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13/02/2024 | FRANCE | N°22BX00426

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 13 février 2024, 22BX00426


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. G... C... a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, ainsi que les pénalités et intérêts de retard auxquels il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011.



Par un jugement n° 1900811 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 7 février

2022, M. C..., représentée par la société d'avocats Aloy, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement n° 190...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, ainsi que les pénalités et intérêts de retard auxquels il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1900811 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 février 2022, M. C..., représentée par la société d'avocats Aloy, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900811 du 2 décembre 2021 ;

2°) de prononcer le dégrèvement des rappels d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des revenus 2010 et 2011 pour un montant total de 105 694 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'examen de sa situation fiscale personnelle a été irrégulièrement étendu au-delà de la durée d'un an imposée par l'article L. 12 du livre des procédures fiscales ;

- le principe d'indépendance des procédures d'imposition entre celle suivie à l'égard de la société Cassagnon et celle suivie à son égard est inapplicable, de sorte que l'irrégularité de la procédure de contrôle de la société Cassagnon entraine l'irrégularité de la procédure d'imposition de M. C... ;

- les quotes-parts des résultats réalisés par les sociétés Projicom et Maisonnave au titre des années 2010 et 2011 ont été déclarées et les impositions correspondantes acquittées ;

- il a justifié les sommes imposées au titre des revenus d'origine indéterminée qui ne sont donc pas imposables dans cette catégorie.

Par deux mémoires enregistrés le 29 juillet 2022 et le 22 novembre 2023, le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et Numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la contestation du requérant relative à l'imposition de revenus d'origine indéterminée est sans objet dès lors que l'administration y a fait droit ; c'est à tort que le tribunal a statué sur ces conclusions ;

- les rehaussements initialement notifiés au titre des revenus distribués provenant de la SARL Cassagnon n'ont pas donné lieu à l'établissement d'impositions ; la contestation du requérant sur ce point, nouvelle en appel, est également sans objet ;

- les moyens soulevés sont infondés.

Par une ordonnance du 20 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 11 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sébastien Ellie ;

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;

- et les observations de Me Rouve représentant M. C... G....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., est gérant et associé de la SARL Cassagnon, qui poursuit une activité de lotisseur à la suite de l'apport d'un terrain lors de sa constitution par le père de M. C..., associé jusqu'à son décès en 2008. Les autres associés de la SARL sont Mme A... C..., sa soeur, Mme F... de I... et M. D... de I..., sa nièce et son neveu, tous deux fils et fille de Mme E... C.... Il est également associé des sociétés de personnes Projicom, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) et Maisonnave, société civile immobilière (SCI). La SARL Cassagnon a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2010 et 2011, au terme de laquelle l'administration a remis en cause l'option pour le régime des sociétés de personnes décidée par la SARL Cassagnon au moment de sa constitution et a soumis cette dernière à l'impôt sur les sociétés. M. C..., qui a fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle au titre de ces deux années 2010 et 2011, s'est vu notifier deux propositions de rectification du 5 juillet 2013 et 14 mai 2014, cette dernière tenant compte des résultats de la vérification de la comptabilité de la SARL Cassagnon. La réclamation de M. C... relative aux impositions supplémentaires sur le revenu a donné lieu à un dégrèvement intégral des impositions mis à sa charge par un courrier du 9 avril 2015, l'administration fiscale indiquant toutefois son intention de reprendre la procédure. Les impositions supplémentaires, d'un montant inférieur à celui mentionné dans les propositions de rectification, ont été mises en recouvrement le 31 décembre 2016. Suite à la réclamation de M. C..., l'administration a prononcé un dégrèvement partiel des impositions à hauteur de 87 136 euros par une décision du 6 février 2019. M. C... fait appel du jugement du 2 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux et des majorations et intérêts de retard auxquels il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 pour un montant de 105 694 euros.

Sur l'étendue du litige :

2. Les impositions en litige ne portent pas sur les revenus d'origine indéterminée, pour lesquels l'administration avait initialement proposé un rehaussement de 85 800 euros pour 2010 et 78 995 euros pour 2011. Par la proposition de rectification du 14 mai 2014, l'administration a en effet réduit les revenus d'origine indéterminée à 30 800 euros pour 2010 et par sa décision du 6 février 2019, l'administration a abandonné l'ensemble des rehaussements au titre des revenus d'origine indéterminée, pour un montant de 24 625 euros pour 2010 et 62 511 pour 2011. De même, les bénéfices industriels et commerciaux de la SARL Cassagnon, initialement pris en compte par l'administration dans la proposition de rectification du 5 juillet 2013, ont été requalifiés en revenus de capitaux mobiliers après le contrôle de la SARL Cassagnon. Toutefois, il ressort de la décision du 6 février 2019 et de l'avis d'imposition du 31 décembre 2016 que les revenus de capitaux mobiliers provenant de la SARL Cassagnon n'ont pas donné lieu à imposition. En revanche, les bénéfices industriels et commerciaux provenant de l'EURL Projicom, les revenus fonciers provenant de la SCI Maisonnave et les autres revenus d'origine indéterminée font l'objet des impositions maintenues à la charge du contribuable. Les sommes restant à la charge de M. C... à la date de sa demande devant le tribunal administratif sont ainsi de 105 694 euros, M. C... n'ayant pas demandé devant le tribunal et ne demandant pas devant la cour la décharge de sommes supérieures à ce montant, l'exception de non-lieu partiel opposée par l'administration ne peut être accueillie.

3. Par ailleurs, si le contribuable a contesté devant le tribunal l'imposition de revenus d'origine indéterminée qui ont donné lieu à un dégrèvement, Il en résulte seulement que les moyens de M. C... dirigés contre ce chef de rehaussement étaient inopérants. Ainsi, si le tribunal s'est prononcé sur cette contestation pour l'écarter au fond, cette circonstance n'entache pas le jugement d'irrégularité.

4. Enfin, si le contribuable conteste en appel l'imposition de revenus de capitaux mobiliers issus de la SARL Cassagnon alors que ces revenus n'ont finalement pas donné lieu à l'établissement d'une imposition, cette circonstance a pour seule conséquence que les moyens de M. C... sur ce point sont inopérants.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

5. Aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : " (...) Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification. "

6. La proposition de rectification du 14 mai 2014 visait à tirer les conséquences sur le revenu global de M. C... de la vérification de comptabilité de la SARL Cassagnon, le contrôle de la société ayant notamment conduit à la remise en cause de l'option de l'article 239 bis AA du code général des impôts, à la taxation à l'impôt sur les sociétés du bénéfice réalisé au titre des exercices clos et à la réintégration de certaines charges non exposées dans l'intérêt de la société. Ces modifications ne procèdent pas de nouvelles investigations dans les ressources ou le patrimoine personnel du contribuable mais uniquement du contrôle de la société dont il est associé et gérant. Elles n'impliquent pas davantage la modification des montants en cause. La proposition de rectification du 14 mai 2014 ne constitue ni un nouvel examen de la situation fiscale personnelle de M. C..., ni une prolongation de l'examen ayant débuté par l'avis d'examen contradictoire du 19 juillet 2012 et s'étant conclu par la proposition de rectification du 5 juillet 2013. Enfin, si l'administration a proposé à M. C... un entretien le 2 septembre 2013, l'objet de cet entretien portait sur l'impôt de solidarité sur la fortune qui faisait l'objet d'un contrôle spécifique. Le rendez-vous du 3 septembre 2013 avait pour objet la vérification de comptabilité de la SARL Cassagnon et non l'examen de situation fiscale personnelle de M. C.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L.12 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

7. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". M. C... ne conteste pas avoir été régulièrement taxé d'office pour défaut de souscription de ses déclarations dans le délai fixé par la mise en demeure. Il supporte en conséquence la charge de la preuve en vertu de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales.

8. En premier lieu, aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) / Il en est de même, sous les mêmes conditions : (...) 3° Des membres des sociétés à responsabilité limitée qui ont opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues au IV de l'article 3 du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié ou dans celles prévues par l'article 239 bis AA ; (...) ". Aux termes de l'article 239 bis AA du même code : " Les sociétés à responsabilité limitée exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, et formées uniquement entre personnes parentes en ligne directe ou entre frères et sœurs, ainsi que les conjoints et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil, peuvent opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes mentionné à l'article 8. L'option ne peut être exercée qu'avec l'accord de tous les associés. Elle cesse de produire ses effets dès que des personnes autres que celles prévues dans le présent article deviennent associées ". L'article L. 53 du livre des procédures fiscales dispose que : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même. "

9. Il résulte des dispositions de l'article 239 bis AA du code général des impôts que l'option pour le régime des sociétés de personnes est soumise à deux conditions, tenant à la nature de l'activité exercée et à l'existence de liens familiaux entre les associés. Ces deux conditions doivent être satisfaites non seulement au moment de la notification de l'option mais aussi pendant toutes les années au titre desquelles la société prétend au bénéfice de ce régime. Dès lors, si l'une de ces conditions n'est plus remplie, le bénéfice de l'option ne peut plus être revendiqué.

10. Il résulte de l'instruction que la SARL Cassagnon a été constituée le 16 septembre 2003 entre M. B... C..., Mme A... C..., sa fille, M. G... C..., son fils, M. D... de I..., son petit-fils et Mme F... H..., sa petite fille. La condition tenant à l'existence de liens familiaux directs entre les associés, prévue par l'article 239 bis AA du code général des impôts, n'est en l'espèce pas remplie dès lors que figurent parmi les associés de la société Cassagnon M. D... de I... et Mme F... H..., respectivement neveu et nièce de Mme A... C... et de M. G... C... et tous deux fils et fille de Mme E... C.... La société ne peut dès lors être considérée comme étant composée uniquement, dès la notification, le 10 octobre 2003, de l'option pour le régime des sociétés de personnes, de personnes parentes en ligne directe ou de frères et sœurs. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause l'option exercée par la société Cassagnon pour le régime des sociétés de personnes sur le fondement de l'article 239 bis AA du code général des impôts.

11. Le tribunal administratif de Pau a déchargé la SARL Cassagnon des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés établies au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 par un jugement n° 1600115, 1601888 du 23 novembre 2017. Cette décharge était fondée sur l'irrégularité de la procédure d'imposition suivie et non sur le bien-fondé du rehaussement. La règle d'indépendance des procédures de contrôle visant des contribuables distincts s'applique en l'espèce, dès lors que la SARL Cassagnon, comme il vient d'être dit, ne peut bénéficier de l'option pour le régime des sociétés de personnes et qu'elle relève, par suite, de l'impôt sur les sociétés. Ainsi, en raison du principe de l'indépendance des procédures de redressement menées à l'encontre de la société, d'une part, et de ses dirigeants, d'autre part, les irrégularités de la procédure de vérification de la SARL Cassagnon sont sans incidence sur la régularité et le bien-fondé des impositions de M. C....

12. En second lieu, si M. C... a déposé, d'ailleurs tardivement, le 30 avril 2013, ses déclarations d'impôt sur le revenu au titre des années 2010 et 2011 ainsi qu'il ressort des certificats de dépôt émis par le contrôleur principal du service des impôts des particuliers de Biarritz, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait acquitté les impositions correspondantes de sorte qu'il n'est pas fondé à soutenir que les revenus taxés à la suite de son examen de situation fiscale personnelle auraient donné lieu à une imposition qu'il aurait acquittée.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Une copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal du Sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024 où siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

Mme Elisabeth Jayat, présidente de chambre,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024.

Le rapporteur,

Sébastien Ellie

Le président,

Luc Derepas

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°22BX00426


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00426
Date de la décision : 13/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: M. Sébastien ELLIE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SELARL ALOY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-13;22bx00426 ?
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