Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Agropole Entreprises a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la SAS La Panacée des Plantes à lui verser une somme de 43 287,14 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de l'occupation irrégulière de locaux situés au sein de la technopole " Agropole " sur la commune d'Estillac.
Par un jugement n° 1903367 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la SAS La Panacée des Plantes à verser à l'association Agropole Entreprises la somme de 36 287,14 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 juillet 2021 et le 1er mars 2023, la SAS La Panacée des Plantes, représentée par Me Achou-Lepage, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal par l'association Agropole Entreprises ;
3°) de mettre à la charge de l'association Agropole Entreprises une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier faute d'avoir visé le mémoire en production de pièces produit par l'association Agropole Entreprises le 2 avril 2021 ;
- le jugement est également entaché d'un défaut de motivation en ce qu'il ne précise pas les éléments de droit sur lesquels il s'est fondé pour écarter la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande de l'association Agropole Entreprises, l'administration étant irrecevable à demander au juge le prononcé d'une mesure qu'elle aurait le pouvoir de prendre ;
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté cette fin de non-recevoir ;
- les trois conventions d'occupation précaires liant la SAS La Panacée des Plantes à l'association Agropole doivent être requalifiées en baux commerciaux en raison de l'absence de précarité de l'occupation et du caractère non modique de la redevance ; en outre, il n'est pas établi que les locaux en cause constitueraient des dépendances du domaine public ; en particulier, ils n'ont fait l'objet d'aucun aménagement indispensable à l'exécution d'une mission de service public ;
- la nature de ce contrat faisait obstacle à ce que l'association Agropole Entreprises mette fin à l'occupation de la SAS La Panacée des Plantes ; son occupation n'était ainsi pas irrégulière.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 octobre 2021, l'association Agropole Entreprises, représente par Me Tandonnet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la SAS La Panacée des Plantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la SAS La Panacée des Plantes ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kolia Gallier,
- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,
- et les observations de Me Caparros représentant la SAS La Panacée des plantes et de Me Tandonnet, représentant l'association Agropole Entreprises.
Une note en délibéré présentée par la SAS la Panacée des Plantes, représentée par Me Achou-Lepage, a été enregistrée le 6 février 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Le 16 décembre 2014, une convention de délégation de service public a été conclue entre le département de Lot-et-Garonne et un groupement d'associations composé de l'association Agropole Services, délégataire principal, et des associations Agrotec et Agropole Entreprises, subdélégataires, pour l'animation, la gestion et le développement de la technopole Agropole, située à Estillac, au sein de laquelle a notamment été créée une " pépinière d'entreprises ". Le 1er février 2017, l'association Agropole Entreprises a conclu avec la SAS La Panacée des Plantes trois conventions d'occupation précaires pour la location de locaux jusqu'au 31 décembre 2018. La SAS La Panacée des Plantes s'étant maintenue dans les locaux jusqu'au 27 mai 2019, l'association Agropole Entreprises a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de la condamner à lui verser la somme de 43 287,14 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de l'occupation irrégulière des locaux de la technopole " Agropole ". La SAS La Panacée des plantes relève appel du jugement du 6 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à cette demande à hauteur de la somme de 36 287,14 euros.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ". Ces dispositions ne font pas obligation aux juridictions de viser et d'analyser distinctement dans leurs décisions les mémoires de production de pièces transmis par les parties au litige qui ne contiennent ni conclusion ni moyen, ces pièces se trouvant visées par la mention finale : " Vu les autres pièces du dossier ". Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient entaché d'irrégularité le jugement attaqué en s'abstenant de viser distinctement le bordereau de communication de pièces et la pièce produite par l'association Agropole Entreprises le 2 avril 2021 ne peut qu'être écarté.
3. En second lieu, il ressort du point 2 du jugement attaqué que le tribunal a suffisamment répondu à la fin de non-recevoir opposée par la SAS La Panacée des Plantes tiré de ce que l'association Agropole Entreprises, délégataire du service public, aurait été irrecevable à saisir le juge d'une demande indemnitaire alors que la collectivité publique délégante disposait du pouvoir d'émettre un titre exécutoire. Le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé sur ce point faute d'exposer les " éléments de droit " sur lesquels il se fonde doit, par suite, être écarté.
Au fond :
4. Ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, l'association Agropole Entreprises était recevable à saisir le juge administratif de conclusions indemnitaires tendant à la réparation du dommage causé par l'occupation sans titre du domaine public alors même que la collectivité publique délégante aurait eu le pouvoir d'émettre un titre exécutoire pour recouvrer les sommes qu'elle estimait dues. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir opposée sur ce point.
5. Aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ". L'article L. 2122-1 du même code dispose : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-2 du même code : " L'occupation ou l'utilisation du domaine public ne peut être que temporaire. (...) ". L'article L. 2122-3 du même code prévoit : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 2122-1 présente un caractère précaire et révocable ".
6. Il résulte de l'instruction, en particulier des termes de la convention de délégation de service public conclue par le département de Lot-et-Garonne le 16 décembre 2014 pour l'animation, la gestion et le développement de la technopole " Agropole ", que la collectivité délégante est propriétaire d'un ensemble de biens meubles et immeubles constituant depuis les années 1980 une technopole spécialisée dans l'industrie agro-alimentaire se composant d'un parc d'activités accueillant des entreprises, des services collectifs ainsi que des dispositifs d'accompagnement des créateurs d'entreprises agroalimentaires et de soutien technologique à la filière notamment une " pépinière d'entreprises " ayant pour objet de favoriser la création et le développement d'entreprises de production agroalimentaires et de services connexes viables. Les locaux occupés par la SAS La Panacée des Plantes au sein de cette pépinière, conformément aux conventions d'occupation conclues avec l'association Agropole Entreprises, se composent de bureaux dénommés " module 10 " et " module 10' ", de plateformes de stockage et de production dénommées " module 3 " et " module 4 ", ainsi que d'un local à usage de production et de stockage dénommé " PF n° 2 Aile Est ". L'ensemble de ces biens est affecté à un service public, le technopole, outil de développement économique départemental, ayant aux termes de la convention de délégation de service public vocation à être une vitrine de l'économie agroalimentaire du Lot-et-Garonne afin de susciter l'implantation de nouvelles entreprises et d'attirer de nouveaux investisseurs dans le département, une structure d'accueil, d'hébergement, d'accompagnement et d'appui aux porteurs de projets et créateurs d'entreprises agroalimentaires et un centre de ressources technologiques et scientifiques agroalimentaires. Ces biens sont, en outre, spécialement aménagés pour cette mission. Ainsi, les locaux occupés par la SAS La Panacée des Plantes appartiennent au domaine public de la collectivité délégante ce qui empêchait la conclusion de tout bail commercial pour ce qui les concerne. Il ne résulte, en outre, d'aucun élément au dossier que l'intention des parties aurait été de conclure un contrat d'une telle nature, les différentes conventions précisant au contraire, de manière explicite, le caractère précaire de l'occupation. Dans ces conditions, la société appelante s'est maintenue irrégulièrement dans les locaux en cause après le 31 décembre 2018, terme de l'occupation autorisée par les conventions conclues entre les parties et l'association Agropole Entreprises était fondée à demander la réparation des préjudices en lien avec l'occupation irrégulière du domaine public.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS La Panacée des plantes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à indemniser l'association Agropole Entreprises à hauteur de la somme non contestée de 36 287,14 euros.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'association Agropole Entreprises qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la SAS La Panacée des plantes demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société appelante la somme de 1 500 euros à verser à l'association Agropole Entreprises au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS La Panacée des plantes est rejetée.
Article 2 : La SAS La Panacée des plantes versera à l'association Agropole Entreprises la somme de 1 500 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS La Panacée des Plantes et à l'association Agropole Entreprises.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.
La rapporteure,
Kolia GallierLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au préfet de Lot-et-Garonne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21BX02891 2