Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B..., a demandé au tribunal administratif de Limoges de lui restituer la somme de 5 410,86 euros correspondant à des cotisations d'impôt sur le revenu prélevé à la source sur la somme nette de 22 835,35 euros versée par son employeur en juillet 2019 à raison d'un rappel de rémunération dû au titre de la période du 26 mars au 31 décembre 2018.
Par un jugement n° 1902125 du 29 décembre 2021, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 février 2022 et un mémoire enregistré le 27 février 2023, Mme B..., représentée par Me Maret, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 décembre 2021 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le prélèvement à la source a été institué par la loi n°2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 et afin d'éviter une double imposition, le législateur a prévu que les revenus de 2018 qualifiés de non exceptionnels ne sont pas imposables ; les salaires imposés en l'espèce sont des salaires versés en 2019 mais dus au titre de l'année 2018 et versés en régularisation de sa situation ; il s'agit de salaires réguliers de 2018 et non de revenus exceptionnels ;
- elle a subi une double imposition puisqu'elle a supporté un prélèvement à la source à la fois sur les salaires de 2018 et sur ceux de 2019 s'agissant de ces rappels de salaires qu'elle a dû déclarer au titre de l'année 2019 ;
- la mise en œuvre du prélèvement à la source neutralise les dispositions de l'article 156 du code général des impôts et le principe visé par l'article 12 du CGI et l'article 204 A-1 du code général des impôts, s'agissant de revenus non exceptionnels dont le fait générateur est intervenu en 2018 ; ces revenus auraient dû relever de " l'année blanche " ; il n'est pas cohérent que ce dispositif ait été appliqué à une partie de ses salaires perçus au titre de l'année 2018 et pas à l'autre ;
- il lui a été indiqué qu'elle pouvait bénéficier du quotient mais elle n'a pas eu avantage à l'application de ce dispositif qu'elle a choisi de demander ;
- en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, il sera ordonné à l'administration de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois.
Par des mémoires enregistrés le 2 septembre 2022 et le 16 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions en injonction sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,
- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., praticien hospitalier au centre hospitalier spécialisé La Valette à Saint-Vaury (Creuse), a été placée en congé de maladie ordinaire et a perçu à ce titre, pour la période du 26 mars au 31 décembre 2018, une rémunération correspondant à un demi-traitement. Par arrêté du préfet de la Creuse du 5 juin 2019, la maladie de Mme B... a été reconnue, à compter du 26 mars 2018, comme relevant d'un congé de longue maladie et non d'un congé de maladie ordinaire et son employeur lui a versé, en juillet 2019, une somme de 22 835,35 euros correspondant à un rappel de la rémunération à plein traitement à laquelle elle avait droit pour la période du 26 mars au 31 décembre 2018. Sur cette somme, le centre hospitalier La Valette à Saint-Vaury a procédé, sur la base du taux de 22,30 % transmis par l'administration fiscale, à un prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu d'un montant de 5 410,86 euros. Estimant que ce complément de rémunération ne devait pas être soumis à un prélèvement à la source au titre des revenus de l'année 2019 mais qu'il relevait du dispositif dit de " l'année blanche " sur les revenus de l'année 2018, Mme B... a déposé une déclaration rectificative de ses revenus de l'année 2018 afin d'y inclure ce complément de rémunération et a demandé le dégrèvement de la cotisation d'impôt de 5 410,86 euros prélevée sur ce rappel de salaire. Sa réclamation ayant été rejetée par une décision du 8 octobre 2019, elle a saisi le tribunal administratif de Limoges d'une demande en restitution de cette somme. Elle fait appel du jugement du 29 décembre 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes de l'article 204 A du même code, applicable, en vertu de l'article 60 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, à l'imposition des revenus perçus à compter du 1er janvier 2019 : " 1. Les revenus imposables à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux salaires, aux pensions ou aux rentes viagères ou dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles, des bénéfices non commerciaux et des revenus fonciers, à l'exception des revenus mentionnés à l'article 204 D, donnent lieu, l'année au cours de laquelle le contribuable en a la disposition ou de leur réalisation, à un prélèvement. / 2. Le prélèvement prend la forme : 1° Pour les revenus mentionnés à l'article 204 B, d'une retenue à la source effectuée par le débiteur lors du paiement de ces revenus (...) ".
3. Aux termes de l'article 60 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 : " (...) II. - A. - Les contribuables bénéficient, à raison des revenus non exceptionnels entrant dans le champ du prélèvement mentionné à l'article 204 A du code général des impôts, tel qu'il résulte de la présente loi, perçus ou réalisés en 2018, d'un crédit d'impôt modernisation du recouvrement destiné à assurer, pour ces revenus, l'absence de double contribution aux charges publiques en 2019 au titre de l'impôt sur le revenu. / B. - Le crédit d'impôt prévu au A du présent II est égal au montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2018 résultant de l'application des règles prévues aux 1 à 4 du I de l'article 197 du code général des impôts ou, le cas échéant, à l'article 197 A du même code multiplié par le rapport entre les montants nets imposables des revenus non exceptionnels mentionnés au 1 de l'article 204 A dudit code, les déficits étant retenus pour une valeur nulle, et le revenu net imposable au barème progressif de l'impôt sur le revenu, hors déficits, charges et abattements déductibles du revenu global (...) ". Le crédit d'impôt modernisation du recouvrement issu de ces dispositions, dit " année blanche ", s'applique, aux termes de l'article 60 de la loi, et s'agissant des salaires, aux revenus perçus en 2018.
4. En vertu des dispositions précitées de l'article 12 du code général des impôts la somme dont Mme B... a eu la disposition en 2019 était imposable au titre de cette même année alors même qu'elle se rapportait à des rémunérations qui, si elles avaient été versées à leur date normale d'échéance, l'auraient été au cours de l'année précédente. Le dispositif de crédit d'impôt modernisation du recouvrement, destiné à éviter une double contribution aux charges publiques en 2019 au titre de l'impôt sur le revenu, n'a ni pour objet ni pour effet de déroger à la règle de l'annualité de l'impôt résultant de l'article 12 du code général des impôts.
5. La circonstance que Mme B... ait souscrit une déclaration rectificative au titre de l'année 2018 pour déclarer la somme de 22 835,35 euros qu'elle a perçue en 2019 ne crée par elle-même aucune situation de double imposition dès lors que cette somme, qui n'était pas imposable au titre de l'année 2018, ne peut être réputée avoir été imposée au titre du dispositif de crédit d'impôt modernisation du recouvrement applicable, comme il a été dit ci-dessus, aux salaires perçus en 2018.
6. Aux termes de l'article 163-0 A du code de général des impôts : " (...) II. - Lorsqu'au cours d'une année un contribuable a eu, par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, la disposition d'un revenu correspondant, par la date normale de son échéance, à une ou plusieurs années antérieures, l'intéressé peut demander que l'impôt correspondant à ce revenu soit calculé en divisant son montant par un coefficient égal au nombre d'années civiles correspondant aux échéances normales de versement augmenté de un, en ajoutant à son revenu net global imposable le quotient ainsi déterminé, puis en multipliant par ce même coefficient la cotisation supplémentaire ainsi obtenue (...) ".
7. Mme B..., qui a opté pour le dispositif du quotient prévu par les dispositions précitées ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de ses conclusions en décharge de l'imposition litigieuse, de ce que cette option n'a pas conduit à une réduction de l'impôt par rapport aux modalités ordinaires de calcul. Ainsi que le fait d'ailleurs valoir l'administration, le système du quotient, qui atténue les effets de la progressivité du barème de l'impôt sur le revenu, ne procure aucun avantage particulier dans le cas où la prise en compte du revenu différé n'entraîne pas le passage dans une tranche supérieure du barème.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions en injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Une copie en sera adressée pour information à la direction régionale de contrôle fiscal du Sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Sébastien Ellie, premier conseiller,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.
Le premier assesseur,
Sébastien EllieLa présidente-rapporteure,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX00721