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06/02/2024 | FRANCE | N°23BX01378

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 06 février 2024, 23BX01378


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 15 juin 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de parent d'un enfant malade, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.



Par un jugement n° 2203529 du 26 octobre 2022, le tribunal administr

atif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 15 juin 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de parent d'un enfant malade, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.

Par un jugement n° 2203529 du 26 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mai 2023, Mme C..., représentée par Me Trebesses, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2203529 du tribunal administratif de Bordeaux du 26 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 juin 2022 de la préfète de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, dans le même délai, de procéder au réexamen de sa situation administrative et de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ainsi que sur le moyen tiré de ce que la préfète s'est estimée, à tort, en situation de compétence liée au regard de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;

- sa fille mineure souffre d'un handicap moteur cérébral de naissance qui la contraint à se déplacer en fauteuil roulant ; le défaut de prise en charge de sa pathologie pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Géorgie, elle ne peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans ce pays ; dès lors, la décision lui refusant le séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le collège de médecins de l'OFII et la préfète de la Gironde devaient se prononcer sur l'existence de possibilités d'accès à un traitement approprié en Géorgie ;

- la préfète s'est estimée, à tort, en situation de compétence liée par rapport à l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII ;

- eu égard à sa situation familiale et personnelle, l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en faisant valoir que la requête est tardive et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante géorgienne née le 27 février 1975, est entrée en France le 19 février 2019 et a sollicité, le 9 décembre 2021, une autorisation provisoire de séjour en qualité de parent d'un enfant malade, sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Après avoir sollicité, pour avis, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), la préfète de la Gironde, par un arrêté du 15 juin 2022, a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée. Mme C... relève appel du jugement du 26 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, Mme C... soutient que les premiers juges ont omis de se prononcer sur le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle dont la préfète aurait entaché son arrêté. Toutefois, il ressort du point 3 du jugement attaqué que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments de la demande, a répondu de manière suffisamment motivée à ce moyen en l'écartant. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier pour ce motif.

3. En second lieu, si la requérante soutient que le tribunal ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de ce que la préfète de la Gironde s'est estimée, à tort, en situation de compétence liée au regard de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, il ne ressort pas des écritures de première instance que ce moyen aurait été soulevé par l'intéressée devant les premiers juges. Par suite, le moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, Mme C... reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par les premiers juges, le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle dont la préfète aurait entaché son arrêté. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (...) ". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9 (...) se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. (...). / (...) / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ".

6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif saisi de l'affaire, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et de la possibilité d'y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et la possibilité d'en bénéficier effectivement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

7. De première part, il ressort des pièces du dossier que la fille de Mme C..., née le 27 avril 2005, souffre d'un handicap moteur cérébral de naissance qui la contraint à se déplacer en fauteuil roulant. Par un avis du 16 mars 2022, le collège de médecins de l'OFII a indiqué que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. La requérante conteste l'analyse du collège de médecins de l'OFII en produisant deux certificats médicaux, l'un du 1er décembre 2021 indiquant que l'enfant n'a aucune autonomie, l'autre du 2 décembre 2021 mentionnant que l'état de santé de l'intéressée nécessite " des soins complexes ". Toutefois, ces documents, qui ne se prononcent pas sur les conséquences d'un défaut de traitement médical, ne sont pas, à eux-seuls, de nature à justifier de ce qu'un défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner, pour la fille de Mme C..., des conséquences d'une exceptionnelle gravité. En outre, si l'appelante fait valoir qu'elle n'aurait pas effectivement accès aux soins que nécessite le handicap de sa fille en Géorgie, dont au demeurant elle ne précise pas la teneur exacte, elle n'apporte, en tout état de cause, aucun justificatif sur ce point en se bornant à l'affirmer. Dans ces conditions, aucun élément versé au dossier ne permet de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII et la requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que la décision lui refusant le séjour est entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. De deuxième part, contrairement à ce que soutient Mme C..., ni le collège de médecins de l'OFII ni la préfète de la Gironde, dès lors qu'ils estimaient que le défaut de prise charge médicale de sa fille n'est pas de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, n'avaient à se prononcer sur l'existence de possibilités d'accès à un traitement approprié ou de prise en charge en Géorgie. Au demeurant, il ressort des termes de l'arrêté contesté que la préfète s'est prononcée sur ce point. Par suite, le moyen doit être écarté.

9. De dernière part, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté attaqué, ni d'aucune autre pièce du dossier que la préfète de la Gironde se serait estimée, à tort, en situation de compétence liée par rapport à l'avis émis le 16 mars 2022 par le collège des médecins de l'OFII, dont elle s'est appropriée les motifs. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait, à ce titre, entachée la décision portant refus de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour doit être écarté.

10. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C..., présente sur le territoire français depuis moins de quatre ans à la date de l'arrêté contesté, ne justifie pas de l'existence de liens d'une particulière intensité en France et n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où, selon ses propres déclarations, résident ses deux autres enfants majeurs ainsi que ses parents. Par ailleurs, l'intéressée ne justifie pas d'une insertion professionnelle particulière sur le territoire ni qu'elle disposerait de ressources financières stables. Enfin, ainsi qu'il a été exposé au point 7, la requérante n'établit pas que le défaut de prise en charge médicale que nécessite la situation de handicap de sa fille mineure pourrait avoir pour cette dernière des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni qu'elle ne pourrait avoir accès à des soins appropriés à sa pathologie en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de la requérante, la préfète de la Gironde n'a pas entaché l'arrêté contesté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.

Le rapporteur,

Michaël B... La présidente,

Evelyne BalzamoLa greffière

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX013782


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01378
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : TREBESSES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;23bx01378 ?
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