Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période correspondant à ces deux années.
Par un jugement n° 2001505, 2001506 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 mai 2022, Mme B..., représentée par Me Maurel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 avril 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période correspondant à ces deux années ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet n'a pas donné lieu à un véritable débat oral et contradictoire ; l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, la doctrine de l'administration, ainsi que la jurisprudence exigent que la vérification de comptabilité donne lieu à une confrontation entre la comptabilité, les déclarations souscrites et la réalité de l'exploitation ; l'administration a l'obligation de procéder à au moins deux visites sur place ; en l'espèce, la première visite n'a été que l'occasion d'une prise de contact et a été écourtée ; il n'y a eu, ensuite, qu'une réunion de synthèse au cours de laquelle les conclusions du contrôle ont été exposées ; elle n'a jamais été reçue par l'administration ; l'examen de sa situation fiscale personnelle dont elle a également fait l'objet ne peut tenir lieu de vérification sur place et de débat oral et contradictoire ; la circonstance que son activité est réalisée sur des plateformes numériques ne dispensait pas l'administration de ses obligations sur ce point ; des interventions sur place auraient permis notamment des échanges sur les entrées d'argent réalisées au profit d'une de ses collègues, lesquelles auraient dû être soustraites ;
- la procédure de vérification de comptabilité étant irrégulière, la procédure d'examen de sa situation fiscale personnelle l'est également.
Par un mémoire enregistré le 28 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés ;
- l'irrégularité invoquée de la procédure de vérification de comptabilité est inopérante, la requérante ayant fait l'objet d'une procédure d'office pour ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée et l'imposition de ses bénéfices non commerciaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,
- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... et son conjoint ont fait l'objet, à compter du 22 janvier 2018, d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle ayant porté sur les années 2015 et 2016. Par avis du 4 mai 2018, Mme B..., qui exerce une activité de voyance via deux plateformes numériques, a également été informée de l'engagement d'une vérification de la comptabilité de cette activité. A la suite de ces contrôles, le foyer fiscal a été assujetti à des suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2015 et 2016 à raison des rehaussements des bénéfices non commerciaux réalisés par Mme B... et celle-ci a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à raison de cette activité, au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016. Mme B..., qui a demandé la décharge de ces suppléments d'impôt et rappels devant le tribunal administratif de Bordeaux, fait appel du jugement du 5 avril 2022 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes.
2. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " I. - Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables (...) ". Si ces dispositions ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, la vérification n'est toutefois pas nécessairement entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne s'est pas déroulée dans ces locaux. Il en va ainsi lorsque, notamment, la comptabilité ne se trouve pas dans l'entreprise et que, d'un commun accord entre le vérificateur et les représentants de l'entreprise, les opérations de vérification se déroulent au lieu où se trouve la comptabilité, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l'entreprise vérifiée.
3. Il résulte de l'instruction que le 22 mai 2018, date de la première intervention sur place ayant eu lieu dans le cadre de la vérification de comptabilité de l'activité de Mme B..., le vérificateur s'est présenté, en l'absence de locaux spécialement affectés à l'activité, au domicile de la contribuable, alors situé à Gujan-Mestras. Il est constant que cette première entrevue a été écourtée par un incident ayant obligé Mme B... à s'absenter, à la suite d'un cambriolage subi par la pizzéria tenue par sa fille dans la même commune. Mme B... s'étant ensuite installée dans le département du Cantal, l'administration soutient qu'il a été convenu entre la vérificatrice et la contribuable de poursuivre les opérations dans les locaux de l'administration à Arcachon, à l'occasion des déplacements de Mme B... en Gironde, sans que la requérante n'apporte aucun élément permettant de considérer qu'elle se serait opposée à ces modalités. Enfin, une seule autre entrevue a eu lieu dans les locaux de l'administration, le 6 août 2018, au cours de laquelle la vérificatrice a présenté les conclusions du contrôle et Mme B... a apporté notamment des éléments relatifs à des recettes encaissées pour le compte d'une tierce personne, exerçant dans le même secteur qu'elle.
4. Bien que la vérification de comptabilité de l'activité de Mme B... n'ait donné lieu à aucune véritable intervention sur place, la requérante ne fait état d'aucun élément permettant d'estimer qu'elle se serait opposée aux modalités de contrôle décrites ci-dessus ni qu'elle aurait été empêchée durant les opérations d'avoir avec la vérificatrice un débat oral et contradictoire et notamment d'échanger avec elle quant aux modalités d'exercice de son activité. Il résulte d'ailleurs de l'instruction qu'elle a pu remettre à la vérificatrice, lors de l'entrevue du 6 août 2018, des éléments qui ont été pris en compte pour l'établissement des impositions en litige, tenant aux sommes encaissées pour le compte d'une de ses collègues et reversées à celles-ci. Il résulte également de l'instruction que la contribuable n'a présenté aucune comptabilité, que le vérificateur n'a procédé à aucun emport de documents comptables et que les opérations de vérification se sont bornées à l'exploitation des extraits de comptes bancaires obtenus dans le cadre de l'examen de la situation fiscale personnelle du foyer fiscal et des éléments fournis à l'occasion de l'exercice du droit de communication de l'administration auprès des deux plateformes numériques de voyance avec lesquelles travaillait Mme B.... Dans ces conditions, la contribuable ne peut être regardée comme ayant été privée d'un débat oral et contradictoire. Les moyens invoqués en appel, tiré de la méconnaissance de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales et de la privation de la garantie d'un débat oral et contradictoire doivent, par suite, être écartés.
5. A supposer que Mme B..., en citant les termes d'une instruction dont elle n'identifie d'ailleurs pas les références, ait entendu se prévaloir de la garantie contre les changements de doctrine de l'administration fiscale prévue à l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, elle ne peut utilement invoquer la doctrine qu'elle cite, qui est relative à la procédure d'imposition et, par suite, ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale au sens et pour l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
6. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, Mme B... n'est pas fondée à soutenir, en tout état de cause, que l'irrégularité qu'elle invoque de la vérification de comptabilité entache, en conséquence, l'examen de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes. Sa requête doit, dès lors, être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Une copie en sera adressée pour information à la direction régionale de contrôle fiscal du Sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
M. Luc Derepas, président de la cour,
Mme Elisabeth Jayat, présidente de chambre,
M. Sébastien Ellie, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024.
La présidente-rapporteur,
Elisabeth JayatLe président,
Luc Derepas
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 22BX01431