mais que seule la procédure de délivrance du permis de construire permet de prendre en compte les éléments de l'étude d'impact ou d'organiser l'enquête publique.

28. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 17, que le projet en litige est soumis au régime des autorisations au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, et de ce fait soumis à étude d'impact en application de la rubrique 1° du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement. En revanche, les unités de méthanisation ne sont pas au nombre des constructions soumises à permis de construire qui doivent, en vertu des dispositions du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, faire l'objet d'une étude d'impact ou d'une enquête publique.

29. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que seule la procédure de délivrance du permis de construire aurait permis de prendre en compte les éléments de l'étude d'impact ou d'organiser l'enquête publique. Ainsi, une telle étude d'impact et une enquête publique n'avaient pas à figurer dans le dossier de demande de permis de construire, présenté par la société Enedel 7. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le projet méconnait les dispositions des articles R. 431-16 et R. 423-57 du code de l'urbanisme, dès lors qu'il n'a pas été précédé d'une étude d'impact et d'une enquête publique, ne peuvent qu'être écartés.

30. En septième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

31. Le projet d'unité de méthanisation se situe dans une zone peu urbanisée, à 800 mètres du bourg de Saint-Junien les Combes. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier du guide de fonctionnement d'un méthaniseur produit, que les substrats entrants utilisés pour la méthanisation seront stockés dans des lieux clos et ventilés, et que les locaux de maturation seront tous hermétiquement clos. Par ailleurs, la dégradation de la matière organique dans le méthaniseur permet de détruire les acides gras volatiles responsables des odeurs. Dans ces conditions, le projet doit être regardé comme prévoyant des mesures suffisantes pour réduire les éventuelles nuisances olfactives.

32. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Haute-Vienne a émis un avis favorable au projet en litige. La circonstance que le SDIS renvoie, dans son avis, à l'arrêté du 12 août 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de méthanisation relevant du régime de l'enregistrement, lequel a été annexé à l'arrêté du 3 novembre 2017 portant enregistrement de l'unité de méthanisation en litige, est sans incidence sur la régularité de cet avis. Par ailleurs, si les requérants soutiennent que le projet en litige a pour conséquence d'aggraver le risque incendie dans une partie non actuellement urbanisée de la commune, ils n'apportent toutefois aucun élément à l'appui de cette allégation. Enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il n'appartenait pas à la société pétitionnaire de préciser, dans le dossier de demande de permis de construire, l'emplacement précis des prises d'eau, ni les caractéristiques du bassin de récupération des eaux, ces indications relevant de la procédure au titre des installations classées pour la protection de l'environnement.

33. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.

34. En huitième lieu, aux termes de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie ".

35. Les requérants soutiennent que l'arrêté en litige méconnait les dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme, dès lors qu'aucun élément ne permet de vérifier le respect des dispositions de l'arrêté du 12 août 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de méthanisation relevant du régime de l'enregistrement. Toutefois, en raison de l'indépendance des législations, les requérants ne peuvent utilement invoquer un tel arrêté, adopté sur le fondement des dispositions du code de l'environnement, relatifs aux installations classées pour la protection de l'environnement. Il ressort en tout état de cause de la notice de présentation du dossier de demande de permis que l'accès au site est prévu depuis le chemin privé nord sud, dans sa partie sud, lequel est revêtu en enrobé, et que son emprise sera élargie de façon à faciliter la circulation dans les deux sens. Or, les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir que les caractéristiques de ces voies d'accès au projet d'unité de méthanisation ne permettraient pas la circulation des engins de lutte contre les incendies. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme doit être écarté.

36. En neuvième lieu, aux termes de l'article R. 111-7 du code de l'urbanisme : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable peut imposer le maintien ou la création d'espaces verts correspondant à l'importance du projet ".

37. Il est constant que le projet en litige ne prévoit pas de plantations. Toutefois, compte tenu de la localisation du projet de construction en litige, dans une zone peu urbanisée et dans le prolongement d'une exploitation agricole, et de sa nature, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en n'exigeant pas de la société pétitionnaire la création d'espaces verts, le préfet de la Haute-Vienne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-7 du code de l'urbanisme.

38. En dixième lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme, aujourd'hui reprises à l'article R. 111-26 : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. Ces prescriptions spéciales tiennent compte, le cas échéant, des mesures mentionnées à l'article R. 181-43 du code de l'environnement ".

39. Ces dispositions ne permettent pas à l'autorité administrative de refuser un permis de construire, mais seulement de l'accorder sous réserve du respect de prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme, telles que celles relatives à l'implantation ou aux caractéristiques des bâtiments et de leurs abords, si le projet de construction est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. A ce titre, s'il n'appartient pas à cette autorité d'assortir le permis de construire délivré pour une installation classée de prescriptions relatives à son exploitation et aux nuisances qu'elle est susceptible d'occasionner, il lui incombe, en revanche, le cas échéant, de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées ou susceptibles de l'être.

40. En se bornant à se prévaloir de l'étude d'impact réalisée dans le cadre d'un projet de parc éolien situé sur le territoire de la commune de Saint-Junien-les-Combes, les requérants n'établissent pas que le projet de construction en litige serait, par son importance, sa situation ou sa destination, de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. Dans ces conditions, en ne prévoyant pas de prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas commis d'erreur manifeste au regard de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme. Ce moyen doit, dès lors, être écarté.

41. En onzième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

42. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

43. Il ressort des pièces du dossier que l'unité de méthanisation projetée, d'une surface de plancher de 135 m², a vocation à s'implanter dans une zone agricole, où est déjà implantée l'exploitation agricole de la SCEA Domaine de Berneuil, ne présentant pas, par elle-même, de caractère ou d'intérêt particulier et dépourvue aussi de monuments historiques ou encore de sites protégés. La construction projetée doit prendre place dans le prolongement d'un ensemble de bâtiments agricoles existants. Dans ces conditions, le projet n'est pas de nature à porter atteinte aux paysages naturels environnants. Par suite, le permis en litige pouvait être délivré sans erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-27 précité du code de l'urbanisme.

44. En douzième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 111-30 du code de l'urbanisme : " La création ou l'extension d'installations ou de bâtiments à caractère industriel ainsi que de constructions légères ou provisoires peut être subordonnée à des prescriptions particulières, notamment à l'aménagement d'écrans de verdure ou à l'observation d'une marge de reculement ".

45. Ainsi qu'il a été dit au point 37, compte tenu de la localisation du projet en zone agricole, dans le prolongement d'une exploitation agricole, à 800 mètres des habitations les plus proches, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en n'exigeant pas de la société pétitionnaire le respect de prescriptions particulières, notamment relatives à l'aménagement d'écrans de verdure ou à l'observation d'une marge de reculement, le préfet de la Haute-Vienne ait commis, compte tenu de la localisation du projet de construction en litige et de sa nature, une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-30 du code de l'urbanisme.

46. L'illégalité relevée au point 9 du présent arrêt est susceptible de régularisation. Par suite, il y a lieu de surseoir à statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre l'arrêté du 8 août 2017 et d'impartir à la société Enedel 7 un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt aux fins de notifier le cas échéant à la cour une mesure de régularisation de l'illégalité en cause.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête dirigées contre le jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 3 novembre 2017 portant enregistrement d'une unité de méthanisation sont rejetées.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur le surplus du litige jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt pour permettre à la société Enedel 7 de notifier le cas échéant à la cour une mesure de régularisation de l'illégalité mentionnée au point 9.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Enedel 7, à la fédération " Limousin Nature Environnement " désignée en qualité de représentant unique des défendeurs en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2024.

La rapporteure,

Pauline ReynaudLa présidente,

Evelyne Balzamo Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX00134 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00134
Date de la décision : 27/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-27;21bx00134 ?
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