Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Cocktail développement a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 5 juin 2019 par lequel le maire de Bayonne a refusé de lui délivrer une autorisation en vue de l'installation d'un dispositif de publicité numérique double face sur la parcelle cadastrée section AS n°642.
Par un jugement n°1901743 du 2 novembre 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de la société Cocktail développement.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 3 janvier 2022, le 10 juin 2022 et le 24 novembre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société Cocktail développement, représentée par Me Tertrais, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 2 novembre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre au maire de Bayonne de lui délivrer l'autorisation sollicitée dans un délai d'un mois maximum à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, en application des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de la ville de Bayonne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la motivation stéréotypée de l'arrêté attaqué est insuffisante et méconnaît ainsi l'article L. 581-21 du code de l'environnement ;
- la commune de Bayonne rejette systématiquement les demandes d'implantation de panneaux d'affichage numérique sur son territoire ;
- le tribunal lui a opposé à tort les dispositions de l'article 4 du règlement de publicité applicable qui ne s'appliquent qu'aux seuls dispositifs publicitaires ; or, aucun dispositif publicitaire n'était présent sur la parcelle cadastrée section AS n°642 au jour de l'arrêté du 5 juin 2019 ;
- le panneau d'activité de l'établissement Brisach déjà implanté sur la parcelle est demeuré une enseigne en l'absence de déclaration préalable, de sorte que la présence d'aucun panneau publicitaire sur le terrain ne lui est opposable ;
- il ressort sans ambiguïté du contrat de location qu'elle a conclu avec le bailleur, que cette enseigne devait disparaître pour laisser place au panneau numérique litigieux ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que la commune de Bayonne aurait dû interroger le pétitionnaire sur la suppression éventuelle de ce panneau dès lors que cela relève de l'examen du caractère complet du dossier ;
- le panneau d'affichage lumineux qu'elle envisage d'installer sur la parcelle ne présente aucun risque pour les usagers de la route au regard des dispositions de l'article R. 418-4 du code de la route.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 avril 2022 et le 5 octobre 2022, la commune de Bayonne, représentée par le cabinet HMS Atlantique avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Cocktail développement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la société Cocktail développement ne sont pas fondés ;
- la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de la décision contestée.
Par ordonnance du 25 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 24 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de la route ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Edwige Michaud, rapporteure,
- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,
- les observations de Me Gobé, représentant la société Cocktail développement, et de Me Lefort, représentant la commune de Bayonne.
Considérant ce qui suit :
1. La société Cocktail développement a déposé le 30 avril 2019 auprès de la commune de Bayonne une demande d'autorisation préalable en vue de l'installation d'une publicité sous forme de panneau d'affichage numérique double face au 64 chemin de Trouillet à Bayonne. Cette demande a été rejetée par un arrêté de l'adjoint au maire de Bayonne, délégué à l'urbanisme et à l'habitat, du 5 juin 2019. La société Cocktail développement relève appel du jugement du 2 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 juin 2019.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 581-2 du code de l'environnement : " Afin d'assurer la protection du cadre de vie, le présent chapitre fixe les règles applicables à la publicité, aux enseignes et aux préenseignes, visibles de toute voie ouverte à la circulation publique, au sens précisé par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 581-3 du même code : " Au sens du présent chapitre : 1° Constitue une publicité, à l'exclusion des enseignes et des préenseignes, toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, formes ou images étant assimilées à des publicités ; 2° Constitue une enseigne toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à une activité qui s'y exerce ; 3° Constitue une préenseigne toute inscription, forme ou image indiquant la proximité d'un immeuble où s'exerce une activité déterminée. ". Le troisième alinéa de l'article R. 581-64 du même code dispose que : " Les enseignes de plus de 1 mètre carré, scellées au sol ou installées directement sur le sol, ne peuvent être placées à moins de 10 mètres d'une baie d'un immeuble situé sur un fonds voisin lorsqu'elles se trouvent en avant du plan du mur contenant cette baie. / Ces enseignes ne doivent pas être implantées à une distance inférieure à la moitié de leur hauteur au-dessus du niveau du sol d'une limite séparative de propriété. Elles peuvent cependant être accolées dos à dos si elles signalent des activités s'exerçant sur deux fonds voisins et si elles sont de mêmes dimensions. / Les enseignes de plus de 1 mètre carré scellées au sol ou installées directement sur le sol sont limitées en nombre à un dispositif placé le long de chacune des voies ouvertes à la circulation publique bordant l'immeuble où est exercée l'activité signalée ".
3. L'arrêté portant réglementation de la publicité sur le territoire de la commune de Bayonne du 14 novembre 2006, applicable à la date de l'arrêté attaqué, a pour objet de fixer des prescriptions concernant les publicités et les préenseignes ainsi que l'indique expressément la mention précédant l'article 1er du règlement. Il indique en son chapitre 1 relatif aux dispositions générales : " 1.1/ Il est créé sur le territoire de la Commune de Bayonne, en agglomération, sept zones de publicité restreinte (ZPR A, ZPR B, ZPR C, ZPR D avec trois sous zones - DI, D2 et D3, ZPR E, ZPR F avec deux sous zones - F1 et F2 - et ZPR G), et, hors agglomération, une zone de publicité autorisée (Zone d'activités de St Etienne). / Ce zonage est retranscrit sur un plan figurant en annexe 1 et réputé faire partie du présent règlement. / A l'intérieur de chaque zone d'affichage restreinte, et à l'exception de la ZPR F1 sous réserve du respect des dispositions qui y sont édictées, un seul dispositif publicitaire pourra être implanté par unité foncière. (...). ". Cet arrêté indique également à l'article 4.1.2 concernant la zone de publicité restreinte " D " dans laquelle se situe la parcelle cadastrée section AS n°642 : " Prescriptions : - Tout dispositif de publicité devra être implanté sur une unité foncière (...) ; - Il ne pourra y avoir qu'un seul dispositif par unité foncière ".
4. Il résulte des dispositions citées au point 2 que doit être qualifiée d'enseigne, l'inscription, forme ou image installée sur un terrain ou un bâtiment où s'exerce l'activité signalée. S'agissant d'un dispositif scellé au sol ou installé sur le sol, sa distance par rapport à l'entrée du local où s'exerce l'activité est sans incidence sur la qualification d'enseigne, dès lors que ce dispositif est situé sur le terrain même où s'exerce cette activité et est relatif à cette dernière.
5. L'arrêté du maire de Bayonne se fonde sur un premier motif tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement de publicité sur le territoire de la commune de Bayonne du 14 novembre 2006 dès lors qu'il existe déjà un dispositif de publicité sur la parcelle cadastrée section AS n°642, dont la suppression n'est pas prévue dans la demande. La société Cocktail développement demandait l'autorisation d'implanter une publicité sous forme de panneau d'affichage numérique double face. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, deux panneaux étaient déjà installés sur la parcelle cadastrée section AS n°642 afin de signaler les deux commerces, dénommés " Brisach " et " Aux délices de Ste croix ". Ces deux panneaux, qui ne constituent ni des publicités ni des préenseignes, sont implantés sur le terrain où s'exercent les activités des deux commerces et doivent donc être qualifiés d'enseignes au sens des dispositions précitées du 2° de l'article L.581-3 du code de l'environnement. Or, l'arrêté portant réglementation de la publicité sur le territoire de la commune de Bayonne du 14 novembre 2006, qui ne concerne que les dispositifs de publicité et les préenseignes, ne s'applique pas aux enseignes. En outre, la circonstance alléguée par la commune de Bayonne selon laquelle l'établissement Brisach situé chemin de Trouillet a cessé son activité le 7 janvier 2019 ne suffit pas à qualifier le panneau de cette entreprise situé sur la parcelle cadastrée section AS n°642 de publicité. Par suite, en retenant que l'implantation projetée par la société requérante conduirait à autoriser la présence de plus d'un dispositif de publicité visible depuis une voie ouverte à la circulation publique par unité foncière, en méconnaissance de l'article 4 du règlement de publicité du 14 novembre 2006, le maire de Bayonne a commis une erreur de droit.
6. Aux termes du troisième alinéa de l'article L.581-9 du code de l'environnement : " L'installation des dispositifs de publicité lumineuse autres que ceux qui supportent des affiches éclairées par projection ou par transparence est soumise à l'autorisation du maire. ". Aux termes de l'article R.581-15 du code de l'environnement dans sa version applicable au litige : " (...). L'autorisation d'installer un dispositif de publicité lumineuse visé par le troisième alinéa de l'article L. 581-9 ou un mobilier urbain destiné à supporter de la publicité lumineuse visé par le même alinéa est accordée, compte tenu notamment du cadre de vie environnant et de la nécessité de limiter les nuisances visuelles pour l'homme et l'environnement au sens de l'article L. 583-1 aux dispositifs dont les caractéristiques respectent les prescriptions des articles R. 581-34 à R. 581-41 et les interdictions faites aux publicités et enseignes par l'article R. 418-4 du code de la route. (...) ". Aux termes de l'article R. 418-4 du code de la route : " Sont interdites la publicité et les enseignes, enseignes publicitaires et préenseignes qui sont de nature, soit à réduire la visibilité ou l'efficacité des signaux réglementaires, soit à éblouir les usagers des voies publiques, soit à solliciter leur attention dans des conditions dangereuses pour la sécurité routière. Les conditions et normes que doivent respecter les dispositifs lumineux ou rétroréfléchissants visibles des voies publiques sont fixées par un arrêté conjoint du ministre chargé de l'équipement et du ministre de l'intérieur. ".
7. L'arrêté ataqué se fonde sur un autre motif tiré de ce que le projet ne respecte pas les dispositions de l'article R. 418-4 du code de la route dès lors qu'en raison de ses caractéristiques, il est de nature à détourner l'attention des automobilistes et présente un danger pour les usagers de la route, le panneau d'affichage lumineux pouvant perturber la lecture des panneaux de signalisation routière avec lesquels il se trouverait en concurrence. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section AS n°642 est située à l'angle de l'avenue Henri de Navarre et du chemin de Trouillet et à proximité d'un carrefour comportant trois feux de signalisation. La société Cocktail développement fait valoir sans être contestée que la vitesse de circulation est limitée à 50 km/h devant le terrain d'assiette du projet. En outre, elle souhaite installer son panneau d'affichage numérique en retrait de l'avenue Henri de Navarre et elle indique que par rapport à sa précédente demande, elle a éloigné l'implantation du dispositif projeté du croisement routier. Le dossier de demande précise également que la technologie utilisée évite l'éblouissement ou les réverbérations du soleil, des feux de circulation et des phares de tous véhicules conformément aux exigences précitées de l'article R.418-4 du code de la route. Enfin, la circulation piétonne intense alléguée par la commune de Bayonne ne ressort pas des pièces du dossier. Les éléments produits par la commune dans le constat d'huissier du 3 mars 2022 relatifs à la forte fréquentation de l'avenue de Navarre et à l'implantation sur cette avenue de plusieurs panneaux de signalisation ne sont pas de nature à établir que le panneau d'affichage numérique projeté, de par ses caractéristiques et sa localisation, serait de nature à détourner l'attention des automobilistes. Dans ces conditions, la société Cocktail développement est également fondée à soutenir que c'est à tort que la commune de Bayonne a, pour ce motif, refusé de faire droit à sa demande d'autorisation d'implantation d'un dispositif de publicité lumineuse sur la parcelle cadastrée section AS n°642.
8. En outre, la substitution de motif sollicitée par la commune de Bayonne ne peut être accueillie dans la mesure où cette collectivité, qui se borne à produire un constat d'huissier daté du 3 mars 2022 qui détaille les éléments de signalisation routière dont la visibilité ou l'efficacité seraient réduites au sens de l'article R.481-4 du code de la route, oppose en réalité le même motif que celui relatif à la sécurité routière énoncé dans l'arrêté attaqué.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que la société Cocktail développement est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 juin 2019.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
10. La commune de Bayonne établit que les dispositions du nouveau règlement local de publicité, et notamment l'article 3.2 de ce règlement approuvé par une délibération du conseil municipal du 9 juillet 2022, interdisent le projet en litige, en particulier au regard de l'interdiction de toute nouvelle publicité aux abords des carrefours à sens giratoire et des carrefours à feux, dans un rayon de 40 mètres comptés du bord extérieur de la chaussée, lorsqu'elle présente une surface unitaire supérieure à 2 mètres carrés. En outre, et d'une part, en application du principe d'indépendance des législations, la société Cocktail développement ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme pour contester l'applicabilité du nouveau règlement local de publicité. Elle ne peut davantage se prévaloir des dispositions de l'article R. 581-88 du code de l'environnement, ces dispositions ayant pour objet de ménager un délai transitoire de mise en conformité pour les dispositifs existants non conformes aux dispositions du code de l'environnement. Dans ces conditions, les conclusions de la société Cocktail développement tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de Bayonne de lui délivrer l'autorisation sollicitée ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bayonne la somme que la société Cocktail développement demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la commune de Bayonne soit mise à la charge de la société requérante, qui n'est pas la partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 2 novembre 2021 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 5 juin 2019 est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cocktail développement et à la commune de Bayonne.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente assesseure,
Mme Edwige Michaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.
La rapporteure,
Edwige MichaudLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX00003